Les Pieds-noirs sur France 3
L’amère patrie, le retour des Français d’Algérie
Documentaire de Frédéric Biamonti et Marion Pillas (70 minutes), sur France 3, le 10 septembre 2012 à 23:05.
Le documentaire « L’amère patrie » sera suivi dans le cadre de La Case de l'oncle doc du documentaire « L'Algérie nouvelle, on y croyait » de Chloé Hunzinger.
Enfin un documentaire sur les Pieds-noirs ! Après le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie et les hommages audiovisuels post-traumatiques à la naissance de l’Algérie algérienne, France 3 s’intéresse aux perdants : les rapatriés... A travers une série de témoignages (Paul Quilès, Marthe Villalonga, Alain Afflelou, Enrico Macias…) les auteurs, Frédéric Biamonti et Marion Pillas, proposent une nouvelle grille de lecture des événements de l’été 1962 quand 1 million d’Européens et de Juifs d’Afrique du nord sont rentrés en France métropolitaine. « Ces gens étranges et bruyants », « intrus et trouble-fête », venus déranger des Français qui n’ont alors pour préoccupation que de bien s’insérer dans la société de consommation naissante… L’arrivée sur les rives nord de la Méditerranée au début du mois de juillet 1962 est saluée par cette saillie du maire de Marseille, Gaston Deferre : « Qu’ils aillent se réadapter ailleurs ! ». Une banderole déployée sur les quais de la Joliette met les points sur les i : « Les Pieds-noirs à la mer ! » Les rapatriés d’Algérie sont perçus comme ceux qui ont « bloqué toute évolution libérale de l’Algérie » selon l’historien Pierre Nora. Les Pieds-noirs sont assimilés à l’OAS. L’Organisation armée secrète a pris pour cible le général de Gaulle qui savait que les accords d’Evian ne seraient jamais respectés pourvu qu’il pût garder le Sahara et faire la première bombe atomique française... « De Gaulle 62, c’est Pétain 40 », dénonce Jean-Pierre Benejam, maître assistant à la faculté d’Alger en 1962. Le film revient sur la tuerie de la rue d’Isly, quand l’armée française tire sur le peuple français… 48 morts et 150 blessés, prélude à l’exode massif. C’est la fracture française de 1940 qui revient.
« L’afflux des vacanciers de l’été 1962 »
Les Pieds-noirs sont réputés fascisants (il n’y eut en fait que 3000 activistes sur 1 million de rapatriés) et des instructions sont données pour ne pas les inscrire sur les listes électorales à leur arrivée (de Gaulle prépare la réforme constitutionnelle sur l’élection présidentielle au suffrage universel direct). Il va falloir les disperser sur le territoire, construire des cités d’urgence. A noter l’archive mettant en image Francois Delmas, maire de Montpellier jusqu’en 1977. « Pieds-noirs et Harkis, témoignent Enrico Macias, n’ont pas été reçus comme des Français à part entière. » Ils étaient les « affreux colons » ! « Pas question de reconstituer les fortunes coloniales », assure le président de Gaulle. Quant à son Premier ministre, Georges Pompidou, il ne voit pas d’exode en cet été 1962, mais un afflux de « vacanciers »… Et dès 1964, le ministre des Rapatriés, François Missoffe, annonce lui-même la suppression de son ministère. La prospérité économique va permettre l’absorption rapide des rapatriés mais au prix d’un déni, du silence et de l’amnésie. L’identité pied-noir est meurtrie, blessee, condamnée à disparaître… « Je n’ai plus jamais dit que j’étais pied-noir », témoigne Mireille Brémont, étudiante en médecine à Alger en 1962. Paradoxalement, c’est le folklore qui va aider cette communauté à surmonter l’obstacle. Avec Bedos, Castel, Villalonga, « les fascisants sont devenus des comiques. On a obtenu un brevet d’honorabilité et de sympathie », témoigne Robert Castel. Enrico Macias est devenu le chanteur symbole de l’exil et l’Algérie des Pieds-noirs s’est envolée. A « la guerre sans nom » a succédé une communauté éphémère. Ce film donne la parole à ses derniers ressortissants.
FXG (agence de presse GHM)
Photos : France TV