Journée outre-mer développement le 3 septembre à Paris
La 3e Journée Outre-mer développement se déroulera le samedi 3 septembre au pavillon Gabriel à Paris (et le 5 septembre à la mairie de Bordeaux). Initié par Cyril Comte, l’ancien patron du Medef Martinique, Nathalie Fanfant, François Brichant et Satyam Dorville, « c’est le seul événement qui permet au monde économique et social des outre-mer de venir à la rencontre des talents issus des diasporas d’outre-mer », selon ses créateurs. Ce jour-là, aura lieu la remise des prix de la Business competition dotés de 17 500 € pour trois lauréats. 62 entreprises ont concouru et 10 ont été retenues. Le précédent lauréat, Boodoom, est parvenu à lever près de 1 million € !
ITW Cyril Comte, Journée outre-mer développement
« La question des jeunes a été objectivement ignorée depuis des décennies »
Quel bilan faîtes-vous des premières journées Outre-mer développement en terme d’emploi ?
Entre les deux premières éditions de 2009 et 2010, il y a eu 300 entretiens qui ont été menés à bien. Ces 300 entretiens ont donné lieu à une quinzaine d’embauches de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur pour des fonctions d’encadrement. Il y a eu de façon générale beaucoup de contacts qui ont été établis et, parfois, ces contacts peuvent aboutir sur une relation professionnelle deux ans plus tard.
Cette année, vous avez choisi le thème : « Tomber les murs »…
L’idée est de tomber les murs entre les Outre-mer et la métropole, entre les Outre-mer entre eux, entre les Outre-mer et leur environnement régional. Dans ce cadre, l’enjeu de l’énergie est important. L’énergie est typiquement une question qui est liée à la distance et à la taille des marchés, et dans un monde de pénurie énergétique, ça va devenir dans les économies insulaires un enjeu de plus en plus fort.
Un de vos thèmes de débat est « Les Outre-mer peuvent-ils disjoncter ? », en sous-titre de « En outre-mer, on n’a pas de nucléaire mais des idées ». Comment doit-on le comprendre ?
On l’a déjà vécu… Dernièrement en Martinique, il y a eu des grèves d’EDF et l’économie a été arrêtée par le fait que la centrale thermique a été mise progressivement en rideau et d’un coup, tout s’est arrêté, que ce soit l’industrie, le commerce, au-delà même de la gêne occasionnée pour les gens. Derrière cela, il y a les enjeux de puissance installée, d’investissements et de coût qui vont se poser de manière de plus en plus aigüe.
Le Grenelle de l’environnement prévoit que l’on arrive à 50 % d’autonomie énergétique en 2030. Sommes-nous dans les clous ?
Ce serait jouable si on n’était pas face à des contradictions. On a affiché cet objectif mais en même temps l’ensemble des projets photovoltaïques qui avaient, dans nos territoires, vocation à assurer au moins 30 % de la production, ont été stoppés au même titre que l’ensemble des projets nationaux. La spécificité des Outre-mer n’a pas été reconnue pour l’instant. Il faut donc qu’il y ait une volonté politique avec des investissements qui soient à très long terme. Au-delà du photovoltaïque, il y a peut-être des solutions plus larges de géothermie, d’énergie thermique des mers, de la houle… Tout ça sont des technologies qui pourraient être expérimentées dans les Outre-mer et pour lesquelles il faudra de la volonté politique.
Et le problème du coût de l’énergie ?
Il y a des coûts et des contre coups. Les coûts sont par nature élevés chez nous et l’on ne s’est pas posé la question de façon globale de la façon dont ils pouvaient être réduits ou mieux répartis pour ne pas peser prioritairement sur les produits de première nécessité. Le contre coup de ces coûts agissent sur le développement économique et peuvent aussi devenir des contre coups sociaux. Comme nous l’avons vécu en 2009. L’énergie fait donc partie des enjeux de la vie chère.
Vous évoquez aussi le numérique qui se moque des murs...
L’économie numérique représente 20 % du PIB dans les économies développées et nous sommes loin de ce ratio dans les DOM. Pour autant, nous avons des entrepreneurs qui mènent des projets intéressants et ils viendront en parler.
Vous avez aussi d’aborder la question du sport avec deux questions : son industrie et ses emplois…
Pour l’instant le sport ne crée pas vraiment d’emplois car il est très associatif outre-mer. Le tissus associatif est très vigoureux mais on manque d’infrastructures, de dispositifs de formation, d’entraînement en ce qui concerne le haut niveau. Or, ce qui peut rapporter de l’argent, c’est le haut niveau. Il mobilise des compétences qui sont salariées, des investissements qui peuvent être importants que ce soit pour détecter les talents ou les former. Le danger pour l’Outre-mer qui est un pourvoyeur de talents sportifs, c’est de ne pas les détecter suffisamment tôt et c’est un gâchis pour la nation, soit ils ne sont pas entraînés localement et c’est une perte pour nos territoires. En même temps, c’est difficile de faire de la détection performante si on n’a pas en même temps de l’entraînement performant sur place.
