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Publié par fxg

 

Les frisottis et les Philibos de Miguel Marajo

Le Martiniquais Miguel Marajo devrait, ce mardi 14 décembre à 14 h 30, être le guide de la princesse Caroline de Monaco à la galerie du Comité national monégasque où une sélection d’artistes caribéens (dont l’intéressé ou le Guadeloupéen Apourou) est invitée d’honneur. Portrait d’un artiste délicat et provocateur.Miguel-marajo-delit-d-initie.jpg

Miguel Marajo (47 ans) a appartenu groupe GEP Totem avant de faire ses études aux Beaux-Arts. Le Gep Totem était un groupe expérimental martiniquais d’abord, puis caribéen, qui avant tout servi à monter un autre groupe, le Fromager, autour de gens comme René Louise… « Je faisais partie des gens du GEP qui allaient prendre Aimé Césaire par le bras pour lui faire visiter des expositions… » 15-morceaux.jpgSection arts plastiques au lycée de Bellevue, puis le SERMAC avant les Beaux-Arts à Paris, une maîtrise à Paris 8 et un DEA à la Sorbonne. Là, il se dit : « Mais en fait, je suis peintre… il faut arrêter ! » Sa mère peignait déjà et l’a « contaminé ». Il a exposé à Trinidad et Tobago avant d’arriver à Paris. Cet automne, Marajo a été partout : une galerie d’art contemporain, Acabas, dans le Marais, une exposition au ministère de l’Outre-mer (Force frisottis organisée par Tous Créoles et la délégation des Français d’outre-mer) et maintenant, une exposition collective à Monaco et une autre à Flers ! Cuba et New York sont au programme de 2011. Il peint chez lui, dans son atelier à Sartrouville. Petite maison, petit jardin. « Je suis un vrai banlieusard avec mon petit coin de campagne ! » Il va en Martinique autant qu’il peut (28 jours lors des dernières grandes vacances), le conseil régional lui a acheté quelques œuvres et puis, au pays, il y a quelques collectionneurs de ses œuvres.

Petit-neveu des frères Lumières et Amérindien

114x146sanstitre_070208.jpgAppartient-il à un courant artistique martiniquais ou caribéen ? « Je soigne ma liberté, mais les inter-influences, on ne les contrôle pas. Je préfère, de toute façon, que ça se fasse par dérapage incontrôlé ! » Il ne réfrène pas les influences qui peuvent venir, reste marqué par la peinture de Wilfredo Lam et reconnaît qu’il a été baigné par la couleur des canaux et des kaz. On l’a surnommé Philibo à cause de son usage inconsidéré des couleurs kitch acidulées des étals de vendeurs de bonbons. « La caribéanité est quelque chose qui nous habite et qui doit forcément nous échapper pour qu’elle soit fluide et réelle. » Et Miguel Marajo est bien un être composite… De son père, il tient un nom amérindien ; de sa mère, une demoiselle Lumière, il descend d’Antonia Lumière, la sœur de Louis et Auguste, les pères du cinéma. Il ne connaît pas ses racines africaines, mais sait qu’il a aussi du sang caraïbe de Martinique ! « J’aime bien l’ouverture que ça procure ! J’ai des amis de toute provenance avec lesquels on trouve une résonnance. Elle n’est pas calculée ; elle est naturelle et c’est ça qui m’habite… alors, est-ce que tout ça, ça fait une seule entité qu’on appelle Miguel Marajo ? Oui… Je veux bien. » On demandera à la princesse Caroline de confirmer !

FXG (agence de presse GHM)

Photos : FXG, Franz Ventura et DR


 -Exposition collective des artistes du Comité National Monégasque de l’A.I.A.P. U.N.E.S.C.O., et d’une sélection d’artistes de la Caraïbe invités d’honneur. du 10 au 23 décembre 2010, tous les jours de 13 h à 19 h, sous le haut patronage de S.A.S. le Prince souverain. 4 Quai Antoine 1er, Port de Monaco. Entrée libre.Marajo-a-Monaco-1.jpg

A monaco, ces trois toiles à droite sont de Miguel Marajo


-Exposition collective à Flers à partir du 18 décembre

 


Interview

 

Miguel-Marajo-2.jpg« Je fais cohabiter des femmes de catalogues et des négros hideux »

Pourquoi peignez-vous ?

Je crois que si j’avais la réponse, j’arrêterais de peindre !

