La soupe de maman à l'espace Reuilly le 22 avril
La soupe de maman ou le paradis perdu
Vif succès, l’autre samedi à la salle Rossini de la mairie du 9e arrondissement de la capitale. L’association Accolade du président Jacques Ambrosio donnait une présentation de la pièce de théâtre, La soupe de maman. Une histoire écrite par Claudine Louis et mise en scène par Dan Dantin. Burlesque et comique, mais bien de chez nous.
Les trois comédiens amateurs, Denis, Sidonie et Yéyète, ont joué à guichet fermé devant plus de 400 personnes (George Pau-Langevin, Janine Maurice-Bellay, Jean-Yves Sérèmes, Samiat Badat, Freddy Loyson, Vivianne et Serge Romana, René Silo...) Ils remettent ça le 22 avril, à 15 h 30, à l’espace Reuilly. Une alternative pour les abstentionnistes du 1er tour !
L’histoire. Denis un brin macho comme tout Antillais qui se respecte, Sidonie, sa femme, secrète et jalouse, et leurs sept enfants vivent au quinzième étage d’une cité dortoir de la région parisienne. Tous les deux ont quitté les Antilles à l’âge de 18 ans et ne sont plus retournés au pays depuis. Ils se sont rencontrés à Paris et vivent difficilement leur exil. Elle est femme au foyer, lui chauffeur-livreur. Pas de superflu, mais surendettement et nostalgie du pays. Il est impossible dans ces conditions d’envisager un voyage aux Antilles pour que les enfants voient leurs grands-parents et découvrent le pays tant rêvé. Un soir, au cours du dîner, Sidonie reprend sa litanie nostalgique : « Denis, alors on n’ira jamais au pays ? » Ils évoquent le prix du billet d’avion pour neuf personnes. Et voilà que Denis lance à sa femme l’idée d’un appel au boycott lancé à la communauté : « Aucun originaire des DOM ne prend l’avion ! » Les quatre cents spectateurs de la salle sont en liesse. Et en chœur, ils crient : « difé si yo ! » Voilà que la cousine Yeyète, fonctionnaire, toujours pimpante, débarque chez eux sans être invitée et leur raconte ses vacances au pays. Nostalgie, tristesse, commérages et jalousie…
La soupe de maman, la pièce de Claudine Louis, n’avait pas eu l’aval du président Jacques Ambosio, il y a 7 ans, pour être jouée devant un public antillais. « Il fallait de la maturité. La maturité des acteurs et la nôtre. L’humour nous permet de dire les choses en face, sans être discriminés. » Le metteur en scène, Dan Dantin a tout fait pour respecter l’esprit du texte : « Nous avons besoin d’être conscients de cette réalité-là et l’aspect comique de cette pièce s’impose. On a préféré rire de certaines choses plutôt que de sombrer et ça nous a permis d’avancer », explique-t-il. Le spectacle est incroyablement réjouissant, rigolo, avec son lot de surprises malgré le coté socialement dramatique de la situation. C’est une tendance, après les 42 jours de représentations de Moun France, l’humour antillais fait recette. C’est nécessaire pour faire rire et c’est non discriminant !
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
Ils ont dit :
Guy Compper-Chateaubon, dit Denis : « Je suis fatigué, épuisé mais bien. Je me suis bien adapté au personnage et le public nous permet de dégager quelque chose d’autre. J’espère que le message est compris par nos spectateurs du soir. »
Claudine Louis, dite Sidonie : « La soupe de maman est un clin d’œil à toute les mamans qui cuisinent si bien la bonne soupe. C’est un passage à table qui nous permet de soulever pas mal de problèmes de notre vie. Cette pièce, je l’ai écrite il y a sept ans et le président ne voulait pas qu’on la joue, sans savoir pourquoi. Finalement, l’année dernière il m’a dit banco. C’est un succès. Moi j’ai fait un mix, un peu de là-bas, un peu d’ici. Je suis dans l’actualité. »
Ena Lesuperbe, dite Yeyète : « Le résultat sur scène parait simple. Mais, c’est énormément de travail, plusieurs semaines. Ce soir, j’ai donné mon potentiel. »
Trois questions à Jacques Ambrosio, président d’Accolade
« Il y a que nous qui pouvons nous rire de nous »
Que signifie le nom Accolade ?
Accolade, c’est un geste d’amitié. C’est un geste très symbolique. Nous sommes dans la fraternité et en tout amitié avec les amis qui sont venus nombreux pour ce spectacle. Cette année, nous sommes victimes de notre succès. Nous avons refusé du monde.
Il y a sept ans que cette pièce a vu le jour. Pourquoi étiez-vous si frileux en allant jusqu’à refuser toute représentation ?
Il y a que nous qui pouvons nous rire de nous. Si ca vient d’un autre, on va le traiter de raciste. Comme on se connait, le moment est venu pour qu’on se dise les choses en face, de nous dire nos quatre vérités. Je pense que l’ensemble des personnes qui se sont déplacées ont été touchées par ce message. Je crois qu’il y a un travail à faire pour une meilleure considération de nous-mêmes.
Quel est votre regard sur la communauté ?
Nous avançons petit à petit mais la tâche est si grande, il y a tellement de chose à faire. Par exemple, mieux nous organiser économiquement (ce qui nous fait réellement défaut) et politiquement. Heureusement que le tissus associatif existe pour pallier à un certain nombre de choses, adoucir les mœurs et pallier à quelques manques qui nous permettent de vivre. Dans la communauté, nous avons nos valeurs et nos propres revendications. En tant que président d’association, je suis proche des gens, je suis un homme de terrain.
Propos recueillis par Alfred Jocksan