Proces Alexis - 7e jour
Un accusé mal identifié et une piste patronale non démontrée
L’audience, hier, du procès en appel de Ruddy Alexis devant la cour d’assises de Paris, a débuté avec l’audition du Patrice Harris. Un camarade qui a passé une partie de la soirée du 17 février avec l’accusé. Malgré cette proximité, Patrice Harris dit qu’il n’a pas vu la personne qui a tiré sur la voiture de Jacques Bino. Me Malouche le reprend : « Vous disiez pourtant l’avoir identifié en 2009… » « Je n'ai jamais désigné Ruddy, j'ai toujours dit que j'avais vu quelqu'un », assure le témoin. L’avocat général Courroye lui rappelle à son tour qu’en 2010, il a déclaré avoir vu tirer Alexis sur le boulevard Légitimus… Le témoignage par visioconférence, l’après-midi, d’Agnès Dursus, sera plus éloquent : « J’ai vu un homme tirer sur un véhicule qui essayait de repartir en marche arrière. » La dame était alors à son balcon, au 4e étage de la cité Henri IV. « J’étais au-dessus de lui. Il avait un genou à terre, dans une position très expérimentée. » Selon le témoin, il y a eu deux détonations successives et le tireur était au sein d’un groupe de quatre personnes. Par contre, elle estime que ce tireur est « un peu plus grand que M. Alexis ».
Entre ces deux témoignages, la cour a procédé à l’audition d’un enseignant et blogueur, auteur d’un livre sur le mouvement social de 2009, « LKP Guadeloupe, les 44 jours », aux éditions Syllepse. Il vient présenter d’une manière un peu maladroite, qui semble embrouiller les jurés, une autre piste. Il raconte après moults rappels inutiles, qu’après la mort de Jacques Bino, un commando de quatre personnes en scooter, vêtus de treillis noirs, cagoulés et armés, ont tiré sur le dénommé Jimmy Lautric avec une balle de gros calibre. Il se demande si ce sont des « milices patronales » ou « l’Etat ». « Vous n’avez pas assisté aux faits », lui dit Me Tacita, partie civile. « Deux témoins disent avoir vu M. Alexis tirer. Pourquoi cette thèse serait-elle moins fiable que la vôtre », demande Me Malouche, en partie civile aussi. « L’arrêt d’acquittement parle d’incohérence et de contradiction », coupe Me Démocrite en défense. Le ministère public, Philippe Courroye, parle quant à lui de « thèse plus suggérée que démontrée ». Il relit les déclarations de Lautric et en conclut qu’il n’a pas été touché par une balle Brenneke, contrairement çà Jacques Bino, puisqu’après avoir été touché à la jambe, il a pu partir en courant... Me Démocrite regrette que le 22 mai 2012, la chambre criminelle ait refusé d’ordonner des investigations complémentaires sur la piste Lautric. Me Daninthe, en défense aussi, revient sur « la thèse des patrons qui défendent leurs biens » et signale que le patron de la Sodelec aurait tiré sur des casseurs. Il envisage aussi l’hypothèse des braqueurs de casseurs…
Peter O’Brien qui était dans la voiture avec Jacques Bino vient à la barre. Il raconte s’être retrouvé face au tireur après la mort de son camarade, avoir passé trois heures avec le corps avant que les secours n’arrivent… Mais surtout, il affirme avoir entendu : « Ils se sont trompés, c’était pas la BAC. » Une phrase qui donne corps à l’accusation qui défend depuis le début la thèse de l’erreur de cible.
Ce matin, la cour devrait revenir sur la reconstitution, puis les parties civiles devraient plaider. Réquisitoire et plaidoiries de la défense sont attendus demain.
FXG, à Paris