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Publié par fxg

Couv-Vigne.jpgNé à Montpellier en 1859 et décédé à Octon en 1943, le médecin, écrivain et homme politique, Paul Vigné dit Vigné d'Octon, a été sans doute le premier pourfendeur de la colonisation française. Son œuvre littéraire et sa carrière politique ont dénoncé sans relâche les crimes  et les pertes humaines qui ont accompagné l’entreprise coloniale. Marie-Joëlle Rupp qui a déjà consacré deux ouvrages à des acteurs de la décolonisation (Vinci soit-il, édition Le temps des cerises, et Serge Michel, un libertaire dans la décolonisation, chez Ibis presse) signe une biographie de Paul Vigné d’Octon, saluée par un prix de l’académie des sciences morales et politiques, le prix Paul Vigné d’Octon 2010 ! Interview de Marie-Joelle Rupp, auteur de Vigné d’Octon, un utopiste contre les crimes de la République (Ibis press)

« Sa dénonciation du sort des colonisés l’inscrit dans la lignée de Césaire »

Dans sa préface, Jean Lacouture n’hésite pas à parler de Paul Vigné d’Octon comme d’un précurseur de Césaire, et le président Algérien, Abdelaziiz Bouteflika, comme d’un précurseur de Frantz Fanon. N’est-ce pas surdimensionné ?

Rupp.jpgNon pas du tout parce que Paul Vigné d’Octon a mis en évidence cet aspect pervers de la colonisation qui allait tout autant agir sur le colonisé que sur le colonisateur. Et on retrouve cette idée chez Césaire. C’est bien Paul Vigné d’Octon qui l’a mise en avant dans ses écrits.

A quelle époque sommes-nous quand il dénonce la colonisation et comment le fait-il ?

Jeune médecin de la navale, il est envoyé en Afrique vers 1885 et  il découvre les massacres des populations dites indigènes. En humaniste qu’il était déjà, il est absolument horrifié et il n’aura de cesse, de retour en France, de dénoncer les exactions du pouvoir colonial, de l'armée et de ses supplétifs, d’abord par la plume, dans des romans coloniaux, puis par la politique. Elu en 1893, député de l’Hérault contre Paul Leroy-Beaulieu, le théoricien de la colonisation, il prendra la Chambre pour tribune.

Il a vécu auparavant trois ans aux Antilles… Cela l’a-t-il aussi influencé ?

Lors de son passage pour les Antilles, sur le paquebot Washington, vers 1880, il voyage avec Schoelcher, alors âgé de 77 ans. C’est une rencontre marquante et succulente qui va fortement influencer Vigné d’Octon. Schoelcher parle très facilement de son passé de lutte abolitionniste mais aussi de ses luttes pour le triomphe des idéaux républicains. Schoelcher disait : « Nous voulons la République en France, nous la voulons de même aux colonies… » Nous ne sommes pas encore dans l’anti-colonialisme mais dans l’humanisme colonial qui vise à défendre le droit de ceux qu’on appelait indigènes au même titre que les nationaux. Mais sans dénoncer encore les exactions de la conquête. Paul Vigné écrit : « Si douze ans plus tard, je me fis à la Chambre et dans mes livres le défenseur âpre et parfois violent des indigènes persécutés et tourmentés, si, depuis près de 40 ans, par ma plume et par mes paroles, je lutte pour que, sur notre immense empire colonial, se lève enfin l’aurore de la bonté et de la justice, c’est à Victor Schoelcher que j’en dois l’inspiration. »

Il est donc Schoelchériste. En quoi, est-il un précurseur de Césaire ?

S’il est considéré comme l’un des précurseurs de l’anticolonialisme, il y a fait l’objet, dans les années 1970, d’une polémique. l'historien Henri Brunschwig affirme que l’anticolonialisme n’existait pas, que c’était un humanisme colonial à la Schoelcher. En revanche, Jean Suret-Canale, l'autre historien qui défend Vigné d’Octon, dit que c’est sa façon de s’inscrire dans la dénonciation des abus du pouvoir colonial et du sort fait aux colonisés qui l’inscrit dans cette lignée.

Alors comment expliquer qu’il ait été oublié ?

Ses œuvres ont été rachetées en masse parce qu’elles dérangeaient. On a cambriolé son appartement pour essayer de trouver des documents compromettants… Encore des pratiques que l’on connaît (sourires) ! On a essayé de le faire taire par tous les moyens et il est resté dans l’oubli…

Jusqu’au jour où vous êtes tombée dessus…

Encore faut-il que les temps s’y prête ! Souvenez-vous de la polémique autour de la loi sur la colonisation positive, du discours de Toulon du président Sarkozy, celui de Ségolène Royal sur la repentance… Nous sommes au cœur de cette histoire-là aujourd’hui.

Que retient-on de cet homme, finalement ?

Il était la voix des sans voix.

Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)Rupp-et-pdt-academie-sc-morales-et-politiques.jpg

Marie-Joelle Rupp recevant le prix Vigné d'Octon, des mains du président de l'académie des sciences morales et politiques, Jean Mesnard (Photos : ASMP/ Brigitte Aymann)

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