L'évolution institutionnelle de la Martinique à l'Elysée
Le statut de la Martinique s’élabore à l’Elysée
« C’est une étape ratée », a lâché Serge Létchimy, le premier apparu sur le perron de l’Elysée, avec sa petite valise, pressé par un avion à prendre. Plus d’une heure après le début de la rencontre entamée à 11 heures, hier, avec le président de la République, et sous une pluie battante, le président de la Région Martinique a commenté succintement le ton de la rencontre : « Je regrette que le congrès n’ait pu trouver un accord… Maintenant, c’est au président à trancher pour nous… » Brice Hortefeux est parti discrètement, laissant à Marie-Luce Penchard le soin d’annoncer elle-même que tout n’était pas encore tranché. Claude Lise, Serge Larcher, Louis-Joseph Manscour, Alfred Marie-Jeanne et Raymond Ocolier de l’association des maires attendaient à l’abri, dans le hall du palais… Le président a indiqué sa préférence pour un scrutin de liste à la proportionnelle avec une prime majoritaire et sans doute, quatre circonscriptions. La ministre a déclaré : « Le président peut comprendre le découpage qui lui a été proposé, mais qu’il fallait peut-être considérer la sécurité juridique avec des circonscriptions déjà reconnues par le Conseil constitutionnel et qui sont les quatre circonscriptions législatives. » C’est encore une fois la question de la date du scrutin qui semble justifier le délai de dix jours choisi par le président avant d’adopter une position définitive.
« Le président a très clairement indiqué que ses décisions ne sont pas complètement arrêtées. » Marie-Luce Penchard
« Les difficultés des uns et des autres pour mettre en place cette collectivité plaident en faveur de 2014 mais, a expliqué Mme Penchard, il entend aussi que les Martiniquais sont dans une attente forte puisque la consultation a eu lieu en janvier 2010 et il nous a demandé de faire un effort pour organiser le plus rapidement possible cette consultation sans arrêter de date. Ce n’est pas 2011, mais ce ne sera pas non plus 2014. » Quant aux compétences, le président a dit : « Le vote des électeurs sera respecté. » Il s’agit donc bien du regroupement des compétences de la Région et du Département, mais pour autant il a indiqué, selon Mme Penchard, que « ce n’est pas parce que les Martiniquais avaient refusé l’article 74 qu’il fallait renoncer à des compétences du 73 ».
La ministre a tenu à citer Nicolas Sarkozy : « Toutes les compétences, rien que les compétences du 73. » A elle de préciser ensuite que « au moment où la Collectivité sera mise en place, elle pourra, dans le cadre de l’article 73, faire valoir des demandes d’habilitation et de compétences nouvelles ». Tous ces éléments participent à définir les contours de la loi qui va être présentée par le gouvernement. « Le président de la République a demandé que le texte soit présenté au conseil des ministres le plus rapidement possible pour que le débat vienne devant le Parlement au cours de l’année 2011 », a conclu la ministre de l’Outre-mer. Claude Lise s’est dit confiant quoique que le président n’ait pas encore pris de position définitive : « Il nous a proposés de nouvelles rencontres. Il a dit qu’il prendrait contact avec les uns et les autres, je suppose téléphoniquement, mais il y aura aussi des réunions avec Mme Penchard. » Nicolas Sarkozy a, en outre, décidé de mettre en place une commission tripartite, Etat, département, région, pour bien évaluer les problèmes de ressources, répondant ainsi aux inquiétudes de l’association des maires.
