Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par fxg

Mai 67 : la Guadeloupe s’embrase

Mai67c.jpgFrance Ô diffuse demain soir (samedi 15 octobre), à 20 h 35, le film documentaire Mai 67, Un massacre oublié. Nourri de nombreux témoignages, ce film revient sur les zones d’ombre du massacre perpétré dans les rues de Pointe-à-Pitre les 27 et 28 mai 1967, faisant au moins 87 morts. 

Autoproclamée patrie des droits de l’Homme, prompte à condamner la violence d’Etat chez les autres, La France a toujours autant de mal à regarder en face sa propre histoire. Et lorsqu’en plus il s’agit d’histoire coloniale, la chape de plomb se fait plus lourde encore. Un exemple ? Qui, en-dehors des frontières antillaises, a entendu parler du massacre perpétré à Pointe-à-Pitre en mai 1967 ? Qui a eu vent d’une répression d’Etat si féroce qu’elle entraîna en un jour et une nuit la mort de dizaines de personnes, toutes guadeloupéennes ? C’est à ce non-dit qu’ont voulu s’attaquer Xavier-Marie Bonnot et François-Xavier Guillerm (collaborateur de France-Antilles), les deux auteurs du documentaire choc Mai 67, Un massacre oublié, diffusé ce soir, à 20 h 35 sur France Ô.

Mai-67.jpgCe drame se joue dans une Guadeloupe alors en pleine mutation. L’effondrement de l’économie sucrière a jeté à la rue des centaines de travailleurs qu’une industrie du bâtiment en plein essor a promptement récupérés. Efficace, dure à la tâche, cette main d’œuvre n’en est pas pour autant résignée. Elle se distingue même par une tradition revendicative. Agglutinés dans des bidonvilles, incapables d’offrir à leur famille autre chose qu’un quotidien pauvre et indigent, les nouveaux ouvriers du bâtiment se mettent en grève. Et réclament une augmentation des salaires généralisée de 2.5 %. Le 27 mai 1967, des dizaines d’ouvriers sont sous les fenêtres de la Chambre de commerce, où achoppent les négociations. L’ambiance est électrique. Des pierres volent, des coups de feu, dont on n’a jamais pu déterminer l’origine, visent les CRS chargés de surveiller la place de la Victoire. Les policiers ripostent. Deux hommes tombent. C’est le point de départ d’un drame qui entachera à jamais l’histoire, faisant 87 morts, selon un aveu tardif des autorités, 200 selon d’autres sources.

Jack-Nestor-Mai-67.jpgLa suite est racontée par les témoins de l’époque. L’histoire d’une répression dure. Sanglante. A pointe-à-Pitre, les militaires remplacent les policiers. Le préfet Bolotte fait du zèle. A Paris, le puissant Jacques Focart, exécuteur des basses œuvres du général de Gaulle, le soutient. Pire, l’éminence grise du Général projette sur les revendications guadeloupéennes sa phobie du communisme. C’est que Cuba n’est pas loin… Et que les services de renseignement français ont depuis longtemps dans le collimateur une organisation indépendantiste dont ils craignent l’influence : le Gong (Groupement d’organisation Nationale de Guadeloupe). La première victime des tirs des forces de l’ordre est d’ailleurs un certain Jack Nestor, l’un des leaders du Gong…

Fred-Hermantin.jpgPendant deux jours, la ville est « nettoyée ». Les victimes, noires, tombent sous les balles des militaires, blancs. La suite ? Des vies brisées, un procès pathétique intenté – et perdu - par l’Etat contre les meneurs supposés, et surtout une amnésie pesante, dont les autorités ne sortiront que 17 ans plus tard, à la faveur du témoignage d’un secrétaire d’état socialiste, Georges Lemoine, qui fait le premier état du bilan officiel de 87 morts. Quarante-quatre ans plus tard, ces chiffres sont toujours contestés. Surtout, « les vrais coupables n’ont jamais été poursuivis », souligne Fred Hermantin, ancien avocat du Gong.

Servi par des témoignages bruts, évitant le piège du pathos et assis sur une solide trame documentaire, Mai 67, Un massacre oublié, ajoute une page au livre noir de l’histoire coloniale française. Il donne aussi la parole aux enfants de ce traumatisme. Ceux qui y ont perdu leurs parents. Et ceux qui y ont puisé la force de leur engagement militant. Avec parmi eux un certain Elie Domota, illustration vivante d’une histoire balbutiante.

Samuel Ribot, agence de presse GHM 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
<br /> <br /> Enfin un film qui ne cherche pas à instrumentaliser l'histoire à des fins partisanes<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre