Proces Mamodtaky, 11e jour
11e jour du procès Mamodtaky
Audition du ministre de la Justice de Ratsiraka
Les auditions de témoins en visioconférence ont repris lundi à la cour d’assises de Créteil. La cour juge en appel depuis deux semaines le Karane Mamod Abasse Mamodtaky, accusé d’assassinat sur cinq membres de la famille francaise de sa femme et de blessures volontaires sur cinq autres. La tuerie a eu lieu dans la périphérie de Tananarive le 22 avril 2001. Deux ou trois hommes, Jean-François Crozet, vigile à la Réunion (accessoirement indicateur dans le quartier du Chaudron), Yohan Babar Ali, un Pakistanais qui vit avec la sœur aînée de l’accusé, et Mamodtaky (qui nie sa présence) auraient fait feu sur la famille Remtoula lors d’un pique-nique. Anita Remtoula accuse son ex-mari d’avoir tiré sur elle… Bien qu’arguant d’un alibi, (il aurait été avec sa maîtresse Marianne à Antsirabé au moment des faits), Mamodtaky s’est caché et dit avoir organisé sa fuite, prenant ses instructions du ministre de la Justice, en poste de 1997 à 2002, Anaclet Imbiki.
Ce dernier était interrogé hier. « Mamodtaky vous accuse d’être l’organisateur de cette tuerie, lance Me Baloup, partie civile, il en donne pour preuve la Kalachnikov sortie de la gendarmerie qui a servi à tuer, la disparition de douilles... Vous auriez eu peur des révélations d’Anita Remtoula. » « Je ne vois pas quel intérêt, répond l’ancien ministre, j’aurais eu à parlementer avec quelqu’un poursuivi par l’opinion publique pour un crime si atroce… » Me Gilles Duquet, partie civile aussi, l’interroge sur les appels passés au ministre. Imbiki nie tout coup de fil avec Mamodtaky. L’ancien ministre reconnaît avoir connu les époux Mamodtaky, avoir fréquenté leur magasin, ne pas se souvenir avoir bénéficié de ristournes ou de gratuité… « Sachant qu’on était fragilisé par le coup d’Etat de février 2002, c’était facile de rejeter tout sur nous. » L’avocat général, Jean-Paul Content, lui demande si c’est lui qui a ordonné au medecin-colonel de rédiger le faux acte de décès de Babar Ali. Il nie. « J’ai dit au juge d’instruction de prendre avec suspicion l’auto-accusation de Babar Ali et j’ai été réticent avec sa demande d’hospitalisation. » « Il a pourtant été hospitalisé », conclut le parquetier.
Me Dupond-Moretti reprend : « Mamodtaky a reconnu des magouilles fiscales et douanières qui vous ont enrichis. Anita voulait en parler… » Il change de registre : « Connaissez-vous Mme Berthe ? » Devant les dénégations du témoin, il répond lui-même : « Mamodtaky dit qu’elle était greffière au palais et votre maîtresse, qu’elle était sur les lieux de la tuerie et qu’elle n’a jamais été entendue. » « C’est une diffamation ! », lance M. Imbiki « Et le bateau pour la fuite ? Le kipper dit que le premier bateau sur lequel Babar Ali et Mamodtaky ont embarqué était le vôtre… » « Je n’ai pas de bateau. » Me Dreyfus-Schmidt reprend : « Un compte-rendu de la fuite de l’accusé et de Babar Ali, signé de votre main et daté du 7 juillet 2002, à l’intention du president de la République, entérine les propos du procureur de Tana qui aurait déclaré avoir essayé d’appeler Mamodtaky toute la soirée du massacre, sans parvenir à le joindre… » Elle rappelle qu’Anita Remtoula et son frère Alexandre (mort lors de la tuerie) avaient déjà fait des révélations compromettantes sur le pouvoir en place et que l’opposition s’en était fait l’écho. « Anita dit que vous l’aviez reçue le 1er mars 2001 pour négocier la libération de son frère et l’interdiction de sortie du territoire de sa fille contre son silence… » « C’est la compétence du ministre de l’Intérieur », se défend le témoin… Anita les accuse, lui et sa femme, de s’être servis dans le magasin. Elle assure que sa maison secondaire même lui a été payée par Mamodtaky… « Etes-vous corrompu M. Imbiki, demande Me Briot. Anita a déclaré qu’elle vous avait vu retirer des fonds en sa présence. » « Elle ment ! », coupe le témoin. « Alors pourquoi avoir fait libérer son frère le 5 mars 2001 ? »
Anaclet Imbiki enseigne désormais l’éthique et la déontologie à l’école nationale de la magistrature de Madagascar. Son president, Didier Ratsiraka, a, lui, été jugé pour avoir détourné des fonds publics du FMI.
FXG, à Créteil