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Publié par fxg

Interview Marie-Luce Penchard

« La niche fiscale Outre-mer reste attractive »

MLP-1--fxg-.jpgSur 520 niches fiscales, 22 sont rabotées de 10 % dont deux qui concernent l’outre-mer (investissement productif et locatif intermédiaire). Pourquoi ?

Je comprends l’inquiétude légitime des milieux économiques. Nous savons tous que la situation est difficile parce que la reprise tarde à intervenir et le taux de chômage reste élevé. L’Outre-mer n’a pas été épargnée par la crise financière qui a touché l’ensemble des économies. Maintenant, j’ai toujours indiqué que même si le gouvernement avait corrigé certaines dispositions de la loi Girardin au travers de la Lodeom, l’Outre-mer ne pouvait pas, au nom de la solidarité nationale, s’exclure de l’effort commun de maîtrise de la dépense publique. Il est de notre responsabilité de réduire le déficit public. Mais cela s’est fait de façon raisonnée et non automatique. J’ai veillé à ce que la priorité pour le logement social soit prise en compte parce que cela touche de nombreux ménages en attente d’un logement. Cela va permettre aussi, par la commande publique, de relancer immédiatement l’activité pour le BTP. Ainsi, le gouvernement a préservé le logement social de cet effort puisque le coup de rabot de 10 % ne sera pas appliqué à ce secteur stratégique et prioritaire à mes yeux. Pour le reste, les autres secteurs comme celui de l’investissement productif ne pouvaient pas être exclus au seul motif qu’ils concernent l’outre-mer. C’est une question de cohérence et de solidarité. Pour autant, dès lors que le rabot touche l’ensemble des 22 niches nationales, la niche d’Outre-mer, même si je n’aime pas beaucoup ce terme, garde son attractivité.

Certains parlementaires ultramarins de la majorité comme de l’opposition estime que l’effort demandé à l’outre-mer est supérieur à celui demandé à l’Hexagone. Comprenez-vous cette réaction ?

Il faut tenir un discours de vérité. J’ai dit lors de la journée Outre-mer Développement (au début du mois de septembre à Paris, NDLR) que l’effort devait être fait dans des proportions raisonnables. Lorsqu’on considère les 110 millions du coup de rabot porté à l’investissement productif, ajoutés aux 230 millions du photovoltaïque, cela fait un total de 340 millions pour les niches spécifiques à l’outre-mer. Ce chiffre doit être comparé à l’effort général de près de 10 milliards d’euros. Cela représente 3 % pour l’effort demandé à l’outre-mer. Cet effort me semble donc proportionné et juste. L’Outre-mer n’est donc pas doublement pénalisée par rapport à la métropole. Même si je comprends les inquiétudes, il faut faire attention à ne pas afficher des postures politiques anxiogènes qui auraient pour effet à terme de dissuader encore plus les investisseurs. Soyons mesuré dans nos analyses car nous le savons tous, la confiance est le moteur de l’économie. De plus, c’est aussi la crédibilité de la parole de l’outre-mer qui est en jeu. Par ailleurs, je tiens à préciser que le budget 2011 ne se résume pas à cette question des niches fiscales et comportent de nombreuses mesures positives, qui renforcent notamment les dispositions du conseil interministériel de l’Outre-mer. Je pense à l’abondement de 40 millions d’euros du POSEI pour les agriculteurs, à la sanctuarisation des crédits dédiés au logement social, à la construction d’écoles à Mayotte et en Guyane, etc. L’Outre-mer a également largement bénéficié du plan de Relance qui a consacré 175 millions d’euros pour financer l’économie ultramarines. Toutes ces mesures sont justes et équilibrées.

MLP-3--fxg-.jpgCe qui veut dire que vous partagez les choix du ministère du Budget ?

Lorsque l’on assume des responsabilités politiques, il faut être prêt à affronter des situations difficiles. La situation budgétaire de notre pays n’est pas bonne. La dette atteint aujourd’hui un niveau historique. Dans ce cas, plusieurs choix s’offrent à nous : soit celui d’augmenter les impôts, mais ce serait dévastateur pour la croissance et la relance économique ; soit il nous faut maîtriser nos dépenses. Je suis pleinement solidaire du Premier ministre et du gouvernement dans la volonté de réduire le déficit en réajustant des avantages fiscaux pour préserver la reprise économique qui se profile pour 2011.

La loi Girardin avait été annoncée pour quinze ans. Il y a eu un recadrage avec la Lodeom. Est-ce que cela ne remet pas en cause la visibilité que le gouvernement veut donner à son action économique en outre-mer ?

