Le président du Sénat aux Antilles
Interview Gérard Larcher, président du Sénat
« Mon rôle est d’être un assembleur »
Du 18 au 23 juillet, vous effectuez un déplacement en Martinique, Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin*. Dans quel contexte faîtes-vous ces visites ?
Je visite l’ensemble des départements français et la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, porteront le nombre de mes visites dans des collectivités locales à 61… J’étais en Guyane le mois dernier et le choix de venir aux Antilles, notamment après le vote qui a eu lieu en Martinique, s’inscrit pour moi à la suite de la mission outre-mer du Sénat et la mise en place – procédure exceptionnelle au Sénat - du comité de suivi de cette mission. Ce déplacement me permet de faire le point avec les élus sur les préconisations de notre mission outre-mer.
Vous attachez beaucoup d’importance à ce comité de suivi…
C’est une première au Sénat car, jusqu’alors, quand on faisait une mission au Sénat, on transmettait nos avis au gouvernement ou on en faisait une proposition de loi. Là, on a décidé d’un comité de suivi avec des membres de la mission et comme président le sénateur de la Martinique, Serge Larcher. J’ai toujours eu le sentiment qu’hormis les moments de spécificité de débat portant sur les statuts, hormis les crises sociales ou économiques, hormis le débat budgétaire annuel, on n’avait pas de suivi permanent de l’outre-mer. Or, l’outre-mer est une particularité et une richesse françaises et pourtant elle n’est pas assez présente. L’élément fort de la mission est d’avoir su faire partager cette problématique aux Sénateurs de métropole, parmi lesquels les présidents de tous les groupes politiques.
La mission avait proposé de revenir sur la sur-rémunération des fonctionnaires…
Je n’ai pas de sentiment particulier là-dessus ; la mission y travaille. C’est un sujet qui, naturellement, est difficile, délicat, avec des conséquences sur l’économie des territoires, mais aussi pour les hommes et les femmes, donc c’est un sujet qui mérite d’être approfondi. Mais ce n’est pas au cœur de ma visite. Je viens les écouter, je ne suis pas venu « vendre un truc ».
Plus globalement, quelle est la posture du Sénat vis-à-vis de l’outre-mer ?
C’est une posture extrêmement attentive. Ce n’est pas par hasard que j’ai veillé à ce que deux des membres du Bureau du Sénat – son conseil d’administration – soient des Sénateurs d’outre-mer. Ce n’est pas par hasard qu’on a mis en place cette mission sur l’outre-mer. Et, c’est peut-être immodeste de le dire, mais c’est une initiative qui me revient.
Vous arrivez en Martinique au moment où il est question de la loi organique portant sur la nouvelle collectivité unique et dont la discussion va s’ouvrir dans votre institution… Comment le Sénat va-t-il se positionner ?
Notre devoir est de respecter l’expression des populations. Qu’ont-elles montré à travers ces consultations ? Un fort attachement à la République et en même temps, la volonté, à terme, de constituer une assemblée unique. Il faut donc préparer les conditions de cette assemblée. Ce ne sera pas nécessairement la même réponse qu’en Guyane. C’est une responsabilité du gouvernement mais c’est la proposition de la commission des lois du Sénat qui sera discutée. Le comité de suivi ne peut pas être uniquement en attente, mais proactif sur ce sujet. A moi aussi d’aller voir les différents acteurs.
Quel calendrier parlementaire peut-on envisager ?
Je crois qu’il faut se donner un peu de temps. Là, j’ai une position un peu différente de ce que j’ai parfois entendu dans l’Exécutif parce qu’il faut une large préparation des conditions et prendre le temps nécessaire. Quelle territorialité ? Quel nombre d’élus ? Comment sont-ils élus ? Tous ces sujets, je les ai abordés en Guyane et nous les ré-aborderons en Martinique et je ne suis pas sûr qu’il faille un texte qui s’applique uniformément à tous. Quand vous êtes le maire de Saül en Guyane, ou maire d’Ajoupa-Bouillon en Martinique, la réalité n’est pas la même… La densité de population n’est pas la même ; les enjeux territoriaux ne sont pas les mêmes. Il faut savoir respecter la diversité des outre-mer. Chaque département doit avoir une réflexion spécifique et c’est comme ça qu’on respectera la volonté de la population.
