ITW Victorin Lurel
Pour son 1er déplacement à la Réunion, Victorin Lurel a accordé une interview pour le Journal de l'Ile de la Réunion que nous reproduisons ici.
"La banque publique d’investissement sera opérationnelle à la fin de l' année"
Les attentes en matière économique sont nombreuses. Quelles sont vos priorités pour l’Outre-mer ?
Mes priorités sont celles fixées par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dans sa déclaration de politique générale : la lutte contre le chômage, la jeunesse et la lutte contre la vie chère. Ma feuille de route, ce sont les engagements pris par le président de la République : les 60 engagements pour la France et les 30 pris spécifiquement pour les outre-mer. Nous avons cinq années pour agir et mettre en œuvre avec la même détermination ce qui relève de l’urgence et ce qui relève des projets de développement solidaire que nous devons mettre en œuvre dans chaque territoire pour recréer de la croissance et des emplois durables. Sur la vie chère - sujet essentiel s’il en est ! - nous devons agir très vite sur les causes structurelles des écarts de prix entre les outre-mer et l’Hexagone. Le 25 juillet, à la demande du Premier ministre, je ferai donc une communication en Conseil des ministres sur la vie chère avec pour objectif de présenter un texte au Parlement. L’objectif est de créer de nouveaux outils permettant à l’Etat d’agir pour faire évoluer les comportements de certains acteurs économiques. Notre méthode, c’est d’abord de discuter. Et parfois ça marche ! J’en veux pour preuve l’accord négocié avec les opérateurs de téléphonie mobile qui ont accepté de répercuter outre-mer dès le 1er juillet les nouvelles règles en matière d’itinérance téléphonique – le roaming – qui permet une baisse immédiates des tarifs de 17% et de 30 % en 2013. Mais lorsque la discussion ne porte pas ses fruits, si les comportements abusifs persistent, il faudra alors utiliser de nouveaux moyens de régulation pour instiller de la concurrence plus libre et moins faussée dans tous les secteurs.
Quelle est la position du gouvernement sur la défiscalisation ? Le retour du dispositif dans le logement libre et intermédiaire est-il prévu ?
La position du gouvernement est fidèle aux engagements du chef de l’Etat. En matière de dispositifs incitatifs à l’investissement, il s’agit de maintenir le montant de la défiscalisation et d’instaurer des plafonds spécifiques pour l’outre-mer afin de préserver l’attractivité de ce dispositif essentiel pour le financement des économies ultramarines. En matière de logement social, l’objectif est de simplifier les procédures d’agrément. Dans un contexte qui nous impose de redresser les finances du pays, nous ne pouvons pas revenir d’emblée sur tous les mauvais choix qui ont été opérés par le précédent gouvernement. Mais nous prendrons le temps de remettre les dispositifs à plat avec une seule et unique méthode : la concertation avec les parlementaires, les collectivités locales mais aussi avec l’ensemble des acteurs de la vie économique et sociale sur chaque territoire. Le changement commence d’abord par un changement de méthode.
Quelle sera votre politique en matière d’incitation à l’embauche dans le secteur privé ?
Nous avons pris des mesures d’urgence en augmentant le volume d’emplois aidés dans les outre-mer. Mais, au-delà de ces mesures d’urgence qui permettent à de nombreux jeunes de s’insérer dans la vie active, il faut privilégier des créations d’emplois durables. La conférence sociale qui s’est tenue en début de semaine a ouvert les concertations indispensables entre les partenaires sociaux afin de mettre en œuvre des dispositifs innovants et prometteurs tels que les « contrats de génération » ou les « contrats avenir » auxquels nous voulons associer un volet formation. Enfin, il ne faut jamais oublier que ce sont les entreprises qui, par l’activité et grâce à la croissance, créent des emplois. Il faut donc les soutenir par la commande publique – nous le ferons en investissant dans les infrastructures – mais aussi en accompagnant leurs projets. Ce sera précisément le rôle de la banque publique d’investissement voulue par le chef de l’Etat et qui, à sa demande, devra être opérationnelle dès la fin de cette année. Ce sera le bras armé de l’Etat en matière de soutien aux PME et aux TPE et je veillerai à ce que les entreprises ultramarines puissent bénéficier de ses dispositifs.
