Paroles d'une île vagabonde de Dominique Deblaine
Paroles d’une île vagabonde, un regard sans concession sur la Guadeloupe
Si la Guadeloupe pouvait parler, que dirait-elle à ses enfants ? Dominique Deblaine donne la parole à son île dans un beau texte poétique qui, malgré sa modernité, rappelle le chef-d’œuvre d’Aimé Césaire, écrit en 1939. Dominique Deblaine, Guadeloupéenne de 56 ans, enseigne la littérature à Bordeaux.
« Les gens se satisfont des mêmes choses »
A la lecture de votre livre, une proximité avec le « Cahier d’un retour au Pays Natal » d’Aimé Césaire saute immédiatement aux yeux. Etait-ce conscient ?
Au début, pas vraiment. Je m’en suis rendu compte petit à petit. Au début du projet, j’ai commencé à écrire un roman. Et puis au bout de 40 pages, je me suis arrêtée, le résultat ne me plaisait pas du tout. Un matin, j’ai tout repris. Alors, j’ai commencé à écrire différemment et tout d’un coup, ce rythme, cette musique, cette parole, ce phrasé est venu comme ça. J’avais la musique du « Cahier » dans la tête, et puis surtout la verve de Césaire.
Sur la forme, comment définir « Paroles d’une île vagabonde » : un long poème acide ?
Oui. Installée à mon bureau, quand je suis arrivé vers la 100ème page du livre, j’ai porté le regard vers les ouvrages antillais de ma bibliothèque. Et j’ai vu la tranche du « Cahier » de Césaire. Et là, je me suis rendu compte que j’étais dans la même veine que l’œuvre de Césaire.
Je ne suis pas dans le plagiat parce qu’il a une écriture que l’on a décrite comme surréaliste, même si ce n’est pas tout à fait juste. Il faisait du surréalisme sans le savoir, si on peut dire.
Mon écriture est plus lyrique. Tout ce qui me venait, c’était des images.
Vous donnez la parole à la Guadeloupe et elle porte un regard sévère sur ses enfants.
Le constat est sévère, oui. Je ne pense pas que j’aurai pu écrire ça à 20 ans. Il y a tout un parcours de vie pour en arriver à ce texte. J’ai habité la Guadeloupe à l’adolescence, ce moment de la vie où l’on se construit, où des choix se font sans que l’on en soit vraiment conscient. Durant ces années, j’étais en colère, en révolte contre le machisme de notre société. Il y a toujours ce proverbe antillais : « Sé kon sa nou yié, sé kon sa nou vlé rété. » (c’est comme ça que l’on est et que l’on a envie de rester). Finalement, on est comme ça, on est presque fier d’être comme ça alors que le principe d’une culture, c’est justement de s’améliorer ou de supprimer ses scories.
Etes-vous, malgré ce constat sévère, optimiste sur la capacité des Guadeloupéens à évoluer dans le bon sens ?
J’étais en Guadeloupe au mois de février et je dois bien constater que les choses n’ont pas bougé. Chacun de mes voyages là-bas est différent. Je suis traversée de sentiments contradictoires. La fois précédente, j’étais dans une sorte d’exaltation, de plaisir incroyable d’être là-bas. Et là, cette fois, j’en avais assez. Je me sentais enfermée. J’avoue que c’est un peu désespérant, les gens ne changent finalement que peu. Ils rient des mêmes choses, ils se satisfont des mêmes choses.
Propos recueillis par Guillaume Decaix à Bordeaux (agence de presse GHM)
Paroles d’une île vagabonde, de Dominique Deblaine. Riveneuve Editions.