Quand la loi organique sera-t-elle examinée au Sénat ?
La ministre parlait de 2011… Une chose est sûre c’est qu’on ne peut pas dépasser 2014. Je n’ai pas d’agenda en tête, mais je n’aurai une préconisation générale qu’après avoir fait le tour des quatre collectivités. Mon rôle est d’être un assembleur, d’écouter les élus… En Guyane ils se sont réunis et je les ai écoutés en Congrès. Ils ont besoin de temps… Cela va se faire aussi, de manière un peu différente, en Martinique. J’ai envie aussi d’écouter les élus de la Guadeloupe même si le choix qui y a été fait n’est pas le même. J’irai aussi à la Réunion où la vision est encore différente.
Comment comprenez-vous les choix réunionnais et guadeloupéens ?
Les Réunionnais voyaient dans le 73-74 une formule détachable de la République. Ce qui n’est pas vrai de 73, mais qui l’est peut-être un peu plus de 74 et encore… (Même plus depuis la réforme constitutionnelle de 2003). Je ne sens pas à la Réunion le même état de réflexion mais je ne vais pas conclure avant de les avoir rencontrés.
Et en Guadeloupe, que se profile-t-il ? Est-ce que, quelque soit le choix fait, il y aura nécessairement une consultation ?
Dans la pratique, ça suppose que le Congrès l’ait demandée. Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. Constitutionnellement, s’il n’y a pas de consultation de la population, il ne peut y avoir de changement institutionnel.
Si la Guadeloupe ne demande pas de changement, la reforme territoriale nationale s’appliquera-t-elle à elle ?
Bien sûr ! La réforme des collectivités territoriales qui aura connu sa deuxième lecture au Sénat, au moment où je serai en route pour les Antilles, repartira ensuite à l’Assemblée nationale. Pour le conseiller territorial, ça ne concernera pas la Martinique ni la Guyane mais ça pourrait concerner la Guadeloupe ou la Réunion. S’appliqueront la réforme de l’intercommunalité, l’achèvement de la carte intercommunale, le mode de désignation des conseillers communautaires... On va faire le bilan de l’intercommunalité, c’est l’autre sujet que j’aborderai avec les collègues.
Votre agenda prévoit systématiquement des rencontres avec le monde économique…
Dans l’outre-mer, le volet économique est évidemment important, pour les populations, pour la création de la richesse et pour le rayonnement de la France au travers de ses économies ultra-marines. Quand j’étais président de la commission de l’économie, mon dernier rapport avant de devenir président du Sénat a été la loi de modernisation de l’économie et j’ai donné une place importante à tout le volet outre-mer. Donc, j’ai envie de voir ses conséquences concrètes, d’analyser la compétitivité de l’outre-mer, son positionnement économique régional.
Que pensez-vous de l’offensive des pays andins contre les fruits tropicaux français, à commencer par la banane ?
Ca doit être la 72e offensive ! Chaque fois, on me dit que c’est plus grave, mais on arrive à résister… La question qui se pose est : comment les accords qui sont pris dans le cadre du Mercosur ou des ACP, qui ont des conséquences outre-mer mais qui sont vus en France au travers du prisme bruxellois, peuvent être pris sans consultation réelle ? C’est tout cela que j’ai envie de toucher du doigt. On est sur un certain nombre de sujets de subsidiarité et dans le même temps, on réforme la PAC. J’ai mis en place au Sénat un groupe de réforme de la PAC, notamment avec l’Allemagne parce que j’en ai assez que nous ne vivions qu’en défensive. Ce qui est vrai pour le lait est vrai pour les fruits tropicaux.
Vous allez rendre un hommage à Aimé Césaire, puisque vous irez vous recueillir dans son bureau de l’ancienne mairie. Avez-vous connu l’homme Césaire ?
Quand j’étais président des hôpitaux publics, nous tenions l’assemblée de l’union hospitalière des Antilles-Guyane. Aimé Césaire était toujours le président du conseil d’administration du CHU de Fort-de-France. Je suis venu le rencontrer pour qu’il me parle de l’avenir du CHU et nous avons passé un certain temps ensemble à parler de l’hôpital, mais aussi de sa vision sur la société. J’ai passé un moment qui reste parmi un des très grands moments de mon existence. J’ai tout juste soixante ans et même s’il n’a pas partagé les chemins du gaullisme social qui étaient les miens, j’ai vis-à-vis de cet homme, comme de Senghor, une forme de respect extrêmement fort.
