Le 23 mai du CM98
Serge Romana, président du Comité marche du 23 mai 1998 (CM98)
« Sortir de la honte et de la désaffiliation »
Pour la deuxième année, le 23 mai est une date reconnue par la République…
Pour la République… Parce que pour nous, c’est la 12e année. Mais depuis 2008, le Premier-ministre a reconnu officiellement cette journée dédiée à la mémoire spécifique des victimes de l’esclavage. Ce 23 mai doit être pour nous, descendants d’esclaves, un temps de visibilité maximale du monde antillais. Le centre de la ville de Saint-Denis (93) accueille donc un véritable forum. Il s’agit d’avoir une visibilité autour de la mémoire de nos parents, c’est-à-dire ce qui fait notre identité, une visibilité sur ce que nos parents nous ont laissés (musique traditionnelle et tanbou), une visibilité de l’histoire avec un temps d’apprentissage autour de deux conférences et de la présentation de la première publication du CM98, Le livre des noms qui rassemble 30 000 patronymes donnés aux esclaves affranchis en 1848.
L'action du CM98 est-elle un travail de résilience sur l’esclavage ?
C’est à peu près ça… C’est pour sortir de la honte et de la désaffiliation car l’une des conséquences majeures de l’esclavage, c’est la rupture avec les aïeux. Nous voulons faire comprendre aux Antillais, Guyanais, Réunionnais descendants d’esclaves qu’ils sont des enfants de survivants. Ils n’ont pas à en avoir honte ! Il doivent être fiers de ces gens qui ont survécu et transmis la vie. Il s’agit d’arriver à faire en sorte que notre groupe humain puisse avoir une identité dont il est fier et qu’il puisse avoir la capacité de s’organiser en réseau et de se projeter au niveau économique et politique. Notre travail est de recoudre les liens entre notre génération et les précédentes et avoir une chose qui nous unisse tous, la mémoire de nos parents.
Quels sont les temps forts ?
Il y a d’abord l’hommage républicain aux esclaves qui se fait au monument de la déportation et de la résistance de Saint-Denis, puis lanmekannfeneg, la célébration œcuménique dans la basilique et nécropole des rois de France avec les adventistes, les évangéliques et l’aumônerie Antilles-Guyane. Ce n’est pas une messe ou un culte, c’est une construction du CM98 avec l’ensemble de ces obédiences religieuses sur l’histoire des esclaves et les conséquences de cette histoire sur les descendants d’esclaves. Il y a ensuite une fête de la fraternité car nous voulons adresser à la Nation notre message, c’est-à-dire que l’esclavage a donné naissance à une monstruosité, le racisme et la vision raciale des choses est une catastrophe pour le vivre ensemble dans notre pays. Des haratines (esclaves mauritaniens), Greg Germain, D de Kabal, Krys, Euzhan Palcy, Jocelyne Bérouard, Nathalie Coualy viennent témoigner de ce message. Par ailleurs, Gad Weill qui organise Nature capitale, la mise en culture des Champs Elysées, nous a invité à venir dans les champs de cannes, l’or blanc, pour expliquer cette histoire et ce 23 mai. Nous en faisons une opération de communication pour susciter de l’intérêt sur ce que l’on fait, nous, descendants d’esclaves.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)