Olivier Ozier-Lafontaine revient du festival de Cannes
D’un simple concours de scénario sur la drogue aux Antilles à un plébiscite international de Cannes à Sacramento en passant par la Guadeloupe, Olivier Ozier-Lafontaine n’en espérait pas tant. Son court-métrage de cinéma Apocalypse a touché juste par son analyse sans concession du fléau qui ravage nos îles, le crack. Rencontre avec le jeune réalisateur martiniquais.
« Cette épée de Damoclès qui nous a fait tenir… »
Racontez-nous ce parcours qui part d’un BTS commerce international pour déboucher au festival de Cannes 2010 ?
Au départ je voulais faire de l’import-export d’où le BTS. Je n’étais pas intéressé plus que ça par le cinéma, comme tout le monde, ni plus ni moins. Ce n’est pas un rêve d’enfant, c’est venu très tard. J’évoluais déjà dans le milieu artistique; mais plutôt dans le monde de la musique : réalisation de clips, production d’album. Et un matin en me levant, je me suis dit : bon que vais-je faire de ma vie ? C’est comme ça que je me suis lancé dans le cinéma. Mais quelque part, il y a une continuité puisqu’en 1999, quand je suis arrivé à Paris pour entamer des études cinématographiques, j’avais dans l’idée d’exporter notre culture, notre mode de vie.
Pourquoi la thématique de la drogue aux Antilles pour une première réalisation professionnelle ?
Le projet Apocalypse découle d’un concours de scénarios sur la drogue aux Antilles en 2001. J’étais encore en école de cinéma, j’ai donc écrit le script avec l’aide de Laurent-Christian Ursulet. Il durait 6 minutes à l’origine.
Quelles difficultés avez-vous rencontré entre cette première version et le projet final ?
La préparation a été longue et laborieuse : ça a duré bien quatre ans. La difficulté était essentiellement la recherche de financement. Une fois que les fonds sont là tout s’enchaîne. Mais il faut quand même rester sur le qui-vive. La veille du premier jour de tournage, on apprend un désistement financier : ça fait peur, mais on y va quand même. Trop de monde était impliqué, trop de frais avaient été engagés. On aurait été incapable de les rembourser. C’est un peu bête à dire mais c’est cette épée de Damoclès qui nous a fait tenir le cap.
Comment s’est déroulé le tournage ?
J’étais bien entouré, tout particulièrement par ma collègue et amie rencontrée sur les bancs de l’école de cinéma : Bénédicte Clariget, directrice de casting. Mais ce tournage était loin d’être paisible. Quand ce n’est pas l’une des régisseuses qui quitte le navire sans prévenir, c’est la caméra, réputée à toute épreuve, qui rend l’âme. Sans parler des impondérables de la météo de chez nous. Au final j’étais beaucoup plus inquiet les jours où tout se passait bien ! Mais jamais on n’a pensé à abandonner le projet. Il a été difficile à vendre puisque l’intrigue est plutôt classique. Notre atout se situe dans la mise en scène, dans les jeux d’acteurs, le montage ou la réalisation. Mais c’est surtout la musique de Dominik Coco qui donne toute sa dimension au film. Une fois qu’il a dit « banco je te fais la musique de ton projet », on s’est vraiment dit qu’on ne pouvait plus faire marche arrière, sous peine de passer pour des comiques !
Apocalypse a rencontré un franc succès au quatre coins du monde. Appréhendiez vous la réaction du public martiniquais ?
La première a eu lieu en octobre à l’Atrium. La salle Frantz-Fanon était remplie. Bénédicte Clariget avait encore fois fait du bon boulot ! Bien sûr on a toujours une appréhension à présenter une œuvre la première fois, à plus forte raison chez soi, même si j’ai du mal à dire œuvre, à me considérer comme artiste, mais le cinéma est une forme d’art... C’était un test pour moi : est-ce que je suis vraiment fait pour ça ? J’avais aussi une petite crainte de la réaction du public par rapport au personnage de la mère. Une maman est sacrée aux Antilles, presque un mythe, que je fais voler en éclat dans ce film. La femme potomitan, comme dans Neg maron (Long métrage de Jean-Claude Barny, NDLR), n’est pas du tout représentée dans Apocalypse. Mon film est un anti Neg maron, c’est tout l’opposé. Mais au final le public a très bien accueilli le film. Pour la petite histoire, j’ai mis bien deux heures pour franchir les 5 mètres qui séparaient la sortie de la salle du jardin tant les gens m’arrêtaient et me félicitaient. C’était gratifiant mais le buffet m’est passé sous le nez !
Un prochain film en préparation ? Un court métrage ?
J’ai plusieurs projets en tête. Pour l’instant Apocalypse fait son petit bonhomme de chemin. Mais je pense à après, j’ai du mal à penser court ! Donc plutôt long-métrage…
Propos recueillis par Gaëlle Jotham (Agence de presse GHM)/ Photos de tournage : William Zebina
Le pitch
Cette première réalisation professionnelle plonge dans une tranche de vie, celle de Francis. Entre une mère accaparée par sa vie sentimentale mouvementée et l’amour vache qu’il voue à son jeune frère, la vie de Francis ressemble à celle de beaucoup de jeunes Antillais. Mais quand il est contraint d’écouler le fameux rocher mortel, le décor s’obscurcit. Une situation familiale complexe au plus proche de la vérité projette le téléspectateur dans une horreur dont la proximité laisse songeur.
La bande originale signée Dominik Coco confère à Apocalypse une douceur qui contraste avec l’amertume de l‘intrigue.