Jacques Schwarz-Bart à Banlieue bleue - l'interview
Jacques Schwarz-Bart convoque les esprits
« Je veux recoller tous les morceaux cassés, les débris et les poussières de mon identité, pour en faire une œuvre d’art »
Jacques Schwarz-Bart, 48 ans, cultive le gout subtil pour les musiques ancestrales des Caraïbes. Après son travail sur le ka. Il s’immerge dans le vaudou, cultivant une tradition identitaire familiale. Depuis 24 ans, Il poursuit son travail sur les mémoires en parcourant le temps, longtemps.
Avec Racines Haïti, vous venez de donner un concert hors du temps. Quelle est votre impression ?
C’est la première prestation de ce jazz Racines Haïti. C’est un concept nouveau qui n’a pas vraiment été exploré. Il a été créé dans l’obscurité et en l’absence de référence. Je suis content que le public ait reçu cette musique aussi chaleureusement.
Votre entré en scène a été une véritable cérémonial mystique avec ces deux hougans…
Je ne pouvais pas faire cette musique sans l’accord des esprits du vaudou. Il me fallait donc des alliés dans ce groupe qui puissent mettre ces forces derrière nous, nous apporter cette science de la musique vaudou aussi. On a inséré dans notre jazz quelque chose d’authentique, carrément de la racine du vaudou haïtien.
Votre musique s’ancrait déjà dans les racines de vos ancêtres…
Ça me vient de la famille où j’ai été élevé. Il suffit de regarder le combat de ma mère, de mon père qui a toujours été des combats de ceux qui vont au bout des choses. Au bout de l’identité qui est respectivement la leur. Mais au-delà de l’identité, il y a les autres aussi. C’est pourquoi, n’étant pas Haïtien, je me suis senti autoriser, si je peux m’exprimer ainsi, d’essayer de pouvoir fouiller cette racine haïtienne.
L’Afrique a-t-elle une place dans votre univers musical ?
J’ai beaucoup travaillé avec les musiciens du gnawa du Maroc. Le gnawa est une musique importée au Maroc, il y trois siècles, de l’Afrique noire par ceux que la traite arabe, transsaharienne, abvait réduit en esclavage Aujourd’hui, ils ont doit de cité, de parole et d’expression. Il y a un grand festival de musique gnawa au Maroc. C’est fut extraordinaire d’être invité et de jouer avec ces maitres de la musique gnawa. Ca a été aussi une étape dans ce que je fais aujourd’hui avec le vaudou, parce que cette entente, cette grande spiritualité qui est née avec l’esclavage, nous vient directement de l’Afrique.
Cela vous tenaillait-il de présenter cette face culturellement cachée de la musique d’Haïti ?
La musique racine a bercé mon enfance. Nous n’avons pas eu d’éducation religieuse et, pour moi, ces chants vaudou tenaient lieu quelque part de religion (il éclate de rire). Ça et la musique gwo ka, c’était mon lien direct avec le mystique, avec tout ce qui nous dépasse. Il était absolument indispensable pour moi en tant qu’artiste d‘inclure ça dans mon vocabulaire et dans ma façon de vivre la musique.
Aujourd’hui, votre recherche musicale est très poussée vers le temps passé. Qu’elle sera votre direction demain ?
Je suis et je resterai un musicien de jazz, toute ma vie. En même temps, je ne suis pas né aux États-Unis. J’ai une identité différente de celle de tous mes collègues new-yorkais et contrairement à certaines personnes sur cette scène, moi je n’ai pas honte de mes racines. Non seulement je n’ai pas honte, mais tout ce qui fait partie de mon univers personnel est tellement fort dans mon émotionnel ! Le gwo ka, la musique racine et d’autres formes de musiques… Certaines d’ailleurs ne sont pas africaines. Je vais faire un disque de musique juive. C’est une musique que j’entendais enfant à cause de mon père. Je veux recoller tous les morceaux cassés, les débris et les poussières de mon identité, et faire quelque chose qui ressemble a une œuvre d’art.
Est-ce l’essentiel pour vous ?
C’est la seule façon de vivre pour moi. Je parle pour moi, sans vouloir donner de leçon à personne. C’est la seule façon que j’ai de pouvoir vivre avec moi-même.
Vous êtes arrivez dans le monde musical très tard, à l’âge de 24 ans. Votre réussite a été fulgurante. Êtes-vous un infatigable bosseur-chercheur ?
J’ai commencé le saxophone à 24 ans, et maintenant j’ai 48 ans. Cela fait exactement 24 ans que je joue. Je peux dire depuis deux mois que j’ai passé la moitié de ma vie à me consacrer à la musique. Si je vis encore une vingtaine d’années, je pourrais acquérir une certaine sagesse musicale et épurer mon discours afin de pouvoir canaliser l’émotionnel sans encombrement.
Propos recueilli par Alfred Jocksan