La Cour des comptes et l'Aqueduc de Nouméa
L’Aqueduc du Grand Nouméa coûte trop cher selon la Cour des comptes
Critique à l’égard des coûts d’exploitation de l’aqueduc du Grand Nouméa par la SADET, une filiale de la Lyonnaise des eaux, la Cour des comptes préconise « une solution de remplacement sur des bases plus équilibrées » avec le syndicat des eaux intercommunal.
Le rapport annuel de la cour des comptes a ete rendu public mardi 12 février par Didier Migaud, son premier président. Il consacre un chapitre à la gestion, par la société anonyme des eaux de la Tontouta (SADET), de l’aqueduc du Grand Nouméa. C’est un "suivi" par rapport à un premier contrôle effectué par la chambre territoriale (CTC) remontant à 2008. A l’époque, outre un surdimensionnement de l’équipement, la CTC critiquait la durée du contrat de concession (50 ans) et la formule de rémunération qui prévoyait que 30 % des recettes proviendrait des ventes d’eau et le reste de l’abonnement annuel de ses clients. Ceux-ci sont la Calédonienne des eaux et la Société des eaux urbaines et rurales et non les abonnés du service de l’eau auxquels sont décomptés un surprix au m3 qui s’ajoute à leur facture d’eau. Dès 2005, la part de l’abonnement est portée de fait à 100 % de la rémunération. La CTC observait donc qu’au terme du contrat en 2048, la SADET aurait perçu 800 millions d’euros pour un coût initial de la construction à 66 millions d’euros dont un tiers avait été, de surcroit, payé par une subvention de l’Etat via la défiscalisation… La CTC préconisait alors de revoir les relations entre les fermiers et le concessionnaire. C’est ainsi que la Cour des comptes a voulu voir ce qu’il en était en 2012. Un avenant a été signé en 2009 qui réduit la part de l’abonnement et met fin à un système de prépaiement par les abonnés pour le compte de leur distributeur. Ces volumes d’eau étaient alors préachetés au tarif dérisoire de 1,7 centimes d’euros le m3. Cet avenant a permis aux usagers d’économiser quelque 3,5 millions d’euros de 2009 à 2011, soit 6 centimes d’euros par m3 d’eau consommé. Sur la durée du contrat, l’économie serait de 270 millions d’euros par rapport à l’ancien contrat. A partir de 2009, les ressources de la SADET proviennent désormais directement des achats d’eau des quatre communes lorsqu’elles décident de s’approvisionner à l’aqueduc. Le coût du m3 est fixé à 18,1 centimes d’euros en 2012. Ainsi les recettes passent de 59 000 € en 2008 à 645 000 € en 2011 et représentent désormais 11 % du chiffre d’affaires contre 1 % précédemment. Au final, le coût cumulé de l’aqueduc, de 2001 à 2048 passe de 800 millions d’euros à 528. Cette augmentation de la part variable de la rémunération du concessionnaire bénéficie au consommateur. « Pour autant, estime le rapport de la Cour des comptes, la part de risque du concessionnaire demeure à un niveau encore insuffisant. » La norme étant un ration de 30 %. Quant à son bénéfice, après impôt, il avoisine les 15 %. « Non négligeable », selon la Cour…
Société d’économie mixte
Celle-ci recommande soit une résiliation du contrat liant la SADET à l’intercommunalité (mais il y a un risque contentieux) et la cession à un partenaire extérieur (qui ne résoudrait pas le problème de l’insuffisante utilisation de l’aqueduc), soit un rachat partiel ou total de la SADET par le syndicat intercommunal des eaux. Cela « pourrait constituer une étape vers une gestion intercommunale de l’ensemble de la ressource en eau du Grand Nouméa », selon la Cour qui tempère pour que ce rachat ne « génère pas une charge supplémentaire pour le syndicat ». Les recommandations de la cour stipulent : « Trouver avec le concessionnaire une solution de remplacement sur des bases plus équilibrées ; s’appuyer sur le développement de l’intercommunalité pour le choix du nouveau mode d’exploitation. »
Si l’actuel et l’ancien président du syndicat des eaux du Grand Nouméa n’ont pas apporté de réponse au rapport de la Cour, le président de la SADET l’a fait. Il critique d’abord le mode de calcul entre le coût initial et les recettes du concessionnaire sur la durée du contrat : « Ca n’a pas de sens dans la mesure où les recettes doivent, au-delà de l’amortissement de l’investissement initial, couvrir les coûts de financement, les coûts d’exploitation et de renouvellement. » Sur les solutions proposées, la SADET indique qu’elle a proposé au syndicat d’entrer dans son capital, mais ce dernier n’a pas donné suite. Il a indiqué vouloir lancer « une étude complète examinant les différentes pistes évoquées par la cour des comptes ». C’est pourtant la solution privilégiée par la SADET qui souhaite que le syndicat acquière la majorité du capital et transformer ainsi la structure exploitante en société d’économie mixte.
FXG, à Paris
L’ouvrage
Long de 60 km, l’aqueduc alimente les quatre communes du Grand Nouméa. Selon le président de la SADET, il a été conçu comme « un ouvrage d’appoint », dimensionné sur le long terme. « Il couvre le risque d’une rupture du barrage de Dumbéa ou de son adduction de 10 km (…) Il a évité toute rupture d’alimentation en eau potable en période cyclonique (Erika, Vania) et en période de sécheresse pendant l’été 2005-2006.
Les chiffres de l’eau
La population du Grand Nouméa au cru de «38 % de 1196 à 2009, atteignant alors 167 000 habitants ; la demande en eau n’a progressé que de 10 %. La consommation totale d’eau en 2011 a été de 18.3 millions de m3.
La consommation d’eau par habitant du Grand Nouméa était de 440 litres par jour en 1990, de 300 en 2011. 150 dans l’Hexagone, 80 en Allemagne.
Le coût d’abonnement des fermiers au concessionnaire ressort à 0,3 € le m3. La part SADET dans la facture d’eau des clients du Grand Nouméa varie de 14.6 à 22.5 % pour 1 m3 à 2 €, selon les communes. Pour un abonné domestique consommant 240 m3 par an et rémunéré au salaire minimum, la part SADET représente 0.47 %, la facture totale d’eau et assainissement représente 2.9 %.
(sources : rapport de la Cour des comptes 2013)