Le patronat réunionnais plaide en faveur de l’exonération totale de charges sociales pour les entreprises embauchant des jeunes de moins de 26 ans. Est-ce possible ?
Il existe déjà outre-mer un dispositif d’exonération de charges qui se justifie par la situation très dégradée de l’emploi dans nos territoires, en particulier chez les jeunes. Depuis des années, les règles fiscales et sociales n’ont cessé d’être modifiées. Depuis 2007, elles ont changé à cinq reprises. Or, ce n’est pas en changeant en permanence les règles du jeu que l’on crée la lisibilité et la visibilité dont ont besoin les chefs d’entreprise pour investir et s’inscrire dans la durée. Les économies ultramarines ont trop souffert de ces changements de pied pour que notre seul horizon se borne à tout détricoter une nouvelle fois parce que c’est l’alternance. Les nouveaux dispositifs que j’évoquais n’ont pas vocation à être une aide sociale de plus distribuée par l’Etat. Elaborés dans le cadre d’un dialogue social rénové, ils peuvent être des outils performants permettant un retour durable vers l’emploi en offrant aux jeunes une porte d’entrée dans le monde du travail avec une formation solide et en étant accompagnés. S’il faut mettre en œuvre de nouvelles mesures, je serais évidemment à l’écoute des propositions des forces vives de La Réunion et des autres territoires.
Comment le gel des prix des carburants va-t-il s’appliquer à la Réunion après la fin du gel des prix financé par la Région ?
Grâce à une conjoncture favorable sur les marchés mondiaux, la sortie du gel s’est produite sans grande conséquence dommageable sur les prix à la pompe. Cette conjoncture favorable explique également qu’il n’ait pas été nécessaire de mettre en œuvre le gel envisagé, pour des périodes de fortes tensions sur les prix, par le président de la République dans son programme. Aujourd’hui, il nous importe d’anticiper sur une nouvelle crise en mettant en place des solutions pérennes.
La préfecture pilote un grand débat sur le sujet des carburants. Pensez-vous que ce soit à l’Etat ou aux collectivités régionales d’agir pour faire baisser les prix ?
En période de crise, on peut bien sûr envisager des mesures autoritaires de blocage, mais chacun comprend aujourd’hui que cette approche traite le symptôme sans s’attaquer la maladie. L’Etat peut agir, en tout cas, pour faire la transparence sur la formation des prix. Notre premier objectif en la matière est de faire la lumière sur les conditions de la formation des prix entre les différentes étapes qui vont des achats en raffinerie à la pompe. Avec ces données, nous serons mieux à même de prendre des décisions. Dissocier stockage et activité de distribution apparaît comme une piste intéressante parmi d’autres car nous devons faire du stockage une activité régulée afin qu’elle soit neutre – qui ne favorise personne – et autonome, c'est-à-dire indépendante de la distribution.
En matière de pouvoir d’achat, faut-il réglementer les prix des produits de première nécessité ?
En ce domaine, également, réglementer les prix ne peut s’envisager que ponctuellement, dans une période de crise car cela ne règle pas durablement les anomalies que l’on observe sur certains secteurs comme celui de la grande distribution alimentaire, mais aussi dans les services bancaires, dans la téléphonie mobile et l’internet à haut débit, ou encore dans les transports aérien et maritime de passagers comme de fret. Ce gouvernement, contrairement à celui qui l’a précédé, ne croit pas en une fatalité de la vie chère dans les outre-mer. Des leviers existent pour mettre un terme aux pratiques monopolisitiques, pour mettre à jour les phénomènes de concentration à l’intérieur d’une même filière d’approvisionnement et pour créer de la concurrence. Je ne dis pas que cela sera facile. Je dis que nous y consacrerons intelligemment toute notre énergie.
Faut-il conserver l’octroi de mer ou faut-il le réviser ?
Le maintien de l’octroi de mer figure parmi les engagements du chef de l’Etat pour les outre-mer et il sera, comme les autres, respecté. Nous travaillons d’ores et déjà à défendre le dossier pour l’échéance de 2014 devant l’Union européenne. Toutefois, cela n’interdit pas que nous cherchions à mieux utiliser cet outil pour protéger plus efficacement les productions locales.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM) pour le JIR