Le Crédit Martiniquais dans le Nouvel Obs
Le Nouvel Obs fait son enquête sur « la banque des békés »
Dans son édition datée du 17 au 24 janvier, l’hebdomadaire Le Nouvel Obs publie sur cinq pages une enquête consacrée au procès de la faillite du Crédit Martiniquais qui s’est joué en novembre à Fort-de-France. L’auteur, Marie-France Etchegoin, a l’idée de reprendre les grands moments de cette aventure juridico-bancaire pour raconter, à travers cette institution financière, les grandes pages de l’histoire des békés. Le Crédit Martiniquais, né en 1922, héritier du crédit foncier colonial que les anciens esclavagistes auraient monté avec l’argent du dédommagement de l’abolition…
On pouvait craindre, comme dans le film de Romain Bolzinger, Les derniers maîtres de la Martinique (Tac productions), une tendance à forcer le trait, à ne chercher que ce qu’on veut bien trouver… L’écueil est évité et l’article en dit bien plus long sur la Martinique que ce qu’il ne pourrait exciter de fantasmes autour du béké et de son arrogance supposée de paysan mâtiné d’aristocrate. Pour autant, rien n’est tu de la réalité que représentent ces descendants de colon. Aucun des « grands békés » n’échappe à son investigation jusqu’à Bernard Hayot qui lui refusant une interview, comme d’habitude, lui lâche : « « Je préfère ne pas vous répondre. De toute façon, vous écrirez du mal de moi… »L’affaire du Crédit martiniquais est scandaleuse et elle s’achève en eau de boudin, avec une réquisition de relaxe contre l’un des principaux prévenus, Charles Rimbaud. Elle dresse de ce « moyen béké » un portrait truculent de simple producteur de banane… Les Antillais n’apprendront pas beaucoup en lisant cet article qu’ils ne savent déjà ou que leur apprendra Garsin Malsa, Roger de Jaham ou le Dr Sobeski.
La vraie surprise ne vient pas là où on l’attend. Elle vient des confidences que le ministre des Outre-mer fait à la journaliste quand il lui dit être le premier à tenter une « révolution » depuis « l’abolition de l’esclavage » avec sa loi vie chère : « Peu importe, écrit Marie-France Etchegoin, la grogne des « lobbies ». Ou les promesses d’Eric de Lucy, le bras droit de Bernard Hayot, qui a fait le siège de son bureau en lui expliquant : « Pas besoin d’une loi, on peuts’arranger nous-mêmes, à l’amiable, pour faire baisser les prix de 15%. » Peu importe, jure encore Lurel, les menaces voilées (« attention de ne pas terminer comme Jégo… »), le chantage à l’emploi ou les « textos types » envoyés par certains entrepreneurs des Antilles pour expliquer les dangers du nouveau dispositif. « Sans doute, cela ne fait-il que commencer, confie l’ex-président du conseil régional de la Guadeloupe. Je ne connais pas encore ma douleur. Je m’attaque à des gens qui remportent toutes les victoires depuis des siècles… »
Au-delà des hommes, la Martinique (comme la Guadeloupe) n’est pas simplement prisonnière de la puissance béké, mais d’un système économique, héritier du XVIIIe siècle, comme l’esclavage, celui de l’économie de comptoir où même les Noirs, fussent-ils mulâtres, ont aussi prospéré. Même si les affaires du Crédit Martiniquais ont bien profité aux békés. La preuve, c’est que le fonds de garantie bancaire négocie avec les anciens actionnaires, devant le tribunal de grande instance de Paris, le remboursement des frais engagés il y a quelque 10 ans pour éviter la faillite de la banque des békés.
FXG, à Paris