Une exposition dans le quartier parisien du Marais, une autre au ministère de l’Outre-mer, une à Flers, et une autre encore chez son altesse sérénissime Albert de Monaco. A chaque fois, vous révélez des facettes complètement différentes de votre art…

Marajo-delit-d-initie-hauteur.jpgJ’ai toujours été à la fois dessinateur et coloriste. J’oscille avec deux façons d’intervenir avec des matériaux. Dans la galerie du Marais, j’avais exposé beaucoup de dessins avec des parties colorées faites aux feutres à encre pigmentée, des marqueurs de taggers, les Posca. J’appelle ça des poses ka et je fais même des jeux de mot avec « pose kadans »… Au ministère de l’Outre-mer, et à Monaco, j’expose des huiles, des acryliques, des papiers lacérés. J’ai mis une grande affiche de rue 4x3 que j’ai lacérée et sur laquelle j’interviens avec ces feutres… Et puis il y a encore des matériaux qui ont des fonds qui ressemblent un peu à des cuirs.

Vous jouez beaucoup sur les inscriptions et on peut lire des messages assez provocateurs comme « Français teinté récent »…

Francais-teinte-recent.jpgPour être franc, c’est intéressant ! Chaque fois, je détourne quelque chose qui me paraît évident. Là, ça faisait référence au premier gouvernement de Sarkozy avec ses apports ethniques, ses fameuses minorités… Je me méfie de ces mots qui enferment dans des cases.

C’est un message politique, mais vous y adjoignez une femme aux cuisses écartées. Une métaphore de la promesse politique ?

J’ai vu ça… Notamment Lucette Michaux-Chevry nous l’a montré une fois… Lors d’une campagne électorale, excédée, elle a levé sa jupe et montré son derrière. Donc, il y a peut-être de ça qui s’exprime là, et puis on ne sait plus où est le devant et le derrière parce qu’au niveau de l’anatomie, il y a un pile ou face qui est sorti naturellement. Ma peinture a plusieurs entrées, politique et ludique. Ce sein n’est-il pas un casque colonial ? Cela participe d’une jungle… Une société organisée, séduisante mais chaotique…

Variateur-de-chaleur.jpgParlez-moi de ce « Variateur de chaleur, affichage Led, 120°, 200° », c’est chaud !

Une femme langoureuse avec la main qui se balade sur son corps et puis des éléments d’une notice de fer à défriser, à friser… Le variateur de chaleur est ambigü. S’agit-il de l’appareil ou de cette personne alanguie ? Et tout autour, il y a des circonvolutions qui rappellent le frisotis qui est le terme générique de mon exposition de la rue Oudinot, « Force frisotis »…

Est-ce un renvoi à Peau noire, masque blanc de Frantz Fanon et à l’apparence de l’Antillais par rapport au modèle français qu’on a voulu lui imposer ?

Oui, souvent. Par exemple, j’expose une toile qui parle de « soin multiethnique, autobronzant, bonne mine toute l’année » et au milieu, des couleurs très édulcorées, très bonbons Philibo, qui parlent avec une certaine gravité, mais désamorcent. On peut être bronzés toute l’année, pourtant, il y a des CRS, un personnage avec un porte-voix et puis un kärcher…

Miguel Marajo 1C’est 2005 en banlieue ou décembre 1959 en Martinique ?

(Rires…) Il y a quelque chose d’assez récurrent. Ca pourrait être aussi mai 1967 ! Ce sont des scènes un peu classiques. Il y a des entrechoquements, des va-et-vient, des rotations… Tout change et tout se répète à la fois.

Vous exposez encore ces toiles sur fonds de peau de cuir, des toiles sensuelles où les corps se montrent. Pourquoi ?

Ce sont des personnages qui ne se gênent pas, qui se montrent naturellement. En fait, tout ce qui peut apparaître comme une sexualité n’est là, en fait, que de l’intime. Les personnages sont sur une peau, presque du cuir, et le dessin, plus incisif, vient ciseler la surface. Les traits partent d’un corps à un autre et le contour n’appartient pas à une seule forme. Cet entre-lac de corps fait cohabiter des femmes de catalogues féminins et d’autres femmes, très négroïdes que je représente en circonvolutions. Ces personnages, je les ai appelés un moment les « Négros hideux » par provocation comme l’auraient fait les Neg gwo siwo dans un carnaval. Je fais cohabiter les différences mais d’une façon ludique pour exprimer ce qui est inexprimable.

Soins-multi-eclats.jpgOn dit que l’art sublime le désir. Est-ce valable pour vous ?

Je suis davantage dans des projections et une espèce d’idéal que je poursuis sans cesse. Mais cet idéal me résiste et recule… Et s’il y a une forme de sublimation, j’en approche peut-être parce qu’il y a une forme de maturité qui se fait dans mon travail qui renvoie à quelque chose de plaisant alors que pendant longtemps, j’ai été en quête et en lutte. Avec les couleurs et les formes, je cherchais une réponse parfaite ; aujourd’hui, avec un lâcher prise, j’arrive à quelque chose qui me dépasse même moi et qui me renvoie à des choses positives et agréables.

C’est donc vous qui vous sublimez ?

Je suis prudent mais je pense qu’on finit au moins par se dépasser soi-même.

Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)

 


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