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Publié par fxg

 

Interview de Mathieu Bastareaud

« L’équipe de France n’est pas ma priorité »

matthieu-bastareau4350.jpgMathieu Bastareaud se livre. Et c’est rare. Le jeune rugbyman du Stade Français, 22 ans, au cœur d’une incroyable polémique il y a quelques mois ne cache rien. Son mensonge néo-zélandais, son passage à vide, ses mauvaises performances avec son club qui l’ont privé du Tournoi des six nations et les remarques du sélectionneur Marc Lièvremont.

Dans un café à quelques mètres du Parc des Princes, le Guadeloupéen a voulu mettre un terme aux rumeurs et aux critiques. Souriant, disponible, naturel, « Bastarocket » veut retrouver le plaisir, aujourd’hui perdu, de jouer. Il le mérite.

On vous voit peu en Guadeloupe. Quel lien gardez-vous avec cette île ?

J’y retourne dès que je peux. La dernière fois, c’était cet été pendant une dizaine de jours. Avec notre championnat, c’est difficile. Je voulais repartir en novembre, mais on nous a avancé le calendrier, donc j’ai du annuler. Ça faisait quatre ans que je n’y étais pas et je me suis rendu compte que je me sens hyper bien là-bas.

Au point d’y vivre pleinement plus tard ?

Je ne pense pas. J’ai toujours vécu en métropole et au bout d’un moment, je trouve l’île trop petite. Quand j’étais petit, durant les deux mois de vacances, je comptais les jours à la fin. Mais avec les plages, les festivals, le carnaval, c’est plutôt marrant !

Conservez-vous une culture créole à Paris ?

Plus jeune, j’écoutais du zouk. De temps en temps, j’écoute toujours Admiral T, car c’est plus ma génération que Kassav. Autrement, je parle et je comprends très bien le créole. On se chambre avec mes parents, mais je n’ai pas l’accent. Du coup, ce n’est pas très beau.

En Guadeloupe, le rugby n’est pas un sport très développé avec 711 licenciés seulement. Pourquoi ?

Ce n’est pas encore rentré dans la culture guadeloupéenne. Avant tout, il faut des terrains pour ça. Poser des poteaux à des cages de foot, c’est bien beau, mais ce n’est pas ça qui va faire venir les jeunes. Et une carrière dans le foot fait plus rêver.

Vous, voudriez-vous vous investir pour le développement du rugby ?

Ce serait intéressant, mais pour ça, il faudrait mobiliser la fédération pour qu’elle s’investisse sur place. Il y a besoin de formateurs et des fonds. Forcément, ça attirera ensuite du monde.

Un seul autre Guadeloupéen côtoie le rugby professionnel, Dave Vainqueur, votre ancien coéquipier en 2008/2009…

Ça n’a pas été une année facile pour lui, mais il a bien rebondi à Albi. Je suis content pour lui. On pouvait délirer tous les deux, parler en créole pour faire des messes basses. C’était marrant. Mais on n’est plus trop en contact. C’est compliqué avec les différents changements de club.

« Réglez vos trucs et laissez-moi tranquille »

matthieu-bastareau_4432.jpgVotre carrière, vous, elle a été lancée dès 2007 avec Bernard Laporte, l’ancien sélectionneur, qui vous avez convoqué alors que vous aviez 18 ans et que vous jouiez en 3e division à Massy. Etait-ce une énorme surprise ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Mais lors d’un match avec Massy, j’ai senti qu’il y avait un truc bizarre car il y avait beaucoup de caméras. Finalement, je me blesse au genou et le lendemain je vais à Marcoussis pour aller à l’infirmerie. Je croise Jo Maso et Bernard Laporte qui me disent : « Tu as trois semaines pour te rétablir car tu pars en tournée avec nous ». Mais j’avais le ménisque fissuré, je ne pouvais pas y aller. J’étais très fier puis très déçu. Pour moi, c’était un autre monde.

Depuis, beaucoup d’encre a coulé et vous n’avez pas été sélectionné pour le Tournoi des six nations. L’équipe de France reste-t-elle un objectif ?

