Marie-Luce Penchard aux Antilles
Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-mer
"L’Etat providence ne peut pas tout régler…"
Vous arrivez en Martinique mercredi soir, vendredi en Guadeloupe. Lors de ce déplacement, vous allez venir faire de l’explication de texte sur les mesures annoncées pour l’outre-mer par le président de la République ?
Je tiens à me déplacer rapidement dans les départements d’outre-mer pour expliquer les décisions annoncées par le Président de la République. Je suis respectueuse de toutes ces personnes qui ont participées aux ateliers locaux des Etats généraux. Il est normal de venir présenter les décisions qui résultent de leur travail. J’ai souhaité, avec Hervé Novelli, aborder la question du tourisme aux Antilles au moment où débute la haute saison. Notre objectif est de rencontrer les professionnels de ce secteur et les élus locaux pour répondre à leurs inquiétudes. Nous n’ignorons pas que la période est difficile. C’est pourquoi le Président a fait des annonces fortes dans ce domaine Et comme Hervé Novelli est secrétaire d’Etat au Tourisme, mais aussi au Commerce et à la Concurrence, nous évoquerons également la question du niveau des prix et du respect de la concurrence…
Mais quels sont les grands thèmes que vous allez aborder parmi les 137 mesures ?
Nous allons faire cet exercice en deux temps. Richard Samuel, le coordinateur des Etats généraux, est arrivé lundi pour rencontrer les présidents et les rapporteurs des ateliers afin de leur expliquer l’ensemble des mesures. Puis, il mettra en perspective les thèmes principaux qui feront l’objet d’un échange plus approfondi avec Hervé Novelli et moi-même. Je pense que le thème de la concurrence, celui de l’abaissement du seuil de notification pour la concentration dans la grande distribution et le plan jeunesse feront partie des sujets abordés.
La création du poste de commissaire au développement endogène chargé d’étudier la structuration de filières pour un marché antillais, avec en plus la création des instituts techniques et une représentation à Bruxelles, ça fait penser au travail fait par la profession bananière. Vous en êtes-vous inspiré ?
Le président a parlé dans son discours de l’exemple de la filière de la banane qui a su se positionner sur le marché mondial. Il est utile de se servir des expériences réussies pour les multiplier dans d’autres secteurs d’activités. Le commissaire au développement endogène travaillera également sur le développement du marché Guadeloupe-Martinique et la manière dont ce dernier pourra s’inscrire dans le marché caribéen. Comment va-t-on s’articuler avec le Caricom ? Nous devons chercher les complémentarités pour développer notre attractivité. Mais pas uniquement sur le plan économique. Sur les thématiques de la santé publique, nous avons une formidable carte à jouer avec une université de médecine qui offrira un cursus complet aux étudiants. Nous pourrons ainsi former des médecins aujourd’hui tentés d’étudier à Cuba ou dans d’autres pays de la région… Le commissaire va pouvoir, en lien avec les autres pays de la Caraïbe, renforcer les échanges dans cette zone. J’ai déjà pu en parler avec Pascal Saffache, président de l’UAG. Il est en liaison avec l’université d’Ottawa et une autre située en Amérique du sud.
Pour relancer la destination tourisme, il y a des mesures de court terme comme le moratoire, mais aussi des chèques vacances bonifiés. De quoi s’agit-il ?
3 millions de Français en métropole bénéficient de chèques vacances. Dès lors qu’ils utiliseront ces chèques pour partir en vacances aux Antilles, ils bénéficieront d’une bonification, c'est-à-dire d’une augmentation de la valeur de leur chèque. C’est une façon d’inciter nos compatriotes de l’hexagone à se rendre en Guadeloupe ou en Martinique. L’Etat va jouer pleinement son rôle d’appui et d’accompagnement. Mais pas forcément sous une forme habituelle comme de grandes annonces à la télévision qui coûtent très cher et qui ont un impact incertain. Je veux une méthode de travail qui concilie une démarche d’objectif, des moyens et des résultats. Dans cette période de crise financière où l’Etat s’engage avec des moyens supplémentaires, il faut s’assurer du meilleur retour sur investissement. Je rappelle également que le tourisme est une zone franche globale.
Le président a annoncé l’ouverture de lignes aériennes depuis Roissy…
Sur le hub de Roissy, le président a été prudent parce que tout le monde sait qu’aujourd’hui, la compagnie nationale traverse une période difficile. Pour autant, le Président de la République, a démontré qu’il n’abandonnait pas cette idée dont l’objectif est de faciliter la venue de touristes européens en direction de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France.
Si jamais la Martinique faisait le choix de l’article 74, le 17 janvier prochain, y a-t-il des mesures qui ne la concerneraient plus ?
Aujourd’hui, à la lecture des demandes formulées par le Congrès, les mesures fondamentales concernant la Martinique ne seraient pas remises en cause si les Martiniquais faisaient le choix de l’article 74.
