Proces des avocats Tacita et Aristide et du journaliste Massicot
Les avocats guadeloupéens dénoncent à Paris une justice qui dysfonctionne
C’était à fleurets mouchetés dans la salle de la 17e chambre correctionnelle de Paris, là où on jugea les 18 Guadeloupéens proches du GONG en avril 1968… Surtout après l’annonce du rejet de la question prioritaire de constitutionnalité au début de cette deuxième audience. Pourtant, on était quasiment entre Antillais dans cette salle, sans opposition véritable, faute de partie civile et de dépaysement de l’affaire. Juste trois magistrats, un greffier, un huissier et un parquetier, face à une quinzaine d’avocats des barreaux de la Martinique et de la Guadeloupe et une poignée ou deux de soutiens et de journalistes locaux ! Les prévenus, Mes Aristide et Tacita ont livré au tribunal un tableau inquiétant du fonctionnement de la justice dans le ressort de Pointe-a-Pitre : « Un procureur qui participe régulièrement à une émission de télévision, animée par quelqu’un qui sera condamné pour avoir publié la liste des personnes poursuivies et condamnées dans sa juridiction ; Des écoutes téléphoniques illicites d’un avocat avec son client dans un dossier d’instruction les concernant ; Une chambre de l’instruction, à Basse-Terre, qui annule souvent, même si parfois partiellement, des actes de ce juge d’instruction ; Un même juge qui se moquerait du barreau de la Guadeloupe : « Quand est-ce qu’ils vont descendre de leur cocotier ? » ; Des plaintes déposées par les deux avocats pour violation du secret professionnel par ce magistrat… »
Au final, Mes Aristide et Tacita, à la sortie d’une de ces audiences d’appel au chef-lieu, qui doit juger de la validité ou non des écoutes dont ils se plaignent, s’expriment aux micros et camera de RFO… « Dès lors qu’on autorise des écoutes illicites, c’est toute la démocratie qui est en péril », déclare Aristide. « Beaucoup d’irrégularités étayent ce dossier », déclare Tacita sur l’affaire Calodat ou Saint-Sauveur… Jacky Massicot le journaliste parle en commentaire de « sordide affaire », de « scandale des écoutes illicites » et d’un juge d’instruction « déjà montré du doigt ». Le parquet pointois a retenu ces phrases et poursuit. Le lendemain, le procureur les traite d’ « affabulateurs » dans les media. C’est la guerre ouverte entre le barreau qui fait bloc avec ses avocats et le parquet et son proc (parti depuis a Aix-en-Provence, ndlr).
Il en était tout autre à Paris, hier… La procureure, Annabelle Philippe, « ni partie poursuivante, ni partie civile », se retranche dans un rôle de « rapporteur public », simple avocate de la loi. Elle ne requiert pas, mais retient les seules phrases du journaliste dans la prévention de diffamation publique envers un magistrat. Elle accorde la bonne foi aux avocats et refuse le « sérieux de l’enquête » et « la prudence nécessaire » au journaliste.
La présidente, Anne-Marie Sauteraud, est placide et à l’écoute. Elle rappelle à l’ordre Me Germany pour une parole intempestive adressée à l’avocat de Patrick de Carolis… Patrice Tacita qui a appris le théâtre avec Philippe Calodat semble à son aise de l’autre coté de la barre. Lyrique et tragique : « J’ai eu le sentiment qu’on s’essuyait les pieds sur ma robe d’avocat… » Me Aristide rappelle que la plainte qui les a conduits devant ce tribunal, a été déposée par la juge d’instruction, Céline Charloux, le 22 janvier 2009 alors même qu’elle revendique la défense du LKP et de l’UGTG, des étrangers en situation irrégulière, le combat contre « le chlordecone, les gros colons bananiers et l’épandage aérien »… « Ce dossier a été monté par des magistrats que nous dérangeons », conclut-elle. Les dix avocats de la défense prennent le relais. Me Jabouley : « Le magistrat a commis une faute personnelle, détachable du service… Me Edwige : « Qui peut contester leurs vérités sur les écoutes illicites ? » Me Rhodes : « La relaxe s’impose… » Me Ursulet : « Si la justice était rendue dans l’Hexagone comme elle est rendue quelque fois en Guadeloupe et en Martinique, le pays serait à feu et a sang. » Socrate Tacita plaide pour son fils ses 55 ans de barreau… « J’ai l’impression que l’on rejette tout sur le journaliste, alors qu’aucun élément ne vient démontrer qu’il n’a pas fait son travail », plaide le bâtonnier Ezelin.qui conclut vers 21 heures les plaidoiries. L’affaire a été mise en délibéré au 4 juillet.
FXG, à Paris