Lurel et l'insecurite en Guadeloupe
A l'occasion de son passage en Guadeloupe et a Saint-Martin, le ministre des Outre-mer a accorde une interview a France-Antilles.
Victorin Lurel, ministres des Outre-mer
« C’est l’américanisation d’une violence »
Il y a un gros problème de sécurité en Guadeloupe en ce moment. La Zone de sécurité prioritaire pointoise n’est-elle pas virtuelle ?
C’est une grosse affaire les ZSP qui ne concernent pas seulement les Outre-mer même si c’est sans doute là que la délinquance a le plus progressé… C’est une priorité de l’action gouvernementale. J’échange régulièrement avec Manuel Valls sur ce sujet. Nous avons d’ores et déjà interrompu le processus de fermeture du commissariat de Capesterre-Belle-Eau. C’est l’un des deux commissariats en France qui, pour le moment, a évité la fermeture. Ça ne veut pas dire que l’on ne discutera pas. Mais pour le moment, à ma demande à celle de la députée Hélène Vainqueur, mais aussi du maire de la commune et des syndicats de policiers, nous avons souhaité reporter cette question-là pour une analyse beaucoup plus approfondie.
Est-il question d’augmenter les effectifs ?
En supprimant le commissariat de Capesterre-Belle-Eau, contre les ratios qui commandaient d’avoir tout au plus 18 gendarmes, on en mettait 30, avec un redéploiement d’une partie des effectifs policiers sur la ZSP. J’ai préféré prendre le temps d’une mise à plat pour avoir une vision plus globale et pas simplement centrée sur Capesterre et la ZSP Pointe-a-Pitre Abymes. Il y avait eu deux rapports secrets à l’époque qui proposaient la suppression du commissariat et le rattachement de Baie-Mahault à la zone police, ce qui n’avait pas l’agrément du député maire… Nous prendrons le temps d’une analyse avec les élus et les acteurs concernés et elle sera accompagnée de moyens.
La délinquance évolue…
Elle était jusqu’à présent plutôt cantonnée à une délinquance familiale et de voisinage avec des homicides commis au sein des familles… Mais on a désormais affaire à une délinquance en bande organisée. C’est l’américanisation d’une violence souvent, hélas, portée par des jeunes organisés en bandes. On le voit à Saint-Martin, mais aussi en Guadeloupe. Deuxième changement sociologique, c’est la montée aux extrêmes, la banalisation de l’utilisation des armes allant jusqu’au meurtre et à l’assassinat. Pour un rien, on se sert des armes. C’est un changement considérable avec une sorte de sédimentation, d’incrustation culturelle qui fait qu’on se donne des signes distinctifs, des vêtements appropriés, être identifié comme un caïd est devenu un honneur. Pour un rien, on a recours au meurtre.
N’y a –t-il pas trop d’armes en circulation ?
J’ai proposé à Manuel Valls de recommencer l’opération « Déposez les armes ». 68 fusils avaient été récupérés la dernière fois, ce qui n’était pas mal… Mais les gens n’ont pas encore compris l’importance de cette opération, c’est pourquoi je souhaite recommencer. Moi-même, j’avais un vieux fusil de plus de 20 ans, j’étais parfaitement en règle, mais je l’ai remis pour le principe. Bien sûr, il y a du trafic d’armes, mais l’essentiel provient tout de même des cambriolages dans les villas. Des armes de chasse entreposées dans des villas cossues...
Est-ce suffisant ?
Il faut aussi apaiser les rapports car cette culture importée et l’irritation sociale conduisent pour un rien à l’affrontement, à la montée aux extrêmes, à la mort, l’assassinat… Il faut y mettre un coup d’arrêt. Tous les services de l’Etat vont être mobilisés pour un plan d’action durable en relation avec l’ensemble des acteurs concernés sur les territoires : élus, responsables d’associations, acteurs de la politique de la ville… Cette prise de conscience collective, qui doit inclure également la société civile, les parents, les enseignants et les éducateurs, est indispensable à la réussite de cette politique. Cela devient plus qu’une urgence et c’est, je le redis, une priorité de l’action gouvernementale dans ces territoires.
Vous serez a Saint-Barth et Saint-martin lundi…
C’était un engagement d’avoir vu tous les territoires d’outre-mer dans ma première année de ministre. Je vais vérifier avec les élus le plan de redressement de la collectivité, planter le décor pour l’avenir de Saint-martin. Nous allons réviser la loi organique de Saint-Martin comme on l’a fait pour celle de la Nouvelle-Calédonie. En 2007, je crois pouvoir dire que les élus Saint-Martinois ont été trompés par leurs amis politiques et nous allons les aider pour leur plan pluriannuel de redressement Sur place, je me pencherai sur leurs projets et leur financement pour accompagner le développement de ce territoire. Beaucoup de questions se posent aujourd’hui sur l’octroi de mer, les relations entre les deux parties de l’île, la nécessité ou non d’un port en eau profonde, la coopération policière et éducative...
Propos recueillis par FXG, à Paris