Avec ces 137 mesures, on peut dire que c’est presque une victoire des collectifs du 5 février et LKP…
Ce n’est pas une victoire pour eux puisqu’ils n’ont pas eu le courage de participer aux états généraux. Les collectifs ont lancé des questions que l’opinion publique se posait mais sans y apporter de réponse. Je ne trouve pas satisfaisant de ne pas aller au bout de la démarche. C’est toujours facile de critiquer mais c’est plus difficile de construire ! J’aurai aimé que le collectif participe aux Etats généraux. Les Ultramarins seront en mesure de faire la différence entre ceux qui apportent des réponses et ceux qui veulent mettre le pays en difficulté. L’image de nos territoires, des 44 jours de grève, vous imaginez bien que cela n’a pas arrangé l’activité économique.
Pourtant le président de la République veut la reconnaissance du fait syndical…
C’est très complémentaire. Soutenir l’économie ne signifie pas qu’on laisse faire n’importe quoi. Il faut à la fois stimuler les initiatives, mais aussi veiller au respect des règles sociales comme par exemple contrôler les prix et en même temps reconnaître les représentations syndicales. L’objectif est d’améliorer le dialogue social. On ne peut pas soutenir l’économie et ne pas voir les dysfonctionnent. C’est la responsabilité de l’Etat de jouer son rôle de régulateur.
Réguler la concurrence et les prix en empêchant les trop grandes concentrations et en même temps on sait que si on n’a pas la force d’une grosse centrale d’achat, on ne peut négocier de bons prix de gros… N’est-ce pas un paradoxe ?
Le paradoxe n’est qu’apparent ! Nous sommes dans une économie de marché, mais qui nécessite une régulation. Le seul moyen de faire baisser les prix, c’est d’augmenter la concurrence. Quand une grande enseigne se retire, c’est tout le système économique et social qui est fragilisé. Le vrai paradoxe, c’est qu’on nous reproche de vouloir faire venir de nouvelles enseignes. Il faut que le Collectif explique son projet de renforcer la présence des Antillais dans leur secteur. L’Etat providence ne peut pas tout régler…
C’est dans ce contexte que vous allez présider le comité de suivi, samedi en Guadeloupe ? Avez-vous eu des échanges avec Elie Domota ?
Non, je n’échange pas directement avec lui. Son interlocuteur naturel est le représentant de l’Etat dans le département. Il a laissé entendre récemment que je ne respectais pas ma parole suite à la rencontre que nous avions eue à l’aéroport le mois dernier. J’ai toujours dit que je présiderai la réunion de suivi du protocole de sortie de crise début novembre. Je tiens mes engagements. Nous ferons cette réunion de travail samedi matin avec un ordre du jour, un objectif, une durée et il n’est pas question d’utiliser cette séance de travail pour en faire une tribune politique. Les Guadeloupéens attendent des réponses à leurs problèmes, pas des postures politiques.
Est-ce que l’Etat respecte ses engagements lorsqu’il retranche la prime pour l’emploi du RSTA ?
Est-ce que l’Etat a retranché la PPE du RSTA ? Je retourne la question ! Aujourd’hui, les Guadeloupéens et les Martiniquais touchent le RSTA pour un montant de 100 euros pour 35 heures travaillées par semaine. Alors, il faut arrêter d’agiter le chiffon rouge. La question de la PPE se posera au mois de juin. Nous avons donc le temps d’examiner la situation calmement. Comme moi, le ministre du Budget Eric Woerth a dit clairement que si la PPE remettait en cause le RSTA, le gouvernement corrigerait le tir. Nous prendrons la décision sereinement, après un examen attentif de la situation.
Vous avez annoncé récemment que vous seriez présente en Guadeloupe dans la campagne des régionales, sur une liste. Si vous deviez être élue, appliquerez-vous les consignes strictes du président de la République qui veut que tout élu aux régionales aille siéger dans sa Région et quitte le gouvernement ?
J’ai dit que je serai partie prenante ; je n’ai pas dit que je serai tête de liste. Mon objectif aujourd’hui, c’est de prendre part au débat public…
En deuxième ou troisième position sur la liste ?
Cela se discute au sein de sa famille politique. Que vous soyez quatrième ou cinquième n’est pas la question principale. C’est ce que vous apportez à la liste qui importe… On ne peut pas laisser le débat public sans projet alternatif. Ce n’est pas bon pour la démocratie. Il faut toujours donner la possibilité aux électeurs de choisir entre plusieurs projets. Quand il n’y a pas de débat, c’est le règne de la pensée unique et je ne le souhaite pas à mes compatriotes…
Un autre débat important a lieu avec la consultation en Martinique. Pour quoi penchez-vous ?
La question de l’évolution institutionnelle a été posée à la demande des élus réunis en Congrès. Le président a répondu favorablement aux élus en organisant cette consultation. C’est aux électeurs de décider. En tout état de cause, que ce soit dans l’article 73 ou l’article 74, ces territoires font partie de la France et n’ont pas vocation à cheminer vers l’indépendance.