Politique de la pêche en Martinique
Cuvillier et Lurel actent 3,5 millions d’euros pour la pêche
Le protocole de fin de grève des marins pêcheurs a donné lieu à une longue rencontre à Paris, hier soir.
Malgré la sortie tonitruante des deux députés du MIM, les représentants des pêcheurs sont satisfaits.
Quatre heures de discussion, un clash et, au final, des pêcheurs à peu près satisfaits. C’est le bilan que l’on a pu faire hier soir à l’issue de la rencontre organisée entre les ministres Lurel (Outre-mer) et Cuvillier (Pêche) et les représentants des professionnels martiniquais de la pêche (Olivier Marie-Reine, Elie Eustache-Rools et Marie Ademar accompagnés du président du comité national des pêches, Gérard Romiti). Il s’agissait de préparer la mise en œuvre de l’accord de fin de conflit signé le 31 décembre à Fort-de-France à l’issue de la grève des marins pêcheurs qui a bloqué quelque temps le port. Vis-à-vis de cette crise, il s’agissait pour le gouvernement d’apporter d’abord des réponses ponctuelles d’accompagnement très attendues des pêcheurs. Si l’enjeu tournait autour d’une aide de 3.5 millions d’euros (2 pour l’Etat, 750 000 euros pour chacune des deux collectivités), l’attente des professionnels étaient aussi d’avoir une perspective avec une politique structurée. « Le protocole est confirmé dans son application », s’est satisfait Serge Létchimy à l’issue de la rencontre. Trois points ont été actés : l’aide sociale d’urgence (3,5 millions d’euros) avec des modalités de versement qui seront affinées sur le plan local ; l’accompagnement de l’Etat pour l’échelonnement des dettes sociales et fiscales (qui nécessitera toutefois un aval européen) ; et enfin le travail du gouvernement pour que l’Europe admette la nécessité de la remotorisation des bateaux ainsi que l’aide à l’installation pour les jeunes. Olivier Marie-Reine, président du comité régional des pêches) s’est dit heureux de « l’engagement fort de l’Etat sur les aides d’urgence et la structuration de la filière pour demain ».
Contre-expertise de la production
Autre point positif pour les professionnels, la contre-expertise de la production promise par le ministre des pêches : « Quand on sait comment les prochains fonds européens seront calculés, a indiqué Olivier Marie-Reine, il est fondamental que nous ayons des chiffres de production qui calquent avec la réalité. » La réalité de la production, selon la profession, tourne davantage autour de 8 à 10 000 tonnes que des 1400 tonnes annoncés par l’IFREMER. « On a bien noté, a indiqué David Zobda du Conseil général, l’engagement des deux ministres à la construction d’un programme et d’un plan pêche et, pour prendre en compte la profession dans son avenir, les choses sont sur de bons rails. » D’autres réunions devraient suivre en Martinique ou à Paris où d’autres ministères et l’Europe auront aussi leur mot à dire. « Le travail ne fait que commencer », a déclaré optimiste Marie Adémar, présidente du syndicat indépendant des marins pêcheurs de Martinique (SIMPM).
FXG, à Paris
Le clash
Au bout de cinq minutes, Alfred Marie-Jeanne a quitté la table de réunion, s’exclamant : « C’est une mascarade ! » Il sera suivi vingt minutes plus tard par Jean-Philippe Nilor. La raison de cette sortie des deux députés du MIM, c’est la présence, devant l’entrée du ministère des Outre-mer, dans le froid et sous la neige tombante, de Karl Larcher, aquaculteur, 3e vice-président du Comité régional des pêches et membre du syndicat des artisans pêcheurs et des éleveurs marins (SAPEM), Georges-Emmanuel Germany, porte-parole du MODEMAS et avocat des syndicats et associations écologistes martiniquaises auteures de la plainte pénale contre X suite à la pollution au chlordécone, et Bertrand Cambusy, marin-pêcheur, secrétaire général de la CSTM, membre du MODEMAS-Ecologie, administrateur du comité régional des pêches. « Ceux qui ont participé à la résolution du problème et qui ont signé le protocole de fin de grève sont laissés sur le trottoir », a regretté Alfred Marie-Jeanne avant de quitter la rue Oudinot. Georges-Emmanuel Germany n’a pas hésité à mettre en cause le député Létchimy : « Il m’avait agressé lors d’une réunion au début du conflit, estimant que je n’avais pas ma place aux côtés de M. Cambusi, alors qu’il était assigné en justice et qu’il était l’un des négociateurs. M. Létchimy a toujours voulu paraître celui qui règle le conflit en apportant des solutions. En même temps, il a toujours eu une attitude un peu ambivalente, marchant dans les pas du préfet… Cette fois, l’attitude de Létchimy et Lurel qui consiste à exclure ceux qui étaient les négociateurs et les rédacteurs de la plateforme de revendication et du protocole de résolution du conflit, vise à dire qu’il y a eu des problèmes en Martinique et qu’on y a porté des réponses à Paris. Or, ces réponses ne pourront être vraiment satisfaisantes que si on entend les pêcheurs qui sont dehors. Le ministre de la pêche est là, au chaud, en train de faire son show médiatique et puis, dehors, il y a des marins pêcheurs et leur avocat. »
Ces accusations ont été battues en brèche par le ministère des Outre-mer qui assure que les personnes « nominativement invitées » étaient présentes à cette réunion. « Ceux qui sont à l’extérieur, a précisé un membre du cabinet ministériel, ne sont pas signataires ou ne sont pas les représentants désignés par leur organisation. » Le même conseiller a assuré qu’à plusieurs reprises, MM. Larcher, Germany et Cambusi ont été invités à se mettre à l’abri du froid à l’accueil du ministère.