Bien sûr, mais pour cette saison, ce n’est plus ma priorité. Pas du tout. Ma priorité, c’est de retrouver mon niveau de jeu des deux dernières années, de gagner des matchs avec mon club et surtout de prendre du plaisir sur le terrain. Forcément, tu te mets la tête à l’envers, mais j’ai réfléchi et tout ne vient pas de moi.  Je suis beaucoup plus attendu et on est quinze mecs sur le terrain. Forcément, on me pointe du doigt, mais j’essaye de ne pas trop faire attention. Mais au bout d’un moment, quand tous les jours il y a quelque chose qui ne va pas, j’ai dit ce que j’avais à dire.

Vous parlez de l’interview qui vous avez accordée début février à Midi Olympique ?

Ça a provoqué une réaction en chaîne un peu hallucinante et dommage. Je n’ai rien dit de mal, de méchant. Au contraire, je me remets en question et on se sert de cet article-là pour régler des comptes entre président, sélectionneur et entraîneur. Dans ce cas-là, réglez vos trucs et laissez-moi tranquille. Je n’en ai pas besoin. Pour des personnes qui se disent grandes, c’est un peu petit.

On vous avait pourtant revu en équipe de France lors du Tournoi l’an passé et du Grand Chelem…

J’étais arrivé sur la pointe des pieds et ça s’est bien passé. J’avais retrouvé le plaisir car avec le club, ça ne se passait pas très bien. On courrait de partout, c’était ça le rugby.

Quelques mois plus tôt, après la tournée néo-zélandaise et le scandale provoqué, il y a eu un déferlement médiatique. Vous l’avez mal vécu…

Du jour au lendemain, tout s’écroule. On passe de là (il montre le ciel) à plus bas que terre. En plus, pleins de personnes que je ne connaissais même pas donnaient leur avis. Tous les jours, j’étais pointé du doigt et les gens ont oublié que je n’avais que 20 ans. Je n’avais pas forcément les épaules d’un mec de 30 ans pour absorber tout ça. Ce n’était pas facile. C’était ingérable.

matthieu-bastareau_4256.jpgAvez-vous eu honte de votre mensonge ?

 Oui, tout de suite. Ça ne m’a toujours pas quitté. C’est quelque chose  que l’on ne peut pas oublier comme ça. On m’en tient encore rigueur. Mais maintenant, j’ai plus de facilités à en parler.

Pourquoi avez-vous été aussi mal ?

Je ne suis pas quelqu’un de très expressif, très ouvert. J’ai tout intériorisé. Je me suis un peu coupé de ma famille car je ne voulais qu’il y ait de répercussions sur elle. William (Gallas, son cousin) a essayé de m’appeler pendant cette période, mais je ne voulais pas répondre et qu’il soit mêlé à ça. Je me suis mis dans la merde tout seul et je voulais en sortir tout seul. J’ai eu tort.

Est-ce la période la plus dure de votre vie ?

Jusqu’à présent, oui. Mais j’en ai tiré des leçons. Je suis passé par tous les sentiments, tous les états et j’en suis ressorti plus fort. Maintenant, quand je croise certaines personnes qui ne m’ont pas aidé, bizarrement, ce n’est pas moi qui baisse les yeux. Ces personnes-là ont joué au plus malin avec moi…

Certaines personnes de l’équipe de France ?

Non, pas du tout. Je parle plus des gens autour, des journalistes que je croise aux entraînements publics, qui te serrent la main, et qui le lendemain sortent le fusil dans la presse. C’est comme ça… Mais maintenant, c’est passé.

 « Quand je dis quelque chose, je passe pour un petit con qui aime bien foutre la merde.»

matthieu-bastareau_4426.jpgPourtant, après votre conférence de presse fin octobre 2009, peu de personnes étaient convaincus par votre version des faits (il serait tombé sur sa table de nuit)…

Mais je n’ai plus rien à dire. Lorsque je ne dis rien, ça parle. Et quand je dis quelque chose, je passe pour un petit con qui aime bien foutre la merde. Dans ces cas-là qu’est-ce qu’on fait ? Ça crée un problème que je parle ou non. Maintenant, j’ai les cartes en main. Je parle aux gens qui m’intéressent.

