Jean-Michel Martial a lu Rhapsodie jazz pour Damas
Jean-Michel Martial qui participe ce vendredi au salon de la Plume noire à Paris avec Suzanne Dracius pour un hommage à Léon-Gontran Damas, a bien voulu jouer le rôle de premier lecteur du roman de Catherine Lepelletier, Rhapsodie jazz pour Damas, paru chez Idem.
« Damas est le grand cri nègre »
Comment êtes-vous sorti de cette lecture ?
Je suis sorti en dansant ! J’aime beaucoup Damas et je suis content qu’on parle de lui parce qu’on ne parle pas suffisamment de lui-même à cette période qui est le centenaire de sa naissance. Je trouve qu’on fait peu de cas de son message, de son importance dans la poésie, dans l’honnêteté politique, dans l’engagement, la notion de vérité… Il est exemplaire à plus d’un titre et qu’enfin quelqu’un s’intéresse à lui, qui plus est un nouvel auteur, j’ai trouvé ça très positif.
Le parti pris de Catherine Lepelletier est de passer par le récit, la mémoire d’une vieille dame qui a bien connu Léon Damas. Comment trouvez-vous le procédé pour introduire le poète ?
Ce personnage nous emmène à ce qu’on peut ressentir quand on évoque une personne âgée qu’on aime ; il y a forcément une notion de tendresse, de douceur et aussi de vérité parce qu’on n’imagine mal quelqu’un qui soit âgé menteur (rires)… Catherine Lepelletier nous emmène au regard de quelqu’un qui a déjà tout vécu et qui, à partir de là, se positionne et ne dit que la vérité, qui transmet. C’est transmission qui est intéressante car ce personnage est moins fort que celui de Damas. Et c’est normal parce que Damas est d’une épaisseur peu commune et il reste le personnage principal de ce livre.
La grande révélation de livre, c’est la farouche opposition entre Damas et Monnerville. Qu’en avez-vous pensé ?
Il faudrait demander à Francis Monnerville, son neveu, ce qu’il en pense… Ce serait un autre point de vue. Ca nous dit quoi par rapport à Monnerville ? C’est quelqu’un qui avait un projet politique, qui pensait qu’il avait un rôle à jouer et que pour cela, il fallait qu’il soit dans les arcanes du pouvoir. Ensuite, c’est le chemin qu’il a utilisé et je n’ai pas de jugement par rapport à cela…
Cela ne met-il pas exergue l’assimilationnisme de l’un et la négritude de l’autre ?
C’est un des moments forts du livre mais mon expérience m’amène à penser que chacun est important à la place qui est la sienne. Monnerville, président du conseil de la République, ça n’existe pas s’il n’a pas fait ce qu’il a fait avant. Et lui, de cette place centrale, il devient ô combien exemplaire pour nombre de générations d’individus d’origine antillaise ou simplement noirs et français ou noirs et africains pour lesquels Monnerville représente une lumière. En même temps, Damas est indispensable pour la compréhension du processus d’aliénation dans lequel tout le monde est enfermé parce qu’il a quand même compris ça trente ans avant les autres. Il a réussi, de par la poésie, à faire passer ses idées qui sont exprimées par Frantz Fanon. Sauf que Damas ne se pose pas en tant que littéraire, il se pose en tant que poète. Or le poète est celui qui ouvre pour le lecteur le chemin de la conscience universelle. C’est pour ça que les poètes sont en prison. La poésie est ce qu’il y a de plus violent au monde comme acte politique. Ca signifie mettre en mouvement à partir de rien. Damas met en mouvement la conscience et la prise de conscience d’un processus à travers le rythme de sa poésie, la puissance de son analyse des sociétés et des hommes. Donc à sa place est nécessaire, maintenant que Damas et Monnerville soient antagonistes pourquoi pas mais finalement on s’en fiche.
L’autre intérêt du livre est de remettre Damas à l’origine de la négritude avec Césaire et Senghor. On l’a souvent oublié…
Ce n’est pas qu’on l’a souvent oublié… Il n’est pas reconnu alors que c’est une poutre maîtresse. Il est essentiel ; il est la négritude… Non, il est le grand cri nègre. Damas est le cri nègre, celui qui est commenté et interprété par les autres. Lui, il est, viscéralement. En ce sens là, il est plus impliqué que les autres dans la négritude.
Catherine Lepelletier consacre quelques pages à Pigments, à Black Label, mais plus que son oeuvre, n’est-ce pas l’homme que nous nous fait d’abord découvrir ce livre ?
Tout à fait ! A travers ce roman, le lecteur va découvrir ce personnage et va avoir envie d’aller plus loin. Damas a dit : « Je n’ai pas souffert mais j’ai pris parti. » Lorsqu’il arrive au lycée de Meaux où il a eu pour condisciple Raymond Marcelin, le proviseur lui a dit : « Ah ! Voilà notre petit bagnard… » « Non Monsieur, a-t-il répondu du haut de ses 15 ans, ce sont les Blancs qui sont les bagnards, moi je suis guyanais… » Voilà quelqu’un qui n’est inféodé à aucune autorité !
Ce n’est pas dans le livre…
Les choses qui sont simplement évoquées, qui ne sont pas citées, sont terriblement présentes et ne pas les citer ne les rend que plus présentes. Ca nous dérange et nous oblige à aller chercher et là on nous propose de grandir un tout petit peu…
Peu d’ouvrages sont disponibles sur Damas pour aller plus loin. Damas n’est-il pas un sujet encore vierge ?
Tout est encore à faire !
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
Jean-Michel Martial et Karine Pédurand dans La loi de Tibi
Au Vingtième théâtre (Paris) les 12 et 13 novembre
« Merci d’être venus mesdames et messieurs, votre agence de voyage vous a dit que les plus beaux enterrements, les plus typiques sont ceux où Tibi officie… Je suis Tibi, vous serez satisfait… » Tibi, un homme simple, incarné par Jean-Michel Martial, qui vit dans un lieu déshérité. Il raconte aux gens le plus incroyable des spectacles : les enterrements et la vie des gens qu’il enterre. Entre chaque enterrement, il raconte aussi sa vie et la loi qu’il a découverte, à l’instar d’Archimède ou d’Euclide… La pièce a été jouée en Martinique en novembre 2011, et Jean-Michel Martial pense que « le moment est venu de la jouer en Guyane et en Guadeloupe ! » A bon entendeur…