L'UAG, les élus des Antilles et Fioraso
Sept mois de reflexion
La ministre de l’Enseignement superieur, Genevieve Fioraso, s’est retrouvée hier soir à Paris face à aux élus de Martinique et de Guadeloupe. Ces derniers entendent bien respecter le choix des Guyanais d’avoir leur université de plein exercice, mais ils souhaitent qui une « unité fédérative », selon le Martiniquais Serge Letchimy, qui « une idée fédératrice », selon le Guadeloupéen Jacques Gillot, pour que les trois pôles de l’UAG continuent de coexister. « J’ai senti une convergence dans les liens que les Antilles souhaitaient conserver avec la Guyane, a expliqué la ministre. Cette volonté de garder le lien est réelle et la loi sur l’Enseignement superieur et la Recherche le permet en autorisant des constructions extrêmement souples. » Cette réunion ne sera donc pas la dernière, mais la première d’une longue série au cours des sept mois à venir. Pendant deux heures trente, dans la salle Hubert-Curien du ministère, les parlementaires et représentants des collectivités locales (David Zobda pour le Conseil général de la Martinique et Jocelyn Sapotille pour la Région Guadeloupe) ont eu un dialogue, vif parfois, avec la ministre en présence du ministre des Outre-mer, Victorin Lurel. « Le dialogue est renoué », a indiqué Mme Fioraso. « Cette réunion aurait du avoir lieu auparavant, a déclaré Serge Letchimy, et j’ai regretté l’absence de la Guyane car, ensemble, nous aurions pu trouver des solutions. » Tout le monde semble toutefois s’être retrouvés sur la nécessite qu’il fallait apaiser les choses, « parler directement, échanger plutôt que de parler par medias ou motions interposés », selon Mme Fioraso.
Les élus et la ministre ont pu évoquer d’abord les véritables enjeux de l’université qui sont « la formation des étudiants, la plus grande qualification de davantage de jeunes et la construction d’une dynamique de territoire autour de la recherche et des atouts de ces territoires ». La ministre a eu aussi à rassurer ses interlocuteurs sur l’entité université Antilles-Guyane : « Jusqu'à ce que l’université de plein exercice de la Guyane se mette en place, vraisemblablement en 2016, la présidente de l’université Antilles-Guyane garde toutes ses prérogatives avec ses administrateurs élus. » Genevieve Fioraso a simplement précisé qu’au niveau de la Guyane, deux administrateurs n’étant plus en capacité d’assurer le dialogue, il leur était substitué une administratrice provisoire, Anne Corval, nommée par son ministère, et assistée d’un conseiller, Christian Forestier.
Une ordonnance à rédiger
Sur la sécession de la Guyane, la ministre s’est par ailleurs défendu de toute préméditation : « Ce n’était pas de notre fait, mais à la demande forte de la Guyane… » « Au niveau du pôle Martinique et même au plan global de l’UAG, a indiqué le president de la Région Martinique, il n’y a pas de contestation sur le fait que la Guyane puisse avoir une université de plein exercice à terme. D’ailleurs, c’était prévu d’ici 2020… Ce qui est contesté, c’est la méthode, la non-consultation des collectivités… Une discussion a abouti a une conclusion qui aura des conséquences sur les pôles Martinique et Guadeloupe ! » Mme Fioraso a donc voulu apaiser et rassurer ses interlocuteurs. « Il faut assurer que l’UAG est en état de marche, qu’elle bénéficiera des mêmes moyens, que personne ne sera pénalisé. Ce qu’il faut maintenant, c’est se tourner vers l’avenir, construire tout en préservant des liens avec la Guyane… » A priori, la Guadeloupe et la Martinique regardent à nouveau ensemble dans la même direction. « Heureusement, Dieu merci ! », souffle Serge Letchimy qui redoutait l’éclatement total de l’UAG. La Guadeloupe avait exprimé une position qui aurait finalement été mal comprise, selon la ministre : « Elle n’a pas revendiqué une université de plein exercice, mais une gouvernance qui partage davantage les enjeux et qui donne davantage d’autonomie en particulier pour la gestion, mais aussi pour le contenu des formations au niveau des licences notamment. C’était une demande d’organisation différente. » L’important selon le sénateur et president du conseil général de Guadeloupe, Jacques Gillot, c’est le poids de l’université : « On ne peut pas penser aujourd’hui qu’une université de 6000 étudiants, un diplôme de 6000 étudiants puisse etre un diplôme qui soit vraiment valable… » « Les discussions ont été extrêmement fermes, a encore dit Serge Letchimy, et les dispositions qui ont été prises pourraient permettre d’éviter la diminution de l’efficacité de la politique universitaire dans nos régions. »
Les parties ont 7 mois pour préparer une ordonnance. « Ce sera, selon Mme Fioraso, une phase d’élaboration de la nouvelle université des Antilles à côté de celle de la Guyane. »
FXG, à Paris
Serge Letchimy : « Il faut d’abord admettre le principe d’une université de plein exercice pour la Guyane, mais qu’on évite les conséquences négatives sur les moyens des pôles Antilles en inscrivant dans le marbre une unité fédératrice de l’université de la Guyane et de l’université des Antilles. Il ne faut pas se diviser pour se diviser, mais si la Guyane s’en va, qu’on reste fédérés autour d’un projet commun. On est face à un défi majeur. Il s’agit de ne pas disloquer une organisation qui existe même s’il y a des structurations qui sont différentes d’un pays à l’autre. »
Jacques Gillot : « Ce qui compte, ce sont les moyens qui doivent arriver demain… Si nous arrivons à un démantèlement, ce serait une division des moyens existants... Il faut continuer à faire vivre l’UAG en respectant, bien sûr, cette université de plein exercice de la Guyane. Il faut continuer une concertation approfondie pour voir comment ces trois pôles peuvent continuer à coexister. Il y va de la survie de l’université Antilles-Guyane, même en respectant la decision des Guyanais. »
Alfred Marie-Jeanne : « Certains thuriféraires confondent volontairement droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et consolidation des solidarités existantes. Ces deux droits ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Et c’est un indépendantiste qui le dit, car je ne suis pas un indépendantiste nombriliste. J’ai toujours considéré l’UAG comme un patrimoine commun à préserver et un atout commun à fructifier. Quels que soient les malentendus, les trois composantes ont l’obligation de se rencontrer et de se parler, hors chaperon officiel ministériel et gouvernemental s’il le faut, puisque la Ministre sollicitée n’a pas jugé bon d’opérer une telle démarche. Que cette initiative soit prise en vue de retisser sans complexe des relations loyales, des relations qui libèrent. »