FXG (agence de presse GHM)
Ils ont dit
Alfred Marie-Jeanne, député
« Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Il ne faut pas attendre que la situation se dégrade et il est bien placé pour le savoir. Il a fait un pas en avant. Il semble favorable à ce que la mise en place de la nouvelle collectivité se réalise en 2012. « Il n’a pas dit 2012, mais enfin… N’oubliez pas que c’est le président de la République avec nous qui a proposé cette fusion des deux assemblées. La démocratie étant ce qu’elle est, on ne sait pas s’il sera réélu et par conséquent, il vaudrait mieux que ce soit lui qui mette en place ce qu’il a commencé. Il faut donc dissocier la loi ordinaire de la loi organique pour faire en sorte que l’assemblée soit mise en place, quitte à ce que par la suite, si on veut accorder des compétences ou des habilitations particulières, on le fera… Mais n’oubliez pas que le peuple s’est prononcé et que je ne suis pas d’accord qu’on essaie de modifier du 73 en 74 car ce serait un déni démocratique. Donc tout le 73, rien que le 73 pour l’instant et ça permettra, tout en n’étant pas arrêtés, que l’on puisse évoluer par la suite en l’absence possible et de moi-même et du président de la République tel qu’il est actuellement. »
Serge Létchimy, président de Région
« Je regrette vraiment qu’on n’ait pas pu trouver, en Martinique, un consensus sur les bases essentielles. Je retiens tout de même ce qu’a dit le président : « Tout le 73 y compris de donner des moyens dans le cadre du 73 et 72 ». Il y a un débat sur le nombre de sections. La question de la date du scrutin, 2012 ou 2014, n’est pas encore tranchée. Il y a des analyses juridiques à faire… Maintenant, c’est tout de même la Martinique qui va entrer dans mais la prime majoritaire est acquise. Sur la question de la date de 2012 ou 2014, la question n’est pas tranchée. Il y a des expertises juridiques à faire. Je répète combien je regrette qu’en Congrès on n’ait pu mettre en pace une nouvelle donne… Mais la Martinique va entrer dans la modernité du troisième millénaire et c’est ça l’essentiel. Dans une dizaine de jours, on aura des réponses plus précises sur les dates et le mode de scrutin et il va falloir examiner comment se préparer pour la bataille parlementaire. »
Alfred Almont, député
« Il faut se réjouir que le président soit fidèle aux engagements qui sont les siens. Quelques points de divergences apparaissaient. Il a fallu trancher un petit peu, mais le président réserve sa réponse pour dans dix jours. Il réfléchit encore pour la date des élections. Sur les circonscriptions, 4 ou plus, on verra bien en fonction de ce que le Conseil constitutionnel pourrait arrêter. La prime majoritaire est actée pour avoir des choix très clairs lorsque la nouvelle assemblée sera en place. Le président a écouté tout le monde. Il a répondu sur quasiment tous les points. Il y a tout lieu de nous réjouir. Les choses sont prises au sérieux ici. »
Louis-Joseph Manscour, député
« J’ai un regret, c’est que nous n’ayons pas pu nous mettre d’accord nous-mêmes sur un certain nombre de points, le mode de scrutin et les compétences et c’est définitif, le président va décider pour nous et ça c’est embêtant. Ceci étant, je pense qu’il y avait nécessité pour nous de rencontrer le président puisque sur le mode de scrutin, il préfère le découpage en 4 sections avec un scrutin de liste proportionnel. Et pour les compétences, il a simplement dit : « Tout le 73, rien que le 73. »
Serge Larcher, sénateur
« On ressort mi-figue mi-raisin… Il y a des avancées certaines concernant le mode de scrutin, la prime majoritaire, les compétences avec tout le 73. Le problème reste sur la date de scrutin. Le président plaide pour aller le plus vite possible, mais avec les travaux et le calendrier parlementaires, je crois que ce sera 2014 parce qu’il y a quand même des contraintes. Ca s’est passé dans une excellente atmosphère. Chacun a pu faire valoir ses arguments. Nous avons fait des préconisations et nous avons été suivis. »
Claude Lise, sénateur
« J’ai trouvé que c’était une rencontre très positive. Je l’ai trouvé très ouvert sur des points qui sont pour moi fondamentaux : l’idée qu’il s’agit de l’union des compétences du département et de la Région. Nouvelles habilitations ? Oui, mais c’est la nouvelle assemblée qui devra les demander. Là-dessus, je suis satisfait. C’était très important. Sur le mode d’élections, il paraît très ouvert à l’idée de 4 circonscriptions plus qu’une infinité de petits découpages mais il n’a pas encore pris de décision. Enfin sur la date, il pense comme beaucoup d’entre nous qu’il ne faut pas trop attendre. J’ai trouvé extrêmement satisfaisant qu’il dise lui-même que la collectivité unique étant un instrument plus performant, et qu’il fallait la mettre en place le plus rapidement possible. Après, tout dépendra des problèmes de calendrier parlementaire. »
Raymond Ocolier, président de l'association des maires
« J’ai rappelé au président de la République que le souci de nos communes, c’est que les ressources actuellement dévolues par le département et la région soient garanties par la nouvelle collectivité de manière à pouvoir continuer de contractualiser dans les différents plans. Je lui encore expliqué que s’il y a eu un débat sur la date du scrutin, c’est parce que, lui-même, en venant en février et juin de cette année, a expliqué que le statu quo ne pouvait plus continuer. Il y a une immense espérance à la Martinique pour voir cette nouvelle collectivité en place le plus vite possible. Il réfléchit encore pour trouver un juste milieu entre aujourd’hui et 2014. Et nous attendons avec des raisons d’espérer. Je lui aussi demandé de faire un effort en faveur du plus vieux prisonnier de France, Pierre-Just Marny, et d’user de son droit de grâce. »