Journee internationale du creole a Paris
Kréyol palé, li et maké à Paris
La journée internationale des créoles a tenu toutes ses promesses au centre Marc-Sangnier à Paris (14), le week-end dernier.
A l’initiative de cet evenement, l’association Eritaj et le Collectif pour le créole au bac dans l’Hexagone.
Tout le monde amoureux de la langue créole a fait le déplacement pour cette manifestation culturelle, festive, ludique et informative. Notamment Hector Poulet, Gerty Dambury, Mario Canonge, Max Sila, Tony Mango, Igo Drané, Sourya Adele et Firmine Richard qui crie haut et fort : « Se lang an nou ! Et une langue qui ne se parle pas se meurt. » Le créole est une culture commune de part et d’autre des océans, mais aussi une identité avec la gastronomie, la littérature, les arts et la musique. Au centre Mar- Sangnier, durant ce deux jours, plusieurs salles étaient mobilisées. Atelier de contes animé par le duo Igo Drané et Danyel Onoré, atelier de « Maké e li kréyol », animé par Tony Mango et son équipe, atelier de musique, danses et tanbou, ou la pianiste martiniquais Mario Canonge expliquait la base du jazz créole. Mais aussi atelier poésie avec Gerty Dambury.
Ce mouvement de la créolité est renforce par l’engouement grandissant des jeunes d’origine ultramarine à vouloir apprendre la langue de leurs grands-parents et choisir cette option au bac. C’est le cas d’Ionis venu de Meaux (77) à plus de cinquante kilomètre, pour apprendre à écrire et lire en créole. « Je parle parfois avec mes cousins, mais je veux aller plus loin et mieux le maitriser », dit il. Tandis que Sarah, une métropolitaine amoureuse du gwoka, veut « comprendre et connaitre l’histoire de cette musique ». Quels que soient leurs parcours et origine, ils sont motivés.
Dans le cercle à palabre, pris d’assaut par le public, les débats ont été très riches. La langue est colorée, chantante, une langue de débats et de disputes, une langue palpitante.
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
Ils ont dit
Gerty Dambury, romancière : « En région parisienne, nous avons beaucoup de compatriotes venus de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, de l’Ile Maurice, de Guyane, d’Haïti qui parlent créole et précisément les enfants sont en train de perdre leur langue. Il faut faire quelque chose pour que le créole ne se perde pas dans cette communauté. C’est un moment qui marque une étape et qui est festive, mais l’essentiel du travail est fait tout au long de l’année par l’ensemble des gens qui se battent pour que le créole se développe. Le créole est une langue qui véhicule tout, les joies, les humeurs, les sentiments, la pensée, la réflexion et aussi la revendication. Le créole est notre langue avec laquelle nous disons tout. Il y a une plus grande utilisation du créole dans la société aujourd’hui, même si on est toujours un peu des Cassandre. La langue créole est revivifiée, car il y a de plus en plus de monde qui parle créole. Nous tenons le bon bout. »
Hector Poulet, auteur du dictionnaire des rimes créoles : « Une journée internationale du créole depuis plus de vingt ans. J’espère qu’elle va continuer pendant mille ans. Nous sommes dans une démarche qui s’appelle la créolisation. Avec un objectif de créoliser toute la planète, rien que ça ! Mais aussi, il s’agit de regrouper les Antillais de France, non pour les enfermer dans un communautarisme, au contraire pour leur dire : vous êtes fort, vous avez une histoire solide et vous pouvez vous ouvrir au monde. Refusez toute les barrières, politique, ethnique, religieuse. Vous êtes une population des descendants des gens qui ont survécu, vous êtes fort. Le créole est un outil pou nou di bitin la sa. Nous avons des atouts, il faut s’en servir. Le créole redonne de l’estime à la population en disant que le créole est une langue. »
Igo Drané, conteur parolier martiniquais : « la journée créole est une façon de montrer qui nous sommes et ou nous allons. Le créole, ce n’est pas un seul jour, c’était hier, c’est aujourd’hui et c’est demain. Nous volons avancer dans cette vie avec notre langue. Il y a le français, l’anglais et bien d’autres langues. Mais avec le créole on peut faire et dire beaucoup de choses qu’on ne pourra pas dire dans les autres langues. Le créole est notre identité, notre image. I ni on chimen nou mé té la, nou ka maché a dan é chimen la ka monté. »
Mario Canonge, pianiste de jazz-Kréyol : « C’est une belle initiative. Une manière de rappeler, nous ne sommes pas aux Antilles, qui nous sommes et de nous rassembler. C’est un dénominateur commun qui est important pour nous. C’est quelque chose de positif. »
Tony Mango, initiateur et président de l’association Eritaj : « Le créole a pris une dimension assez intéressante à Paris. Il nous faut retrouver d’autres sources pour aller plus loin, avoir un autre balan. Il faut que la jeunesse soit avec nous pour nous pousser à atteindre cet objectif. Car elle nous demande d’avancer et de pousser plus loin. C’est un combat qui nous motive, qui nous galvanise. Il faut faire attention à l’essoufflement de cette journée. Il est fondamental de mettre en place une dimension politique, sociale et économique autour de la langue et de notre culture créole. »
Propos recueilli par Alfred Jocksan