Ce qu’une loi fait aujourd’hui, demain une autre loi peut le défaire. Ce n’est évidement pas propre à l’Outre-mer. Rendre cela impossible porterait atteinte aux pouvoirs du parlement. Il est vrai que des modifications ont été effectuées dans le cadre de la Lodeom. Je comprends que les entreprises aient besoin de visibilité et nous essayons de leur en donner, mais la situation économique d’il y a dix ans n’est plus celle d’aujourd’hui. Qui s’attendait à cette crise en 2008 et en 2009 ? Personne. Les acteurs économiques savent s’adapter. Cette capacité d’adaptation est leur atout, même si je comprends que c’est particulièrement difficile pour l’Outre-mer, notamment à la suite des mouvements sociaux qui ont fragilisé nos entreprises. Mais on ne peut pas considérer que les décisions économiques et fiscales sont figées alors que nous sommes dans une économie de marché soumise à des fluctuations mondiales.

Le gouvernement a organisé un Grenelle de l’environnement ; des collectivités ont misé sur les énergies renouvelables, à l’image de la Réunion qui vise l’autonomie énergétique et l’Etat supprime la défiscalisation sur le photovoltaïque, pourquoi ?

Il n’y a aucune volonté de remettre en cause la filière. L’énergie renouvelable reste un axe prioritaire comme nous en avons pris l’engagement lors du Grenelle de l’environnement. Mais l’avantage fiscal consacré au photovoltaïque a entraîné des effets d’aubaine. Les capacités atteintes par les énergies renouvelables et en particulier par les énergies fatales (qu’on ne peut stocker et qui sont tributaires des aléas climatiques), avoisinent les 30 % Pourcentage qu’il n’est pas possible de dépasser. Actuellement, entre les dossiers financés et ceux en attente, nous avons déjà pratiquement atteint ce seuil. De plus le tarif de rachat de l’électricité par EDF demeure particulièrement avantageux. Ces opérations sont donc extrêmement rentables et il était permis de s’interroger sur l’opportunité de maintenir un tel avantage fiscal pour permettre leur réalisation. D’autant que ce secteur n’est pas le plus pourvoyeur d’emploi contrairement au BTP. Voilà pourquoi j’ai concentré prioritairement mon action pour préserver la défiscalisation dédiée au logement social.

Les particuliers vont être plus touchés que les entreprises par le rabotage des niches (la rétrocession  d’une partie de l’avantage aux entreprises ultramarines et la défiscalisation de l’impôt sur les sociétés pour celles investissant outre-mer sont maintenues). Pourquoi ?

MLP-2--fxg-.jpgLe gouvernement n’a pas voulu faire porter l’effort sur l’investisseur local puisqu’en augmentant le taux de rétrocession, la part d’avantage fiscal rétrocédé à l’investisseur local reste le même. Par contre, le gouvernement fait porter cet effort sur le contribuable qui défiscalise. C’est normal que l’effort porte sur le contribuable qu’il soit ultramarin ou métropolitain. Défendre une position contraire me choquerait particulièrement.

Ne craignez-vous pas de voir les particuliers déserter la défiscalisation en outre-mer ?

Pourquoi la déserterait-il ? Non, ce n’est pas moins intéressant parce que le rabot a été appliqué à toutes les niches de la même façon. La niche fiscale Outre-mer reste attractive. Les cabinets de défiscalisation que nous avons consultés le confirment.

Des parlementaires (MM. Marini et Carrez) demandent que des subventions se substituent quand c’est possible à la défiscalisation. Qu’en pensez-vous ?

C’est un débat qui a donné lieu à de nombreux échanges lors des discussions sur la Lodeom au Parlement. Ce dernier a tranché en considérant qu’il fallait réorienter la défiscalisation sur le logement social ; ce fut un acte fort de la Lodeom. Maintenant, pour des raisons de visibilité, il convient de laisser le dispositif se déployer et de l’évaluer dans deux ou trois ans. Aujourd’hui, ce débat serait prématuré.

Les députés Gaël Yanno et Claude Bartolone, dans un rapport récent sur la Lodeom, ont révélé que la défiscalisation sur le logement social ne marche pas toujours. C’est notamment le cas en Polynésie française…

Si on parle de l’exemple de la Polynésie, il ne faut pas simplement aborder la question de la défiscalisation. La défiscalisation est un outil au service d’une politique ; il faudrait donc plutôt aborder la question de la politique de construction de logements sociaux et savoir s’il s’agit d’une priorité du gouvernement polynésien.

Qu’attendez-vous du débat parlementaire sur ces questions de niches fiscales ?

Le gouvernement examinera de manière attentive les amendements proposés lors des discussions à venir au parlement. J’aurai toujours présent à l’esprit le souci de préserver cet outil de financement de l’économie tout en considérant que l’outre-mer ne peut se soustraire de l’effort national demandé. Cela contribuerait à stigmatiser l’Outre-mer, ce que je ne peux pas accepter au regard de ma volonté de changer le regard que l’on porte sur ces territoires.

Propos recueillis par FXG et DM (agence de presse GHM)

 

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