Interview de Victorin Lurel
Victorin Lurel revient sur la loi vie chere, l'octroi de mer, la defiscalisation et les affaires Chavez et Cahuzac
" Nous ne sommes pas dans une crise de régime "
Le bouclier qualité-prix a été accueilli avec tiédeur par les consommateurs au moment de son lancement. Hormis la baisse des prix sur une centaine de produits, comment peut s'organiser la lutte contre la vie chère outre-mer ?
Ce dispositif n’est en place que depuis un mois. Nous attendrons quelques mois encore avant d’en faire un bilan. Mais je tiens à souligner que La Réunion s’est distinguée dans la mise en place de ce bouclier qualité-prix. L’idée était de stimuler la concurrence pour faire baisser les prix. Cumulées sur une année d’achats, ces baisses représentent un réel gain de pouvoir d’achat. Je souligne en outre que les baisses de ces produits ne sont pas subventionnées. Ce dispositif, qui ne coûte rien aux contribuables, peut donc s’inscrire dans la durée. Pour autant, la loi comporte d’autres dispositions qui sont en cours de mise en œuvre. La fin des exclusivités d’importation injustifiées est entrée en vigueur le 20 mars et nous allons voir dans les prochains mois les effets de cette mesure. Les nouveaux observatoires des prix et des marges vont être installés car les décrets sont en cours de finalisation. Enfin, pour ce qui est des nouveaux décrets pour la régulation du prix des carburants, nous entrons dans la phase de concertation avec les opérateurs.
De plus en plus d'acteurs réclament une refonte en profondeur de l'octroi de mer. Certains exigent même sa suppression pure et simple. Etes-vous partisan d'un abandon de l'octroi de mer au profit d'un autre régime fiscal dont l'assiette serait différente ?
Le gouvernement ne travaille pas du tout sur cette hypothèse. Je considère que l’octroi de mer est fondamental pour nos territoires car il protège nos productions face aux importations et il représente plus d’un milliard d’euros de recettes annuelles pour les collectivités dans les départements d’outre-mer. Nous avons engagé un travail sur la reconduction du régime il y a plusieurs mois. Un rapport a été réalisé pour évaluer la compatibilité de ce dispositif avec les règles européennes. Après les premières concertations que j’ai conduites avec les élus et les socioprofessionnels, certaines pistes ont été écartées comme l’élargissement de l’assiette aux services. D’autres ont été maintenues. Au début de cette semaine, j’ai de nouveau réuni les élus pour discuter avec eux de l’avancée de ce dossier. Je crois pouvoir dire que nous sommes parvenus à un dispositif équilibré qui maintient l’équilibre général du régime et qui lui apporte des améliorations. Ce travail n’est pas terminé pour autant. Il faut encore justifier auprès de la Commission européenne les listes de produits qui bénéficieront d’un différentiel. Les présidents de régions et de départements y travaillent avec les préfets. Pour ce qui est de la mise en place d’une TVA régionale, je peux vous dire qu’elle a été massivement rejetée par les représentants de différentes collectivités.
Le bonus Bino a été reconduit par le Sénat et par l'Assemblée. Quel est l'avenir de ce dispositif au-delà du 31 décembre ?
Je rappelle qu’à notre arrivée, rien n’était prévu pour l’après bonus salarial et nous avons dû reprendre ce dossier dont nous avons hérité. Nous avons le devoir de créer un environnement favorable pour le développement des entreprises et, en la matière, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositions pour permettre une transition douce vers le droit commun, comme le crédit d’impôt compétitivité emploi qui est d’ores et déjà opérationnel pour toutes les entreprises. Au-delà, l’ensemble des actions structurelles engagées par le ministère y concourent également : la lutte contre les rentes et les exclusivités, la relance de la commande publique par la remise à niveau des crédits budgétaires en faveur du logement et une ambitieuse politique d’investissement public. Nous ne laisserons donc pas les entreprises sans solutions.
Depuis décembre 2012, le gouvernement a engagé une réflexion sur la RSTA qui prendra fin au 31 mai prochain. Quel est le mécanisme qui remplacera ce dispositif dans deux mois sans perte de pouvoir d'achat pour ses bénéficiaires ?
Conformément à l’engagement du Premier ministre, le gouvernement a prorogé le RSTA jusqu’au 31 mai. Il s’agissait de s’accorder un délai afin de mettre en œuvre la transition entre le RSTA et le RSA. Depuis décembre, une action volontariste a été mise en place par les caisses d’allocations familiales pour assurer une information et une orientation individuelle des personnes actuellement encore bénéficiaires du RSTA afin de les accompagner vers le nouveau dispositif auquel elles peuvent prétendre. Ce travail d’information se poursuit. Aujourd’hui, selon les chiffres à ma disposition, un peu plus de la moitié des bénéficiaires dès l’origine du RSTA ont basculé vers le RSA. Je souhaite que le maximum de bénéficiaires du RSTA fasse de même très rapidement. Dans ce dossier, les entreprises concernées doivent également prendre leurs responsabilités avec l’accompagnement du gouvernement via des dispositifs tels que le crédit d’impôt compétitivité emploi.
Quelles sont les dernières pistes privilégiées aujourd'hui par le gouvernement pour pérenniser la défiscalisation ?
Le président de la République et le Premier ministre m’ont confié la mission de réfléchir à l’avenir des dispositifs incitatifs à l’investissement. J’ai engagé ce travail en respectant trois principes : la recherche de l’efficience dans l’emploi de la ressource publique, le maintien de l’investissement Outre-mer, et la recherche de solutions par le dialogue et la concertation. Cette concertation est engagée. Elle va se poursuivre afin que nous puissions proposer de nouveaux dispositifs dans le projet de loi de finances pour 2014.
Vos déclarations sur Hugo Chavez ont fait le buzz plusieurs jours. Les regrettez-vous ?
Je regrette les polémiques misérables. C’en était une.
Avec l'affaire Cahuzac et la baisse de popularité de l'exécutif, François Hollande est-il confronté à une « une crise de régime » comme l'affirment de plus en plus d'observateurs ?
Nous ne sommes pas dans une crise de régime. Les fautes d’un homme, fussent-elles gravissimes, ne peuvent pas engager toute une équipe gouvernementale et encore moins la République. La France traverse une période difficile. Les difficultés économiques n’épargnent aucun pays d’Europe et elles ont un impact considérable sur la vie des citoyens, ne serait-ce que par le chômage qui n’a, hélas, pas commencé à croître au lendemain de l’élection de François Hollande. Nous assumons courageusement des choix politiques difficiles qui consistent à engager des réformes qui ont été trop longtemps différées. Nous avons le devoir de redresser le pays et ce n’est sans doute pas le meilleur moyen d’être populaires. Mais le président de la République et le Premier ministre tiennent fermement le cap. Ce sont nos efforts d’aujourd’hui qui nous permettront d’être plus forts demain. La crise de régime n’existe que pour une certaine droite qui considère que la gauche est par nature illégitime pour gouverner.
Comment vivez-vous cette période au sein du gouvernement aujourd'hui ?
Je suis encore plus solidaire et encore plus soucieux de mener à bien la feuille de route que nous avons tracée. La situation que connaît le pays ne nous autorise pas à avoir des états d’âme. Nous avons été élus pour servir et j’ai été nommé ministre pour agir.
Extraits de l'interview realisee pour le Journal de l'Ile de la Reunion