Le prix des carburants baisse dans les DOM
Carburants
Lurel annonce des baisses de 3 à 8 centimes dans les DOM
La préparation des arrêtés de méthodes puis des arrêtés préfectoraux a été plus longue que prévue. Ils ne sortent que ce samedi. Comment expliquez-vous ce retard ?
La date du 1er janvier pour la publication des décrets a été tenue et les arrêtés interministériels ont bien été signés un mois après, conformément au calendrier annoncé. Certes, cela a été fait le mercredi 5 février et non le lundi 3 comme cela était initialement prévu. Mais la réforme a été bouclée dans les délais. Un décalage de 48 heures n’est pas un retard à ce stade. Je trouve même que nous sommes allés assez vite par rapport aux rumeurs de report qu’entretenaient ceux qui voulaient enterrer la réforme.
Quels vont être les effets concrets de la réforme ?
La réforme entraîne à court terme une baisse des prix, variable selon les carburants et les départements. En comparant les prix calculés avant et après réforme en février, la baisse au litre est de 8 centimes à Mayotte sur les deux carburants, de 3,8 cts sur le gazole et 3,4 centimes sur le super en Guadeloupe, et 3 centimes en Martinique et en Guyane. La réforme ne s’appliquera qu’en mai à la Réunion à cause du délai accordé à la SRPP pour faire la séparation comptable du monopole. Je ne peux pas confirmer les chiffres qui circulent ça et là, mais il y aura bien une baisse même si elle sera nécessairement plus limitée, car le monopole y joue un moins grand rôle que la SARA aux Antilles et des efforts de transparence y avaient déjà été enregistrés dans le passé.
Cela est-il satisfaisant par rapport à vos ambitions initiales ?
Ce qui est significatif, c’est que le différentiel permanent entre les prix hors taxes des carburants en France hexagonale et dans les DOM avait tendance à se creuser ces dernières années pour atteindre 30%. Nous le réduisons pour arriver a une baisse a la pompe de 5 centimes sur le gazole en Guadeloupe et en Guyane, et de 3 centimes en Martinique. A Mayotte, la baisse à la pompe est de 5 centimes pour le gazole et 6 centimes pour le sans plomb, car le gel des prix décidé en 2013 avait préempté une partie de la baisse structurelle de 8 centimes. Au total, nous allons rendre cette année 23 millions d’euros aux consommateurs des Antilles et de Guyane et 4 millions à ceux de Mayotte.
Ces économies n’étaient-elles pas possible avec le précédent décret ?
Ces 27 millions auraient pu être économisés dès 2011 si la réglementation issue des décrets Penchard avait été plus sévère et les marges plus transparentes. C’est la première fois que le secteur pétrolier verra ses profits baisser après un contrôle de ses coûts et de ses marges. En 2010, l’Etat avait fait un chèque d’environ 100 millions d’euros aux pétroliers pour indemniser leur perte de bénéfices après les mouvements sociaux de 2009, aujourd’hui, ce sont les pétroliers qui, en quelque sorte, font un chèque de 27 millions d’euros aux consommateurs.
Lorsqu’on répartit ces millions sur des centaines de milliers d’automobilistes, on a un gain de 60 € ou tout au plus 70 € par an pour les gros consommateurs. Est-ce suffisant ?
Les sombres prédictions entendues au sortir des réunions de concertation avec les acteurs de la profession et tout au long des grèves déclenchées dans les territoires affirmaient non seulement que la réforme ne devait pas faire baisser les prix, qu’elle devait même les augmenter ! Aujourd’hui, il est démontré que les baisses sont bien là et qu’elles sont même massives à Mayotte, comme je l’avais annoncé. Pour ceux qui font deux pleins de gazole par semaine, on sera plutôt à 100 € en Guadeloupe. Mais même en prenant vos chiffres, faire la fine bouche sur 60 € est une réaction de nanti. Lorsque les syndicats de salariés demandent un coup de pouce de 0,5% pour le SMIC, on parle de 60€ ou 70€ par an, l’équivalent d’un ou deux mois d’abonnement téléphonique ou d’un mois d’électricité. Je suis sûr que les gens modestes apprécieront cet effort de lutte contre la vie chère, tout comme les petits artisans dont le véhicule est un outil de travail qui pèse lourd dans leurs charges.
Peut-on espérer un effet à plus long terme ?
La réforme aura aussi un effet à moyen et long terme. La population sait désormais qu’on peut mieux réguler et elle n’acceptera pas de retour en arrière sur la transparence du secteur pétrolier. Depuis le début, mon principal objectif est que la population puisse avoir confiance dans le calcul des prix. Pour cela il faut qu’elle sache que l’Etat protège l’intérêt général. Certes les prix pourront fluctuer, à la hausse comme à la baisse, en fonction des cours du brut et de la parité du dollar, mais les marges resteront stables et bien surveillées.
Vous avez maintenu les accords interprofessionnels pétroliers alors que vous prétendez que c’est une source d’abus ?
Les AIP ont été supprimés en Guadeloupe en août 2013 et il n’y en a jamais eu à la Réunion. Les arrêtés de méthodes prévoient une mesure transitoire pour la Martinique et la Guyane, pour laisser aller à leur terme des accords antérieurs à la réforme et en cours d’application. C’est un choix politique de ne pas remettre en cause des dispositifs acceptés par les précédents gouvernements, aussi critiquables soient-ils. Si les arrêtés n’empêchent pas la conclusion d’accords de fin de gérance, ceux-ci seront soumis aux observatoires des prix, des revenus et des marges et à l’agrément des préfets. Cela signifie, en clair, que les accords « tropicalisés », pour reprendre le mot d’un responsable syndical, ont vécus.
Comment avez-vous vécu l’opposition violente du secteur pétrolier à cette réforme ? Avez-vous mis votre démission sur la table, comme certains le disent ?
Je ne suis jamais dans le registre du chantage mais dans celui de la responsabilité et du respect des engagements pris. L’idée de reculer sur ce dossier ne m’a jamais traversé l’esprit, même si je dois dire que j’ai été surpris par la détermination, l’agressivité, des groupes de pression. J’ai été également étonné par l’union sacrée de la profession pour défendre les intérêts financiers des pétroliers. Je suis persuadé que sans cette agitation bien organisée on aurait fait encore mieux. Mais la défense du consommateur n’est pas le souci principal de cette profession. La baisse de plusieurs centimes qui a été obtenue - et 8 centimes à Mayotte ce n’est pas rien ! - a été une rude bataille qui a été gagnée grâce au soutien des parlementaires ultramarins, de l’opinion publique qui s’est exprimée comme rarement auparavant, et du Premier ministre. Jean-Marc Ayrault a tout de suite compris l’enjeu politique de ce dossier. La lutte contre la vie chère touche nécessairement à des intérêts économiques anciens et bien établis en outre-mer. Les remettre en cause est un combat qui se gagnera sur la durée et il faut savoir engranger chaque progrès quand il se présente, car chaque progrès est difficile à obtenir.
Propos recueillis par FXG, à Paris