La Route de l'esclave prône des réparations
L’UNESCO s’empare de la question des réparations liées à l ‘esclavage
A l’occasion des 20 ans de la Route de l’esclave, ses animateurs à l’UNESCO ont placé la question des réparations au coeur des actions à mener pour les dix prochaines années.
Il y a vingt ans à Ouidah au Bénin, l’UNESCO lançait la Route de l’esclave. Il s’agissait de “promouvoir une meilleure connaissance culturelle, historique et patrimoniale des personnes d’ascendance africaine”. Ce projet répondait à la charte de l’UNESCO qui stipule que “l’ignorance ou le voile qui couvre des événements historiques majeurs constitue un obstacle à la compréhension mutuelle entre les peuples”.
Hier, au palais de l’UNESCO à Paris, on célébrait cet anniversaire et on débattait pour “identifier des actions pertinentes” à mener pour les dix prochaines années. 2015 marquera le début de la “decennie internationale des personnes d’ascendance africaine”. Dans la salle de conférences et sur l’estrade, des spécialistes venus d’Afrique, des Amériques, de la Caraïbe, d’Europe… “L’histoire du droit et des traffics humains, l’histoire de la justice dans la construction de la légitimisation de l’esclavage”, sont les themes abordés par Nelly Schmidt, chercheur en histoire au CNRS, avant d’annoncer la nécessité de “faire un grand travail sur les reparations”. “La question des reparations, explique le vice-recteur de l’université à la Barbade, Hilary Beckles, permet d’empêcher que l’héritage de l’esclavage soit passé sous silence.” Et, le chercheur precise : “Il faut le connaître si l’on veut comprendre la creation des diasporas africaines, or il y a des resistances à la diffusion de nouveau savoir, il y a de l’indifférence par rapport à ces recherches.” Voilà entre autres ce qui motive des reparations du point de vue du college scientifique de la Route de l’esclave.
“Crime sans châtiment”
Doudou Diène, l’initiateur du projet il y a vingt ans, a mis le doigt sur “l’ambiguïté des commémorations, rituels répétitifs qui occultent les questions de fond”. Et la question est lourde puisque Jean-michel Devos, professeur honoraire à l’université de Nice et specialist du 18e siècle a écrit : “La traite et l’esclavage sont le plus grand crime de l’histoire de l’humanité par sa durée et son ampleur.” La loi Taubira en a fait un crime contre l’humanité. Doudou Diène souligne le paradoxe : “Un crime sans châtiment et non documenté.” Il veut donc redonner à ce crime sa substance, sa réalité. Voilà le défi lancé aux historiens. “Un silence idéologique a été construit pour marginaliser une page infamante et la racialisation a permis de construire la hiérarchisation pour légitimer l’esclavage”, poursuit-il avant d’opposer à l’invisibilité des victimes, la presence actuelle des afro-descendants. Et à la carte de la traite et de l’esclavage, il superpose une carte économique et ethnique révélatrice des séquelles sociales laissées sur la Route de l’esclave. Il faut donc ce qu’il appelle des reparations éthiques, historiques, éducatives et sociales.
“La question des réparations est transnationale.” Myriam Cottias, présidente du comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE) est intervenue pour annoncer qu’elle avait lancé une mission sur la question des reparations. Le CMNHE n’a pas attendu une saisine du ministère des Outre-mer ou de la Justice, il s’est autosaisi du sujet comme ses statuts l’y autorisent. Les premières auditions débuteront en novembre. Le CNMHE entend constituer une base de données des textes les plus importants sur la question des réparations. Le Commission consultative des droits de l’homme lui a emboîté le pas.
FXG, à Paris
Les Routes de l’esclave
En vingt ans, la Route de l’esclave s’est enrichie de très nombreux parcours, sites et monuments liés à l’histoire de la traite transatlantique, de l’esclavage et de leurs abolitions. En France, outre le memorial de Nantes, un parcours “Route de l’esclave” relie dans l’Est le fort de Joux, la Maison de la Négritude à Champagney, le musée de l'abbé Grégoire à Emberménil, la maison natale de Victor Schoelcher à Fessenheim et le couvent d’Anne-Marie Javouhey à Chamblanc. Michel Reinette, animateur du colloque a annoncé l’ouverture prochaine en Guadeloupe du Mémorial ACTe.