Là aussi, il faut une volonté politique…
Typiquement puisque là aussi, le sport est au cœur des ambitions d’image que les nations veulent se donner et tout ne peut pas être fait par le marché dans le domaine du sport.
La Guyane base avancée pour les JO et la Coupe du monde, vous y croyez ?
Bernard Lama viendra nous en parler ainsi que le conseiller sport de la ministre de l’Outre-mer, Mickaël Christophe qui sera en mesure de nous expliquer cette ambition. Mais là, on est au cœur de ce que peut être la création d’une économie du sport locale exprimant une volonté politique nationale.
Sur la culture aussi, vous posez la question de la possibilité de créer un écosystème audiovisuel…
On a beaucoup de talents dans le domaine audiovisuel mais là aussi on manque d’infrastructures ou d’investissements même régionaux pour promouvoir un audiovisuel de qualité. Ca commence à bouger avec des documentaristes ou des réalisateurs de 1er plan comme Lucien Jean-Baptiste. On a vu le succès de Case Départ de Fabrice Eboué et Thomas Ngijol et, malheureusement la Martinique est passée à côté de la possibilité de faire tourner le film sur son territoire. C’est bien dommage… l’atelier que nous consacrons à l’audiovisuel a pour vocation de dresser l’inventaire des points positifs et négatifs pour voir comment on peut développer cette industrie dans nos territoires.
Ca nous renvoie au poids du passé que vous avez aussi choisi d’aborder lors de cette journée ; est-ce important en matière d’économie ?
A mon avis, c’est très important qu’on parle du passé. En quoi le passé détermine non seulement le présent, mais peut-être aussi le futur ? Cette question est nécessaire pour en apprécier les héritages et pour que les murs issus du passé ne nous empêchent pas de progresser et qu’on ne soit pas des victimes de notre passé. Par rapport à la question épineuse de l’esclavage, on n’en parle sûrement pas assez, l’histoire n’est pas suffisamment étudiée ni suffisamment enseignée et diffusée. On a tout intérêt au plan collectif à embrasser la complexité de cette histoire plutôt qu’à en utiliser la simplicité des confrontations historiques pour justifier les confrontations d’aujourd’hui.
Autre thématique, la jeunesse. Faut-il en avoir peur ?
La question des jeunes a été objectivement ignorée depuis des décennies de façon extrêmement surprenante. Elle a même été totalement ignorée dans les négociations et les accords interprofessionnels qui ont conclu la crise sociale de 2009. Elle a été aussi totalement ignorée dans les décisions du conseil interministériel de l’Outre-mer. C’est saisissant de constater combien cette question n’a pas dominé nos agendas. Or, c’est la question principale. On dit et on sait que le chômage des jeunes est pesant mais on n’en a jamais tiré une politique ou une analyse. Ca commence à peine avec les politiques et patronaux, pas encore avec les syndicalistes. Mais cette question commence à prendre le devant de la scène… Si on s’en préoccupe pas, on ne peut rien espérer de l’avenir pour nos territoire.
La jeunesse va être un enjeu de la campagne présidentielle…
C’est heureux car en France, la jeunesse de 16 à 24 ans, c’est 20 % de chômage. Pour nous, c’est 60 % de chômage… Aujourd’hui, il n’existe aucun dispositif vraiment sérieux de lutte contre le chômage des jeunes dans l’outre-mer.
Malgré tout, il y a une vraie dynamique entreprenariale dans la DOM…
C’est une des forces de l’outre-mer. Un esprit de pionnier est mêlé à la culture des gens et on est capable de voir des opportunités dans les plus petites choses où d’autres renonceraient…
Se pose la question de notre attractivité et de notre compétitivité…
Il est évident que les Outre-mer ne sont pas au niveau d’attractivité et de compétitivité qu’ils souhaiteraient avoir. Nos territoires sont en danger de fort vieillissement or la population est une des données essentielles du dynamisme de l’économie. C’est très vrai pour la Guadeloupe et la Martinique ; ca l’est moins pour la Guyane et la Réunion qui, au contraire, ont un dynamisme démographique très fort.
Qui seront les intervenants principaux ?
Nous aurons Jean-Paul Betbéze, le chef économiste du Crédit agricole et membre du conseil d’analyse économique et social, des entrepreneurs comme François Benart de nouvelles-antilles.com, Yann de Prince, président du Medef de la Réunion et président de Mobius, Oleg Baccovitch, directeur général de Canal Oversea’s, Jacques Martial, président du, parc de la Villette, le professeur de philosophie Jacky Dahomay, les historiens Fabrice d’Almeida et François Durpair, le photographe Jean-Luc de la Garrigue, le président du groupe Paralliance, Christian Viviès, le conseiller économique, social et environnemental Marcel Osenat, Patrick Picourt, président de la compagnie financière de Saint Thomas et encore les trois commissaires au développement endogène, le secrétaire général de la CFDT Réunion, Jean-Pierre Rivière…
FXG (agence de presse GHM)