Herelle à l'espace Canopy dans le 18e
L’ « expressionnisme antillais » de Denis Hérelle à Paris
Denis Hérelle, 73 ans, natif du Marigot en Martinique, expose à Paris jusqu’au 5 avril. Son métier de décorateur l’amène à Paris en 1964 où il fréquente assidument Montmartre et ses artistes. Installé depuis près d’un demi-siècle en région parisienne, il y rencontre d’autres plasticiens créoles comme Henri Guédon, Romain ganer, Capro-Placide ou Corbin… Mais pour autant Denis Hérelle n’appartient à aucun courant. « Son imaginaire, écrit Marie-Line Tassius, la programmatrice de l’espace Canopy qui expose l’artiste, s’inscrit dans un expressionnisme noir contemporain… » Avec des matières brutes et des objets du quotidien, il compose des structures qui font de lui un « conteur de la matière ». La première exposition de Denis Hérelle remonte à 1970 avec l’amicale des travailleurs antillais et Guyanais. En mai 2008, il a obtenu le prix de la municipalité au salon des arts afro-caribéens de Grigny (91). En mai 2009, il participait à l’exposition « Diversité culturelle, regard sur la peinture contemporaine », à Epinay-sur-Seine. En juin 2009, il participait à un hommage à Aimé Césaire aux Ulis. Et en novembre dernier, il était invité du festival le Pari outre-mer au 104, à Paris. Reste que Denis Hérelle n’est pas encore au catalogue du musée d’art contemporain de Beaubourg et, plus qu’une faute de goût, c’est un manque d’appréciation et de discernement. Comptons sur le travail du commissaire de l’année de l’outre-mer en France, Daniel Maximin, pour rendre à cet artiste modeste le rang dû à son œuvre.
FXG (Agence de presse GHM)
A l’espace Canopy, 19 rue Pajol, Paris 18. Jusqu’au 5 avril.
ITW Denis Hérelle
« Même votre appareil photo, je pourrais le transformer en œuvre, mais assez bizarrement »
Vous présentez trois pièces représentant des burqas… Qu’avez-vous voulu exprimer avec ces œuvres ?
La galeriste les a choisies elle-même. Elle m’a dit : « Oui, il faut les présenter car c’est l’actualité. On en voit dans la rue et ça va rentrer dans le système… »
A quoi pensiez-vous quand vous avez créé ces burqas ?
J’ai travaillé là-dessus il y a au moins dix ans… J’aime bien dans la burqa le côté toile, le côté des petits trous qui regardent… Ce sont des sujets que j’aime traiter.
Vous mettez à l’honneur un poète guadeloupéen, Claude Danican, avec la sculpture titrée « La poésie dans la tête », qui met en scène le recueil de poème Pawol fonn’kè. Comment ce livre s’est-il retrouvé dans une de vos œuvres ?
Je vais assez souvent dans des manifestations et j’achète toujours des livres de mes compatriotes. Et puis, je travaille et il y a ce livre qui traîne. Et tout de suite, il y a l’idée qui vient. Je le prends, je le mets et puis, ça devient la poésie dans la tête. J’aime beaucoup ça !
Qu’est-ce qui vous guide artistiquement ? Que recherchez-vous ?
C’est difficile à dire mais je sais que ce sont les idées qui arrivent comme ça. Je fais une dizaine de pièces et puis ensuite, je passe à côté. C’est l’énergie, l’envie de travailler… Et puis, il y a une chose aussi : tout ce que je vois, j’ai envie de travailler avec ! C’est vrai… Même votre appareil photo, je pourrais le transformer en œuvre, mais assez bizarrement.
Avez-vous des maîtres qui vous ont inspiré ?
Non. Je n’ai pas de maîtres. J’ai visité énormément d’expositions et j’ai pu remarquer qu’il y a de tout ! Alors moi, j’ai décidé de peindre ou sculpter à ma façon. Je ne mets pas les choses comme tout le monde et puis à un moment donné on a envie de faire ce qu’on a envie de faire. Pas question de penser aux autres.
Vous avez utilisé pour une toile de vrais poissons, de la petite friture…
De temps en temps, ma sœur m’envoie des colis et puis, une fois, il y avait ces poissons… Cette toile appartenait à un triptyque sur le thème de la pollution et cette friture représente les poissons ventre à l’air. Certaines personnes trouvent que ca ressemble à une friture… Moi, je veux bien, mais il s’agit de pollution !
Il y a aussi ces deux sculptures avec des livres ouverts que vous avez appelées « Mon histoire »…
« Mon histoire », parce que les Martiniquais connaissent mal leur histoire. Moi, je connais très bien l’histoire de France. J’ai appris 1515, Louis XIV, Napoléon et je sais faire la carte de France avec les cinq grands fleuves, mais sur la Martinique, on ne nous a rien appris. Alors, cette œuvre représente ça. J’ai envoyé une flèche… Le gars, quand il va voir ça, qu’il va se dire que c’est un Antillais qui a fait ça, il va se poser la question de mon histoire. Vous voyez, sur l’une des deux sculptures, il y a un petit chaînon d’acier. Ca fait comme un bijou, mais cela veut dire ce que cela veut dire… Subtilité.
Qu’est-ce qui vous donne envie de peindre ou sculpter ?
C’est moi-même. J’ai envie de faire les choses et c’est tout.
Vous estimez-vous reconnu en Martinique ?
Oui, ils me connaissent un petit peu. J’ai fait un travail sur Aimé Césaire, les porte-plume qui sont exposés ici… Et j’ai fait pas mal de portraits d’Aimé Césaire.
Pourra-t-on voir ces œuvres aux Antilles ?
Oui si par exemple on m’invite… Moi, je veux bien aller aux Antilles, à Fort-de-France ou à Marigot, chez moi. Ca me ferait plaisir…
Propos recueillis par FXG (Agence de presse GHM)
Photos : FXG
Quelques oeuvres
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