La couleur à l’envers du soleil
Tournage
La couleur a l’envers du soleil, de Luc Saint-Eloy
Un garçon, Haïlé Saint-Eloi, court dans une bananeraie sur les hauteurs de Trois-Rivières en Guadeloupe. Il court comme un enragé et, essoufflé, appelle sa mère... A la main, il tient un papier. Une lettre ? On ne sait, mais aussitôt, l’on retrouve cette mère, Germaine Bertin (incarnée par Fleurtide Basses, photo ci-dessus) accompagnée de Viviane Edouard (Nancy Bureau, ci-dessous), sa voisine, à l’aéroport Pole Caraïbe. Trop tard, l’avion est déjà en vol. Germaine n’a pu revoir ses enfants, Marlène et Jeannot, partis comme des voleurs de leur Guadeloupe natale pour lot’bó… « Marre de cette vie, de ce pays sans travail. Ne nous en veux pas. On t’aime. »
En cinq minutes, Luc Saint-Eloy et Pascal Roy ont posé leur film. Le format de l’image, la qualité du son invitent à vouloir connaître la suite…. Hélas, elle n’a pas encore été tournée. Seules ces cinq minutes de film témoignent de la volonté des auteurs d’aller au bout de leur rêve, comme leurs héros. Cet extrait a été présenté ces derniers jours au cinéma des cinéastes à Paris. Dans la salle, Euzhan Palcy et Alain Maline, les parrains du projet, Yves Boisset et Jacques Martial, en amis, tout comme Marc Vizy, conseiller du prince…
Le scénario de ce film est tiré de la pièce de théâtre que Luc Saint-Eloy a écrite et créée, il y a une vingtaine d’annees, « Trottoir chagrin ».
Sans famille, Marlene et Jeannot découvriront que la jungle moderne n'est pas l'Eldorado qu'ils espéraient. Ce qui les attend en métropole, c'est la mort pour Jeannot, la prostitution pour Marlène.Et puis, il y a Célia et Julien Toussaint, couple bourgeois apparemment parfait et bien intégré, Angélique Saint-Prix, avocate militante parisienne, et Jimmy Edouard, patron d'un club de jazz, fils ainé de Viviane Edouard… Entre la Caraïbe et la capitale, les destins se croisent et s’entremêlent vers un happy end plein d’espoir.
L’espoir, Luc Saint-Eloy et Pascal Roy le cultivent pour achever leur œuvre. Il leur manque un distributeur et un coproducteur. Alors, comme Marlène et Jeannot, ils se lancent, jettent leurs dernières forces. L’enjeu, c’est montrer ce cinéma guadeloupéen, vivant, qui regarde aujourd’hui, demain.
FXG, à Paris
Quatre questions à Luc Saint-Eloy, scenariste et realisateur
Pourquoi ces cinq minutes de projection ?
C’est pour remercier les techniciens qui ont joué le jeu, mais alerter aussi autour de nous, pour dire que c’est difficile et qu’on n’a pas encore les moyens de faire ce film. Et pourtant, c’est le moment ou jamais de le faire par rapport à ce qu’on a envie de dire à la societe. J’appelle à une meilleure fraternité entre les citoyens de la France entière, du monde. Ce film vient dénoncer un certain racisme et les discriminations. L’image doit servir à cela. Malgré ces thèmes forts, j’ai du mal…
Quelle est l’origine de ce film ?
C’est l’adaptation d’une de mes pièces de théâtre, Trottoir chagrin, que j’avais dédiée à la memoire du jeune Lucien Mélyon assassiné en 1977. Le film lui sera aussi dédié, mais également à toutes les victimes des violences gratuites.
Quel est le pitch ?
Deux jeunes lassés d’être au chômage quittent la Guadeloupe comme des voleurs, sans rien dire à leurs parents et vont chercher du boulot à Paris. Mais, ils rêvent. Ils pensent que Paris, c’est l’eldorado alors que c’est une ville où l’on peut perdre la vie…
Et où l’on peut avoir du mal à monter un film ?
Exactement ! C’est cela la couleur à l’envers du soleil.
Propos recueillis par FXG, à Paris