Serge Létchimy n’a pas voulu entrer dans cette polémique, s’abritant derrière l’organisation du protocole par les deux ministères hôtes même s’il a trouvé « regrettable ce genre de situation ». Quant à Olivier Marie-Reine, président du comité des pêches et par ailleurs président du SAPEM, sa réponse avait une autre tonalité : « Il est impardonnable qu’on ait ces divisions en France. C’est une mauvaise image. Les gens qui sont entrés appartenaient à une délégation et étaient connus d’avance. C’est en amont qu’on règle ces questions. C’est le travail du syndicat, le mien. Mais j’étais là en tant que président du comité régional. » Au final, Olivier Marie-Reine regrette le départ des deux parlementaires du MIM : « Même s’ils soutenaient ceux qui n’ont pu rentrer, on avait besoin d’eux. »
Trois questions à Frédéric Cuvillier, ministre des Pêches
« Ces dispositifs de crise doivent ne pas être qualifiés d’aides publique »
Quelles sont les principales mesures que vous avez pu annoncer ?
Nous sommes dans la co-décision, c’est-à-dire que le conseil des ministres décide avec le Parlement européen qui est saisi du texte de l’accord que nous avons signé. Les acquis auprès de l’Europe sont majeurs : la reconnaissance de la Martinique comme région ultrapériphérique de l’Europe avec une zone d’exclusion de 10 milles nautiques, la reconnaissance des conseils consultatifs régionaux. A chacune des réunions des conseils des ministres de l’Europe, les outre-mer ont été défendus et nous avons obtenu, dans le cadre du futur FEAMP 2014 (fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche doté de 6,5 milliards d’euros), la reconnaissance que les Outre-mer pourront bénéficier des dispositifs qui sont en train de se mettre en place. J’aurai l’occasion d’évoquer avec la commissaire européenne de la pêche, María Damanáki, cette pollution à la chlordécone qui est durable et qui nécessite des dispositifs durables. Ces dispositifs de crise, tels que nous essayons de les co-construire, doivent ne pas être qualifiés d’aides publiques entrant dans le cadre de l’euro-incompatibilité.
Les pêcheurs ont demandé votre soutien au plan de rachat des canots pour la reconversion…
C’est le FEAMP qui permettra à partir de 2014 de pouvoir discuter avec l’Europe des plans de sortie de pêche, de remotorisation et puis de travailler scientifiquement sur l’évaluation des biomasses qui nous permettra d’établir les capacités de pêche.
Qu’en a-t-il été de la réalité de la production par rapport aux chiffres contestés de l’IFREMER (1.400 tonnes contre 10 000 selon la profession) ?
Ca a été un des objets de la discussion. J’ai rappelé que la France n’est jamais aussi forte pour défendre sa pêche lorsqu’elle a une base scientifique avérée. Le décalage est extrêmement fort. Nous devons obtenir une contre-expertise pour analyser d’où provient cette disproportion. Le socle scientifique est une chance et les pêcheurs l’estiment eux aussi important. A partir d’avis scientifiques partagés, nous pourrons avoir des démarches convergentes.
Propos recueillis par FXG