Jean-Francois Balmer et Louis-Ferdinand Celine
Celine voyage avec Balmer
Voyager au bout de la nuit au theatre avec Jean François Balmer.
Ce soir la on avait passé la Place Clichy et enfilé la rue du même nom qui descend sur la Trinité. Notre trinité a nous c’était au 55 de cette rue de Clichy, le Théâtre de l’Oeuvre ou Jean François Balmer mettait en bouche les mots du maudit Ferdinand Céline. Ils étaient bien nombreux à s’y être frottés déjà aux mots du Ferdinand, c’était une nouvelle tentative.
On est en avance, le placement est libre, on arrive aisément à avoir deux places au quatrième rang. Le noir se fait les premières notes arrivent comme celle d’un vieux gramophone, l’acteur a choisi une diction historique proche du parler populaire de la première moitié du 20e siècle, pourquoi pas ? L‘adaptation du texte respecte la chronologie du livre, une fois l’oreille habituée, la petite musique du Voyage commence a nous faire danser les oreilles et c’est pas désagréable. Mais quelque chose s’interpose entre nous et le texte... Des bruit de pas au balcon ? Nous tendons l’oreille, cela continue et perturbe vraiment la perception du texte. Nous réalisons que c’est une bande son de ces créateurs qui envahissent de nos jours les plateaux de théâtres. Celle ci saborde littéralement le spectacle pendant une heure quarante par son omniprésence et la diversion qu’elle occasionne. Sur la scène, l’acteur manipule maladroitement un fusil qui visiblement l’encombre. Encore une trouvaille géniale de nos metteurs en scène contemporains. Pour couronner le tout, une espèce de tempête nuageuse projetée maladroitement se déplace sur le lointain de la scène tout le long du spectacle. Nous sortons hébété et hagard a force d’avoir du tendre l’oreille pour entendre l’acteur. Celui ci aussi a du être géné car il a visiblement patiné par moment sur le texte. Je m'interroge. Céline ne supportait pas qu'on change une virgule à ses textes, il tenait à sa petite musique que chaque lecteur a suivie dans sa tête en lisant ses œuvres. Ca se passe en nous, intimement. Les indignations sont écrites, les mots choisis jusqu'à l'argot ou la pornographie. Le style, parfois epileptique, rend magistralement l'inquiétude, le dégout, la haine. Tout est là. Alors il ne faut pas jouer Celine, c'est le trahir ! Crier une colère si bien écrite devient un pléonasme bruyant, les accessoires et les meubles du remplissage là ou seul le verbe devrait emplir la scène. Balmer aime sans doute Voyage, il réussit quelques belles envolées, sobres et fines, mais on s'ennuie aussi. Les créateurs devraient avoir plus le sens du nécessaire. Le spectacle aurait gagné a être dépouillé. La puissance du texte se suffit a elle même. Ceci étant dit, la petite musique du Voyage est là et c’est tant mieux. Il ne faut pas s’en priver, il suffit de fermer les yeux, c’est de l’autre côté de la vie.
Augustin de Coulondre
Voyage au bout de la nuit d’après Louis- Ferdinand Céline mise en scène par Françoise Petit jusqu’au 24 Mars au théâtre de l’0euvre 55 rue de Clichy, 75009 Paris. Tel 01 44 53 88 88