A l’époque, ne valait-il pas tout dire d’un coup ?

Justement, je n’avais pas cette expérience des médias et de la communication. Pour moi, avec un communiqué, c’était réglé. Mais c’était pire. J’ai mal géré tout ça avec mon silence. Je laissais les gens broder et j’ai été bête. Quand j’entends que je me suis battu avec Sébastien Chabal et Thierry Dusautoir, c’est n’importe quoi (il soupire). Comment peut-on dire ça ?

Mais concevez-vous que le doute existe ou a pu exister ?

Bien sûr, totalement. Mais au bout d’un moment, des gens auraient pu faire que ça s’arrête, mais ils ne l’ont pas fait. On était en plein été et ils (les journalistes) n’avaient rien à se mettre sous la dent…

Tout a été dit ? L’histoire de la table de nuit est donc la bonne ?

Il n’y a plus de mystère.

Etes-vous déçu de ne pas avoir été sélectionné en équipe de France pour le Tournoi ?

(Il hésite) Pas vraiment. J’estime qu’il y a de meilleurs joueurs que moi actuellement à mon poste. Déçu, oui, mais c’est le sport. Il y a des hauts et des bas et il faut tourner la page, travailler.

Vous risquez de rater la Coupe du Monde…matthieu-bastareau_4262.jpg

Personnellement, je ne m’y voyais pas. Avec ma non-sélection pour le Tournoi, c’est fini. C’est une petite déception mais je ne vais plus me lamenter là-dessus. En plus, j’ai une situation compliquée avec le club où l’on rame.

Lorsque le sélectionneur annonce publiquement qu’il croit en vous mais qu’il regrette votre forme physique et votre état d’esprit, que retenez-vous ?

S’il me le disait à moi, ça ne me dérange pas. Mais qu’il balance des trucs dans la presse, alors que des gens n’attendent que ça, je ne trouve pas ça bien. Depuis, on a eu une explication, il a retrouvé mon numéro et c’est du passé.

Que vous êtes-vous dit ?

On n’a pas parlé d’un retour en équipe de France, mais on a parlé de tout ça. Il n’y a pas de contentieux. Mais on n’a jamais eu une très grande relation. Il est le sélectionneur et moi, un joueur. S’il ne me sélectionne pas, je ne vais pas en faire un drame.

Beaucoup évoquent aussi une alimentation pas très seine…

J’ai toujours eu cette morphologie là. Je n’ai jamais caché que j’étais irréprochable, mais je ne vais pas manger Mc Do avant les matchs non plus. Si je les écoute, je passe ma vie dans un fast-food. Ce n’est pas vrai. Si je n’étais pas un minimum sérieux, je ne pourrais pas faire du sport de haut-niveau. C’est évidemment un point à améliorer, mais il ne faut pas exagérer. C’est un peu facile.

« Nouvelle Zélande, Australie et France favoris pour la Coupe du Monde »

Que pensez-vous des trois premiers matchs des Bleus lors du Tournoi des six nations ?matthieu-bastareau.jpg

Ils peuvent faire beaucoup mieux. J’étais au Stade de France contre l’Ecosse et ils ont maitrisé le match. En Irlande, tu ne gagnes pas comme ça, donc j’étais content. Contre les Anglais par contre, j’étais déçu. Mais les Anglais, ils ne peuvent pas être plus forts. Techniquement et physiquement, je pense qu’ils sont au maximum.

Que reste-t-il à améliorer ?

Face à l’Angleterre, ça manquait d’impact physique. On n’a pas rivalisé. Dans le jeu en lui-même, je pense que l’on est une des meilleures nations. La défaite était logique malgré quelques occasions.

Qui seront les favoris pour la Coupe du Monde d’après vous ?