Vous vous êtes aussi intéressé à la personnalité de Schoelcher ?
J’ai présidé le comité Schoelcher du Sénat en 1997-1998 et je me suis passionné sur ce sujet. J’ai essayé de comprendre ce qui se passait et les différences de vues entre les uns et les autres… Et j’ai organisé le premier festival du film d’outre-mer au Sénat à l’époque. Parce que, sans parler de quota, je trouve qu’on n’a pas toujours très bien traité la France d’outre-mer dans certains d’organismes culturels, ce qui m’a amené d’ailleurs à nommer quelqu’un d’outre-mer au CSA : Christine Kelly.
A Saint-Barth et Saint-Martin, vous allez rencontrer deux nouvelles COM dont l’une prospère dans l’article 74 et l’autre vit plus difficilement son autonomie…
Ils ont fait un choix que je respecte. Je viens voir, trois ans après, comment ça fonctionne. Ce sont de véritables laboratoires institutionnels qu’il est intéressant d’observer à l’heure de la réforme des collectivités locales.
Vous connaissez déjà ces îles ?
A Saint-Martin, comme président des hôpitaux de France, je me suis intéressé à l’hôpital ; je l’ai un peu mis sur des rails !
Ils auraient donc du l’appeler hôpital Gérard-Larcher plutôt qu’Hôpital Louis-Constant Fleming…
A l’époque, je n’ai fait que mon boulot comme dans des dizaines d’hôpitaux en France. Mais celui-là… Souvenez-vous dans quelles conditions il était installé avant d’être transféré…
Propos recueillis par FXG (Agence de presse GHM)
Le programme du président du Sénat
Martinique
Accompagné de son conseiller outre-mer, Dominique Vian, et du sénateur Serge Larcher, Gérard Larcher arrive le 18 juillet vers 16 heures à Fort-de-France. Il se rendra aussitôt à la fête patronale des Anses d’Arlet où il rencontrera les représentants des marins pêcheurs et le président de la commission agriculture et pêche du conseil général, Charles-André Manset, et Maurice Antiste, de la commission pêche au conseil régional. Gérard Larcher sera ensuite l’hôte d’Ange Mancini à la résidence préfectorale pour un dîner républicain. Le 19 juillet, le président rencontrera le maire de Fort-de-France, Raymond Saint-Louis Augustin avant de visiter le bureau d’Aimé Césaire dans l’ancienne mairie. Ensuite, de 12 à 15 heures, ce sera une rencontre les élus dans la salle des congrès de l’hôtel de la Batelière. Sont prévus une intervention du maire de Schoelcher, Luc Clemente, du président de l’association des maires, Raymond Occolier, des sénateurs Larcher et Lise et du président du conseil régional Serge Létchimy. En fin d’après-midi, Serge Larcher rencontrera le monde économique à la CCI et le soir, ce sera un dîner informel à l’hôtel L’Impératrice avec les représentants du CMT et des professionnels de l’hôtellerie et du tourisme. Le 20 juillet, avant de se rendre en Guadeloupe, Gérard Larcher rencontrera le monde agricole, sans doute dans une exploitation dédiée à la diversification.
Guadeloupe
Le président du Sénat arrive en Guadeloupe le 20 juillet. Il sera accueilli à Basse-Terre par Victorin Lurel et Jacques Gillot. Le soir, il sera l’hôte du préfet à la résidence de Saint-Claude. Le lendemain, Gérard Larcher se rendra à la chambre de métiers avant de rejoindre la zone pointoise où il est prévu une visite à la CCI et une rencontre avec des entrepreneurs. Il y aura ensuite une grande réunion autour du président du Sénat avec la plupart des élus. La délégation sénatoriale sera hébergée à la Vieille Tour. Le lendemain matin, Gérard Larcher sera à Saint-Barthélemy où il visitera la réserve naturelle marine, la station d’épuration de Public et l’hôtel de la collectivité à Gustavia. L’après-midi, ce sera Saint-Martin où il sera accueilli par le président Gumbs Le président du Sénat se fera présenter le programme de développement du front de mer, des logements sociaux avec la SEMSAMAR avant de finir par une visite à l’hôpital Louis-Constant Fleming.