Herve Mariton, contre le mariage pour tous, vient en Guadeloupe
Hervé Mariton, député et porte-parole du groupe UMP contre le projet de loi du mariage pour tous, vient animer, le 6 avril, en Guadeloupe, une réunion publique alors que le projet de loi est défendu au même moment par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, au Sénat. Entretien.
« Le projet Taubira change fondamentalement la famille »
Pourquoi avez-vous choisi de porter ce débat en Guadeloupe ?
C’est un débat important pour tous les citoyens et il doit être porté en tout lieu. Si par malheur, demain, la loi est votée, elle aura aussi à s’appliquer dans les différentes collectivités d’outre-mer. Aux Antilles, on observe une attitude plus frondeuse de l’opinion, des élus locaux et parlementaires. Je vais avoir beaucoup de bonheur à exprimer mon opposition à ce texte dans une collectivité dont les membres sont très majoritairement contre. « Clamez-le, ai-je envie de leur dire. Proclamez-le ! » Cette affaire n’est pas faite et je vais dire aux Guadeloupéens : « Soyez fiers de votre sentiment. »
Vous avez pris connaissance des sondages réalisés en Guadeloupe, Martinique et Guyane ? Ils apportent de l’eau à votre moulin…
Ça confirme l’intuition que les élus locaux et responsables socioprofessionnels font remonter. Ce projet qui parle de mariage, mais également de filiation, ne fait pas l’unanimité en France, et il est mal accueilli en outre-mer. S’agissant de la Guadeloupe, le sondage indique que 52% sont pour un statu quo, 22% sont favorables au contrat d’union civile que nous avons proposé, 12% sont sans opinion et 14% sont pour ce droit au mariage et a l’adoption. Ce sondage ne montre pas des choses juste à la marge, il fait apparaître une position qui, de manière très majoritaire, est hostile au texte.
Comment analyser le même sondage en Guyane où un tiers de la population dit être favorable au mariage pour tous ?
Est-ce que la personnalité de Mme Taubira peut jouer ? On peut le penser tout comme le positionnement et la personnalité de certain parlementaire guyanais… Mais enfin, ce n’est que 33% dans le departement d’origine de la ministre de la Justice.
En première lecture a l’Assemblée nationale, seuls dix des vingt-sept parlementaires d’Outre-mer qui sont majoritairement à gauche, ont voté le texte. Comment l’expliquez-vous ?
Ces parlementaires de gauche ont eu un courage que, malheureusement, leurs collègues de métropole n’ont pas eu. Certains d’entre eux, à gauche, Jérôme Lambert ou Bernadette Laclais, ont eu le courage d’aller au bout de leurs convictions, mais ce n’est pas le cas de tous leurs collègues. J’espère que les sénateurs pourront aussi relayer ce qu’est le sentiment profond de la population.
L’association des lesbiennes, gays, bi et transsexuels d’outre-mer, Total respect / Tjenbe red, avance, chez les opposants au mariage pour tous, « une même logique de domination à l’œuvre dans les ressorts profonds de l’esclavagisme et des homophobies »…
C’est aussi une position qu’au travers de ses citations, Mme Taubira a prise à l’Assemblée. J’ai un peu de mal à comprendre le lien entre ce projet et la réponse qui nous est faite sur le terrain de l’esclavage. On se libère bien d’avantage à chercher des solutions nouvelles, de type contrat d’union civile, plutôt qu’à s’enfermer dans une situation stéréotypée et dupliquée.
Alors que penser de l’argument qui consiste à dire que le mariage et la filiation ouverts aux couples de même sexe sont une démarche pour l’égalité ?
L’égalité forcée est fondamentalement une forme d’inégalité. Ne cherchons pas à imiter ! Cherchons des réponses originales. Mme Taubira a cité le poète Damas à la tribune, mais Damas dit justement : « Ne cherchez pas à imiter systématiquement. »
Autre argument soulevé par les défenseurs ultramarins de la loi : le problème de l’homophobie, parfois violente, dont souffrent les homosexuels dans les outre-mer…
J’ai entendu cet argument en défense du texte. C’est une question que je souhaite aborder à l’occasion de ce déplacement, mais je veux dire que l’homophobie est condamnable à quelque endroit du territoire qu’elle s’exprime. La lutte contre l’homophobie fait partie du socle commun républicain. Ce débat doit être l’occasion de dire que s’il y a de bonnes raisons d’être contre ce projet, il y a peut-être aussi de mauvaises raisons et je suis contre les mauvaises raisons aussi.
Aux Antilles, les opposants au mariage pour tous, comme le député Bruno Nestor Azérot, s’appuient sur la prégnance du fait religieux. En avez-vous pris la mesure ?
La République est laïque et, en même temps, elle est respectueuse des réalités de la vie et de ce qui inspire les gens. Que des personnes disent qu’elles sont hostiles au texte parce que c’est un cheminement religieux qui les guide, ça n’est pas illégitime. Il est clair que l’opposition au projet de loi sur le mariage et la filiation n’est pas uniquement religieuse, mais cette part existe. Ça ne suffit pas pour imposer sa solution, mais je trouve que c’est très honnête de dire ce qui inspire les réflexions et qui conduit à une opinion donnée.
Vous-même avez évoqué le « sacré » républicain…
Il existe dans la République une forme de « sacré ». Le mariage civil est beaucoup plus fort en France que dans d’autres pays. Les formules qu’on lit, quand on marie un couple, sont souvent directement inspirées de textes religieux. Lorsque le Code civil dit que l’enfant doit honneur et respect à ses père et mère, c’est la transcription immédiate d’un commandement biblique. C’est une réalité de la République. Et je trouve que c’est très honnête de la part d’un collègue, qui plus est du groupe de la gauche démocratique et républicaine, de dire les choses de manière très directe.
Quelles sont les bonnes raisons de s’opposer à ce texte selon vous ?
Ce texte affaiblit la famille. Dans le monde chahuté d’aujourd’hui, la famille est plus que jamais importante. Et dans une société qui est fragile, par exemple du fait du chômage et de celui des jeunes, la précarité de la famille aggrave cette fragilité. La famille présente l’avantage d’être un cadre assez spontané et non imposé. Le besoin de famille, chacun peut le ressentir. En métropole comme outre-mer, il y a sûrement quantité de choses que les gens ont envie de changer, je ne suis pas sûr qu’il y ait tant de citoyens qui aient tellement envie de changer la famille. Le projet Taubira change fondamentalement la famille.
Vous auriez préféré un referendum ?
C’aurait été le plus simple, mais le gouvernement n’en veut pas. Ce sera donc un vote par le Parlement. Ça pose problème pour un texte aussi puissant qui, en plus, bouscule un certain nombre de grands principes de la Constitution. Il vaudrait mieux que tout ça se règle par voie de referendum, car si le Parlement vote la loi, nous la contesterons devant le Conseil constitutionnel.
Propos recueillis par FXG, à Paris