Forcément, je vois bien la Nouvelle-Zélande, l’Australie, une équipe en devenir, et la France. Ça va être compliqué, mais par le passé, on a déjà prouvé qu’on pouvait renverser des montagnes. Derrière, en embuscade, il y a les Sud-Africains. Ce n’est pas forcément flamboyant, mais ils font mal.

matthieu-bastareau_4464-copie-1.jpgSi Marc Lièvremont vous rappelle prochainement, vous accepterez de revenir malgré les dernières polémiques ?

Bien sûr ! Ce n’est même pas une question à se poser. On ne refuse pas l’équipe de France. Rien que d’y penser, c’est fou ! Jouer pour son pays, c’est irrefusable.

En club, ça ne va pas très fort puisque le Stade Français est dixième…
Ça fait deux ans que l’on n’est pas digne du Stade Français. Mais il faut relativiser, on n’a pas l’effectif pour rivaliser avec le Stade Toulousain. A Paris, il y a beaucoup d’attentes. Il nous reste sept matchs, ce sera sept finales pour accrocher les play-offs.

Que vous manque-t-il personnellement ?
M’amuser. Ce n’est pas que je ne prends pas du plaisir à jouer au rugby, mais sur certains matchs, ça ne vient pas. Forcément, tu te remets en question vis-à-vis du club et personnellement.

Vous souhaitez toujours quitter le Stade Français pour Toulon ?

Ce n’est pas un mystère, je ne m’en cache pas. Je serais redevable toute ma vie au Stade Français car il m’a énormément apporté. Mais je suis en fin de cycle. Il faut que je retrouve cette envie avec un nouveau cadre de vie. Ici, je suis dans mon confort avec maman à côté. Il me faut un nouveau défi, objectif et environnement. Pour ma progression, il me faut un changement.

Il vous reste pourtant deux ans de contrat. Allez-vous faire pression auprès de votre club pour partir à la fin de saison ? Faire grève comme dans le foot ?

Je ne ferais pas de grève (rires). Je n’ai pas besoin de ça et ce n’est pas mon truc. Quoi qu’il arrive, je me donnerais à fond.

Propos recueillis par Romain Schué (Agence de presse GHM)

 


 Bio expressmatthieu-bastareau-4173.jpg 

Né à Créteil, en région parisienne,  le 17 septembre 1988,  de parents  originaires de Sainte-Anne, Mathieu Bastareaud  a toujours grandi en métropole.  Cousin du footballeur William Gallas, il a débuté le rugby à 5 ans dans le club du Rugby Créteil Choisy. Imposant et percutant (1m84 pour 120 kg), il impressionne rapidement au poste de centre à tel point que Bernard  Laporte, en mai 2007 le convoque alors qu’il n’évolue qu’en troisième division à Massy pour une tournée en Nouvelle-Zélande. Mais l’international des -19 ans est contraint de déclarer forfait suite à une blessure au genou. Après avoir rejoint le Stade Français quelques mois plus tard, « Bastarocket », son surnom, s’impose petit à petit dans le Top 14, à tel point qu’il tapera dans l’œil du nouveau sélectionneur, Marc Lièvremont. Convoqué depuis à neuf reprises, le Guadeloupéen est pourtant au centre d’une affaire diplomatique suite à une nouvelle tournée néo-zélandaise en juin 209. Il prétend avoir été agressé lors d’une soirée d’après-match et le Premier ministre du pays s’excuse. Mais sous la pression de la police locale qui avait ouvert une enquête, Mathieu Bastareaud revient sur ses accusations. Finalement, François Fillon présente lui-aussi ses excuses au nom de la France avant que la Fédération française de rugby ne suspende pour trois mois son grand espoir. De retour pour le Tournoi des six nations 2010, il décroche le Grand chelem, avant d’être à nouveau écarté par Marc Lièvremont, peu satisfait de ses performances et de sa forme physique.

R.S.

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D
<br /> <br /> 1m84 pour 120kg... Ah Mathieu à fait sa mignonne. Il me semble avoir lu sur l'Equipe : 130kg. Il kiffe trop les bokits de sa maman apparemment <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> AAAAHHHHH !!! ENFIN DU SPORT !!!!!  BRAVO !!!!<br /> <br /> <br /> <br />
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