Mamodtaky 6e jour
La stratégie de défense de Mamodtaky se craquèle
Après avoir relaté vendredi l’emploi du temps de son week-end du 22 avril 2001 et ses deux mois de cavale, Mamod Abasse Mamodtaky a été confronté à ses propres contradictions lors de l’audience de ce lundi à la cour d’assises de Créteil. Depuis une semaine que dure ce procès, l’accusé était parvenu à conserver un semblant de cohérence, même si Jean-François Crozet et Damjy, déjà condamnés à 20 et 10 ans, n’ont pas hésité à le mettre en cause mercredi dernier.
Hier, l’accusé a vécu des moments difficiles. Le président Jean-Paul Albert l’a pris plusieurs fois en défaut. Il avait réservé un avion pour s’enfuir le 24 ? il l’a fait le 23 en prévoyant déjà qu’il serait accompagné de Babar Ali… Il devait partir de Tananarive ? Le pilote indique qu’il devait le prendre à Tamatave. « Vous l’avez appelé à partir du numéro 0 33 … Ce numéro vous dit quelque chose ? » interroge le président. Il se tait. On apprend peu après que c’est son portable, celui qui est affiché sur l’enseigne de son magasin… « Le 21 avril, vous passez deux coups de fil au Hilton où Crozet est descendu… » Mamodtaky prétend avoir appelé la gérante de la salle de musculation de l’hôtel. Il ajoute qu’il était avec Marianne sur le site de Gauloise, là où sa mère a un problème de construction. Il se trompe de jour… Me Briot et Dreyfus-Schmidt (Me Dupond-Moretti est absent) semblent tendues et faussement concentrées sur leurs dossiers. Des jurés, très attentifs, échangent des regards suspicieux…
La lecture des dépositions de Yohan Babar Ali, aujourd’hui en fuite, va finir d’écorner le vernis de la stratégie de la défense… Bien que variant d’une audition à l’autre, les propos de Babar Ali révèlent des incohérences : « Le soir du 21 avril, alors que je décharge un container, on m’appelle pour me dire de fuir tous les deux avec la voiture ; on prend un avion dans une petite ville, puis on est allé au Pakistan, à Singapour… J’en avais marre de cette cavale et on s’est fâché. Aux Comores, on a décidé que je me livrerai. Damjy m’a dit que si je ne le faisais pas, on tuerait ma famille au Pakistan. » Pourquoi Babar Ali a-t-il fui avec Mamod s’il n’est pour rien dans la tuerie ? Il ne sait pas s’expliquer, puis il va dire : « Je suis parti puisque la police était chez moi. Je me suis caché, Mamod aussi. » « Il m’a accompagné, explique Mamodtaky. » « Il vous accompagne un long bout de chemin, commente le président. Il vous tient la main en mer, au Pakistan, à Singapour et vous lui lâchez la main pour qu’il s’accuse de l’assassinat. Pourquoi ? » « Parce que ma sœur et Marianne, (son avocate et sa maîtresse, ndlr) lui ont demandé. » Comme on lui a demandé d’enregistrer un faux testament sur une vieille cassette pour qu’il soit incinéré, et ainsi justifie la disparition de son corps après sa fausse mort en prison… « Je n’ai pas demandé à être brûlé. » Le PV des auditions suivant sa reddition évoquent Babar Ali commanditaire de la tuerie et deux hommes de main, Roger et Solo, avec les mêmes armes que celles qui ont effectivement servi le 22 avril. « C’est quoi cette histoire », interroge le président. « Ce qui était prévu est que les PV étaient préétablis… » Et il s’écrie : « J’aurai bien aimé que Babar Ali soit l à et qu’il s’explique par lui-même ! »
FXG, à Créteil
Mamod Abasse Mamodtaky, sa vie, son travail, ses amours
L’accusé est né le 6 août 1972 à Majenga, seul garçon parmi trois filles. A 8 ans, c’est l’installation à Tana, chez les grands-parents paternels d’abord. Sa famille appartient à la communauté chiite de rite iranien et vit à Madagascar depuis six générations. Son père et sa mère sont cousins germains. Il suit une scolarité jusque vers 16 ans et dès 14 ans, il travaille avec son père. Ils vont à la Réunion vendre de l’art malgache en porte-à-porte et ramènent de l’électroménager d’occasion. Son père a un modeste magasin de chaussure et Mamod se met à travailler avec le premier mari de Fazila. Puis il travaille avec Damjy qui finit par lui céder son magasin qui deviendra Séduction. Ratsiraka devient président et c’est l’embellie pour ses affaires. Il ouvre des comptes bancaires à Madagascar, la Réunion et en Suisse.
Il rencontre une ismaélienne aga-khanienne, Anita Remtoula, alors qu’il a 21 ans. Elle est venue acheter un sèche-cheveux à Séduction. Ils se fréquentent, sont dénoncés par Fazila et doivent menacer de se suicider pour pouvoir se marier à la mairie. Pas de cérémonie religieuse parce que chaque famille veut imposer son rite. Après le mariage, il commence à avoir des liaisons et après la naissance de leur fille, Chahista, il rencontre sa maîtresse Marianne, avocate au barreau de Tana.