Les dissidents au Chateau
Les dissidents à l’Elysée
La derniere fois qu’ils sont passés du côté de l’Elysée, ce devait être le 11 novembre 1945 quand le bataillon des Antillais a défilé avec la division française libre sur les Champs-Elysées. Depuis… Black out ! Mais, c’était compter sans Euzhan Palcy qui a remué ciel et terre pour restituer aux Martiniquais, Guadeloupéens et Guyanais ce pan de leur histoire, qui a contribué à la victoire contre le nazisme en 1945. Apres la sortie de son film Parcours de dissidents, en 2005, il a fallu attendre 2009 pour que le président de la République, en Martinique, rende hommage aux dissidents et en décore un certain nombre de la légion d’honneur. Un quinquennat plus tard, c’est François Hollande qui profite des cérémonies du 70e anniversaire de la Libération pour inviter six dissidents à Ouistreham, en Normandie le 6 juin prochain. Outre le chef de l’Etat, il y aura la reine d’Angleterre, Barack Obama et Vladimir Poutine.
Six dissidents ont fait le voyage, escortés par des formateurs du SMA. Ils sont Jeanne Catayée-Duton, 93 ans, la sœur de Justin, fondateur du parti socialiste guyanais, Salinière Ségor, 94 ans, et Léopold Léon, 89 ans, de la Guadeloupe, Rémy Oliny, 92 ans, Alexandre Lepasteur, 92 ans, et Eugène Jean-Baptiste, 90 ans, de la Martinique.
Leur programme a débuté ce dimanche par une réception a l’Elyéee. « La dissidence est un fait que la République reconnaît, a déclaré le chef de l’Etat, elle est un hymne au courage, à la liberté. » Dans la salle de cinéma du palais, le film d’Euzhan Palcy, Parcours de dissidents, a été projeté au président et aux ministres Kader Arif, Christiane Taubira, Harlem Désir et George Pau-Langevin, en présence des dissidents. Dans le public quelques personnalités comme Jacob Desvarieux, le sénateur Patient, l’historien Jean-Pierre Azéma ou Patrick Karam. Après ce film, Euzhan Palcy voudrait consacrer une fiction aux dissidents. « On m’a refusé l’aide à l’écriture car, m’a-t-on dit, cette petite histoire n’aurait pas sa place dans la grande histoire. » Le message au président est passé !
A l’issue de la projection, Fred Deshayes, le chanteur de Soft, accompagné d’un violoniste de la garde républicaine est venu interpréter la musique du générique, Sa nou yé, qu’il a composée.
De retour dans la salle des fêtes du Château, le président de la République a remis les insignes de chevalier de la légion d’honneur aux trois dissidents qui n’avaient encore recu aucune distinction Ainsi Jeanne Catayée, Alexandre Lepasteur et Rémy Oliny ont été épinglés de la rosette par François Hollande.
Une mention gravee dans la pierre
Le président raconte à l’auditoire la révolte des élus locaux en 1940, une révolte menée par le député guadeloupéen, Paul Valentino. « C’est cela le début de la dissidence », rappelle le président. L’épopée des dissidents passe par le canal de la Dominique ou de Sainte-Lucie, Fort Dix aux Etats-Unis, Montecassino, Cavalaire, Ouistreham, les Vosges, Royan… « Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? », demande encore le président qui salue l’action de son prédécesseur. « Vous n’avez pu témoigner avant ce film… » Alors il annonce : « Le 2 juin, à ma demande, une plaque sera dévoilée à la mémoire des Dissidents aux Invalides. » Il ajoute encore : « Cet été, j’irai au Mont-Faron et une mention aux dissidents qui ont fait le débarquement de Provence sera gravée au mémorial. » C’est au mémorial du Mont-Faron qu’un des dissidents filmés par Euzhan Palcy s’est rendu compte, les larmes aux yeux et la rage au cœur, que son bataillon avait été tout simplement zappé de la mémoire.
FXG, à Paris
Jeanne Catayée
Jeanne Catayée-Duton est née à Sinnamary en 1921. Elle se destinait à être institutrice, mais à 23 ans, en 1943, elle prend un bateau et entame son parcours en dissidence. Elle arrive à Casablanca, Alger. Elle apprend le maniement des armes, devient opératrice de transmission. A l’automne 1944, elle traverse la France et se retrouve engagée dans les terribles combats de la poche de Royan. En 1946, elle est démobilisée et retourne à l’enseignement. Aujourd’hui, Jeanne Catayée vit en Martinique. « Je suis heureuse d’être reconnue. » Jeanne dit n’avoir jamais compris pourquoi tout le monde a voulu oublier ce qu’ils avaient fait. « Tout le monde savait et c’est passé sous le manteau ! Mais je suis fière d’avoir fait ce que je fait ! » Fière de son frère Justin aussi qui s’est engagé, aussi, et qui a eu l’épaule arrachée en Alsace.
Alexandre Lepasteur
Alexandre Lepasteur entre en dissidence en 1943. « J’ai volé un canot avec trois amis et on a traversé le canal de Sainte-Lucie dans une mer agitée On a failli étre repris par le Barfleur qui patrouillait à la recherche de gars comme nous. » Il a reçu une formation militaire à Fort Dix aux Etats-Unis avant de débarquer en Afrique du Nord et de participer à la libération de l’Alsace. Le 13 decembre 1945, il est démobilisé.
« Je ne m’attendais pas à cette reconnaissance. Vu ma situation, je ne pouvais pas croire qu’un jour je découvrirai le palais de l’Elysée. Je suis content… »
Rémy Oliny
C’est en canot à rame que Rémy Oliny a gagné Sainte-Lucie. De là, il a rallié New York, puis l’Afrique du Nord et la métropole. Il est aujourd’hui un militant de la mémoire. Il est délégué de la fondation de la France libre en Martinique. « Je suis obligé de penser à mes camarades qui sont restés en Italie, en Alsace, à ceux qui sont restés dans le canal, ç’aurait pu être moi et c’est moi qui suis reçu par le président… »
Salinière Ségor
Sur son plastron, la croix de la Libération, la croix de Lorraine, la croix de guerre avec palme, la croix des évadés, la croix interalliée, la campagne d’Italie, la campagne de France, la légion d’honneur…. « A cet âge, je m’attendais pas à ça. On était presque oubliés ! » Salinière Ségor intervient dans les collèges et témoigne. « On a débarqué à Cavalaire et on a enlevé Toulon apres Montecassino ! » Après la guerre, il a travaillé dans le bâtiment, puis il a enseigné au lycée de Baimbridge avant de finir sa carrière au vice-rectorat.
En images
L'arrivee dans la cour de l'Elysee
Dans le salon des ambassadeursLes caporaux-chefs du 1er RSMA, Jean-Claude Germany et Jean-Michel Voltine autour du secretaire d'Etat aux Affaires europeennes, Harlem Desir.Jacob Desvarieux, Georges Patient, Patrick Karam, Jean-Pierre Azema, Michel Kops, jean-michel martial, Francois Thomas, Claude Ribbe.Harlem Desir, Leopold leon, Saliniere Segor, Kader Arif et GPL.Le chef de l'Etat avec les dissidents Eugene Jean-Baptiste et Remy Oliny.Jeanne Catayee et Georges Patient.Remy Oliny, GPL, Eugene Jean-Baptiste et Euzhan Palcy.Saliniere Segor et Eugene Jean-Baptiste devant les panneaux de l'exposition Les dissidents.La salle de cinemaChristiane Taubira et Marie-Jeanne LepasteurSaliniere Segor, Francois Hollande, GPL et Remy Oliny.Harlem Desir, Kader Arif, Christiane Taubira, Francois Hollande, Euzhan Palcy et George Pau-Langevin.Les dissidentsLa ministre des Outre-mer et sa fille.