Pétrole en Guyane
Anne Duthilleul, chargée par l’Etat d’une mission d’accompagnement de développement pétrolier
« L’enjeu est que la Guyane puisse être une base arrière »
D’ici un mois Shell communiquera les résultats de son premier forage d’exploration. Un résultat positif pourrait accélérer les investissements et les retombées locales.
Où en êtes-vous de votre travail d’appui à l’exploration pétrolière en Guyane ?
La commission de suivi et de concertation a été mise en place avec des groupes de travail sur la sécurité et l’environnement, premier objectif de ma mission ; un autre sur les retombées économiques et le développement local, sachant que sur ce dernier point, en juin, le gouvernement a obtenu que Shell mette en place pour la Guyane, en cas de succès du premier forage actuellement en cours, un fond doté de 2 millions d’euros. Shell veut orienter ce fond en priorité vers les activités liées à la mer. Desprojets intéressants pour les pêcheurs sont déjà identifiés. Ils concernent les coopératives maritimes, les progrès sur les conditions de travail à bord, sur la fabrication de glace, sur des moteurs moins consommateurs… Un troisième groupe de travail consacré à l’emploi et la formation a été mis en place. Shell a pris l’initiative de rassembler les entreprises sous-traitantes du secteur pétrolier afin de permettre à de jeunes guyanais d’être embauchés et d’obtenir une qualification. Pour une exploitation off shore il faut des gens ayant au moins cinq ans d’expérience. Enfin, le dernier groupe concerne la recherche sur le milieu marin. Shell a mis en place un premier fond d’un million d’euros. Début novembre, un séminaire scientifique se tiendra en Guyane pour définir le programme de recherche.
Avez-vous une idée de l’endroit où sera raffiné le pétrole ?
On n’en sait rien. Je ne sais quelles sont les raffineries de Trinidad et Tobago. Mais ces îles ont surtout les services pétroliers qui servent de base arrière aux plateformes en mer. L’enjeu est d’essayer de calquer cela, de faire en sorte que la Guyane puisse être une base arrière. La Guyane a un atout très fort : il faut une journée de mer pour se rendre sur le champ d’exploitation mais quatre jours et quatre nuits depuis Trinidad.
La Guyane peut donc raisonnablement espérer de bonnes retombées économiques ?
Elle en a déjà, même en phase d’exploration.
On se souvient de la catastrophe écologique déclenchée par Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique. Aura-t-on le même type de plateforme au large de la Guyane ?
On ne sait pas encore, mais l’exploitation en Guyane ne se fera pas avant 2019. Les progrès sont très rapides dans ce secteur. Je prendrais l’exemple des fluides de forage. L’année dernière, il a été demandé à Shell d’utiliser un fluide à l’eau avec des additifs et pas à base d’hydrocarbure ou d’huile. Ces fluides sont en circuit fermé, mais ils réapparaissent dans les boues. Celles-ci ont provoqué des gonflements des terrains argileux. Ils ont retardé Shell. Du coup, la compagnie utilisent désormais du lubrifiant synthétique biodégrable. Les progrès sont donc constants.
Un ministre a déjà sauté à cause du code minier. Où en est-on de sa réforme ?
Un rapporteur a été nommé et des groupes de travail constitués avec des ONG environnementales, des juristes, des professions de la production de matière première et des experts, dont je fais partie. Les élus d’outre-mer seront également consultés. Les propositions de projets de loi sont attendues pour la fin de l’année. Une partie concernera la sécurisation de la fiscalité. En 1991, il avait été décidé d’annuler toute redevance sur l’exploitation off shore pétrolier. On pensait qu’il n’y en aurait jamais… Finalement, fin 2011, en toute urgence le gouvernement en a rétablie une*.
Quel est le calendrier prévu pour les prochains mois ?
Un forage est en cours. Il devrait toucher les couches intéressantes dans les prochains jours ou semaines. Nous aurons peut-être du nouveau d’ici début novembre, où doit avoir lieu une nouvelle commission de consultation et de suivi. Si ce forage confirme le précédent cela déclenchera de l’enthousiasme et de l’effervescence pour accélérer les retombées locales. S’il est négatif nous attendrons le suivant. Shell a prévu quatre forages d’ici fin 2013.
Propos recueillis par David Martin, agence de presse GHM
* Il limite à 12 % de la valeur de la production, la taxe qui sera prélevée sur tout futur pétrole extrait du fond des mers, à partir du 1er janvier 2014. Le partage entre l'Etat et la Guyane est de 50/50