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Publié par fxg

Moi, Jeanina, adolescente an tan Sorin, aux éditions Nestor

Moi jeanina couv« L’esprit konpè lapen a décuplé an tan Sorin… » C’est la principale leçon qu’on retire du livre de Claudine Hazaël-Ambrosio, « Moi, Jeanina, adolescente an tan Sorin », que publient les éditions Nestor. L’auteur s’est plongée dans ses souvenirs d’enfance et surtout le souvenir des récits de sa mère, Jeanina, tout juste adolescente en 1940 quand débute le règne du gouverneur Sorin. Si Claudine Hazaël-Ambrosio insiste sur le régime vichyste en cours alors à la Guadeloupe, son livre est d’abord un témoignage sur la vie des gens ordinaires. Bien sûr, avec Constant Sorin, « la notion de l’effort se trouvait fortement associée à celle de la servitude », mais au fil de la lecture, on découvre une Guadeloupe de gens simples qui luttent pour survivre. « La famille [de Jeanina] vit très modestement à Petit-Bourg, dans une maison en bois de quatre pièces avec cuisine à l’extérieur » et « Jeanina et ses frères et sœurs avaient le ventre qui grondait comme un des cratères de la Soufrière ». Huile de coco sèche, farine de fruit à pain et cartes de ravitaillement… Le savon devient un luxe qu’on économise en frottant le linge à la rivière avec des feuilles de giraumon et de soleil. A l’école, les femmes institutrices ont quasiment disparu. C’est une de ces femmes remerciées par le gouverneur Sorin qui « encouragea Jeanina à passer son certificat d’études en lui donnant des cours particuliers »… A l’école, il faut chanter « Viv Maréchal Pétain, viv gran papa an nou ki ka ban nou bon espwa vwé la France libéré… » Un jour, les élèves du lycée Gerville-Réache refusent de chanter et c’est Sorin lui-même qui vient, avec sa badine, obliger les jeunes à chanter l’hymne maréchaliste… Et puis, omniprésente, la Jeanne, QG des vichystes, pour qui tout est dû. « Quand une famille abattait un bœuf, tous les bons morceaux devaient être cédés en priorité à l’armée et expédiés sur la Jeanne. » Jeanina se rappelle encore que le dimanche à l’église, « le cure prêchait la parole de Dieu et du Gouverneur ». En semaine, tous les enfants Hazaël devaient avoir une activité : « Suzette était bonne chez les SB, Geno était mousse, Isaure cousait quand elle avait du tissu, Lina et Frédérique étaient vendeuses à la « gresserie » de Mme Cirani, Epiphane travaillait à l’usine de Beauport et Jeanina luttait pour rester à l’école. » Les draps, les robes, les chemises sont faits de sacs de farine dont il fallait savoir ôter les inscriptions avec un mélange d’eau et de cendres… Claudine-Hazael-Ambrosio.jpgEt puis, il y eut la dissidence : « Les mamans pleuraient le départ de leurs fils et la disparition de leurs petites économies… » Sa sœur Suzette, sans entrer en dissidence, a rendu des services à la Résistance en faisant passer des billets doux aux marins de la Jeanne et des documents confidentiels aux prisonniers du fort Napoléon, Augereau Lara et Paul Valentino. Claudine Hazaël-Ambrosio se demande au final si l’expression « kimbé rèd pa moli », ne date pas de cette époque, tout comme « la lutte en faveur de notre autonomie, voire notre indépendance ». Et elle en déduit que « les idées LKPistes sur la possibilité d’une autosuffisance sont réalistes et réalisables ». Et elle n’hésite pas à détourner la devise de l’Etat français : « Travail, oui pour nous, Famille, oui pour nous, Patrie, oui pour nous. » Et pour rester dans le ton, l’auteur évoque « le bâton de maréchal » de sa maman, « cette force qu’elle devait puiser au plus profond d’elle-même pour réussir à nourrir ses six enfants […] les élever dans la dignité et [leur] inculquer le sens de l’effort et du travail ». Voilà en 75 pages, « la vérité historique des faits » que propose la fille de Jeanina, motivée par « la nécessite de la transmission entre les enfants et les parents ».

FXG, à Paris

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