Les 40 % dans la ligne de mire de la Cour des comptes
La Cour des comptes contre les surrémunérations des fonctionnaires
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes s'attaque au dossier des surrémunérations des fonctionnaires en outre-mer. Les magistrats financiers estiment "le dispositif des compléments financiers à bout de souffle (...) reposant sur des justifications devenues confuses, pesant lourdement sur le budget de l’État et des collectivités territoriales". La Cour des comptes pose clairement la question de sa pertinence et de son efficacité. La Cour aligne d'abord des chiffres : "Environ 91 000 fonctionnaires civils de l’État, soit 4,2 % de l’effectif total, sont concernés par ce régime particulier, dont près des deux tiers relèvent de l’Éducation nationale. Pour les seuls fonctionnaires civils, la charge budgétaire de ces surrémunérations s’élevait à 1,18 milliards € en 2012." En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, la surrémunération est de 40 % du traitement brut de base pendant la durée du séjour outre-mer. S’agissant de La Réunion, la majoration totale du traitement brut de base d’un fonctionnaire est de 53,63 %. A Mayotte, devenue DOM le 31 mars 2011, deux décrets du 28 octobre 2013 ont institué une majoration de 40 % du traitement indiciaire de base.
Les surrémunérations ont été élargies au fil du temps aux agents de la fonction publique territoriale par décisions des assemblées locales. Le nombre des agents concernés était de plus de 75 000 pour les seuls DOM en 2011.
Pour mieux porter l'estocade, la Cour des comptes évalue le différentiel du coût de la vie entre les DOM et l'Hexagone à des niveaux bien inférieurs à ces 40 %. Ainsi, la Cour estime les écarts de prix en 2010 à 16,9 % à la Martinique, 14,8 % en Guadeloupe, 19,6 % en Guyane et 12,4 % à La Réunion.
Dans un but de rationalisation et d'économie, la Cour des comptes préconise de réduire les majorations de traitement à ce niveau du différentiel de coût de la vie, de créer une prime unique couvrant les frais d’installation spécifiques de l’agent, de fusionner l’indemnité de sujétion géographique et l’indemnité d’éloignement dans un dispositif unique qui serait réservé aux affectations dans des résidences administratives relevant de zones géographiques susceptibles d’être moins attractives (communes isolées de Guyane ou Saint-Martin). Dans la logique de l’indemnité de sujétion géographique, ce dispositif devrait être modulable et révisé régulièrement en fonction de l’offre et de la demande d’emplois, afin de répondre au mieux à l’enjeu de l’attractivité.
Que les fonctionnaires en poste outre-mer se rassurent, rarement un avis de la Cour des comptes a été suivi d'effet et les élus sont tous ou presque d'avis de ne pas toucher à ce système.
FXG, à Paris
Ils ont dit
Victorin Lurel, député PS de la Guadeloupe : "Comme l'a dit François Hollande lors de la campagne de 2012, il y a beaucoup de sujets dans les Outre-mer et on peut faire l'économie d'un débat sur la surrémunération. Cette vision comptable qui refuse de voir la dynamique économique offerte par cette surrémunération, notamment en termes de consommation et de production, est une vision étriquée."
Serge Larcher, sénateur apparenté socialiste de la Martinique : "La Cour des comptes est coutumière pour épingler les Outre-mer. Ca a toujours été le cas notamment avec la défiscalisation. Tous les deux ans, la Cour revient sur la surrémunération des fonctionnaires ! Si on veut parler de cela, il faut tout mettre à plat. Il est manifeste, et les événements de 2009 l'ont prouvé, qu'il y a un différentiel sur le coût de la vie entre la métropole et les territoires. Il y a un héritage du passé qui plombe l'outre-mer et par conséquent, il faut en parler aussi ! Si on veut arriver à l'égalité dont on parle beaucoup, il faudra en tenir compte dans un tel débat."
Gabriel Serville, député PSG de la Guyane : "C'est peut-être un outil qui date, mais c'est un outil qui est juste et qui, aujourd'hui contribue à la richesse de richesses en outre-mer parce que ces 40 % sont très souvent réinjectés dans le circuit économique de nos territoires donc ce n'est pas de l'argent gaspillé. D'un point de vue métropolitain, on trouve peut-être cela surfait, mais c'est vraiment un apport qui contribue au développement économique de nos régions à travers le commerce, la construction... C'est vrai qu'il y a un certain nombre de fonctionnaires dont les comptes ne résident pas en outre-mer et cet argent-là part directement en métropole, mais pour la majorité de ceux qui perçoivent cette surrémunération, on peut considérer que c'est un apport positif pour nos économies."
Paul Vergès, sénateur communiste de la Réunion : " Actuellement la surrémunération des seuls fonctionnaires d'Etat à la Réunion représente plus de 600 millions par an. C'est l'addition de tous les crédits d'investissement de l'Etat et de l'Europe pour la Réunion. Dans les banques et les assurances, vous avez 30 % de plus en plus que les traitements en France, pour EDF, c'est 25 % , pour la sécurité sociale, c'est 42,5 % de plus, pour Réunion 1ère, c'est 73 %. Ce système fait s'écrouler l'agriculture et l'industrie... Et les conséquences sociales sont que vous avez 30 % de chômeurs et 50 % de la population au-dessous du seuil de pauvreté... Pour autant, on ne peut pas pénaliser et stigmatiser les fonctionnaires. Par respect de l'unité de la fonction publique, on peut transformer cette surrémunération en épargne. On transformerait ainsi 600 millions de surrémunération pour la consommation en 600 millions pour l'investissement."
Propos recueillis par FXG.