Procès Mamodtaky, 5e jour
Mamodtaky donne sa version
Mamod Abasse Mamodtkaty a été invité à se lever dans son box, hier, pour répondre aux questions de la cour d’assises de Créteil. Il pose ses lunettes. Il porte une chemise bleue et parle d’une voix très douce. Durant toute sa longue audition, il alterne deux positions : ses mains croisés devant son ventre ou les bras croisés sur son torse. Il déroule son emploi du temps à partir du 21 avril 2001, date de la tuerie de la famille de son ex-femme, Anita Remtoula.
Le samedi 21 avril, Mamodtaky était à son magasin « Séduction », à Tananarive. Sa sœur Fazila tient la caisse et son beau-frère Johan Babar Ali, assure la sécurité à l’entrée. Sa fille Chahista dont il a la garde est chez lui à la garde de sa mère. Son père, divorcé, vit à la Réunion où il a une compagne. « J’ai emmené Marianne Razafimanana (avocate malgache et maîtresse de Mamodtaky, ndlr) dîner chez moi. Je l’ai ensuite ramenée chez elle avant d’aller seul en boîte de nuit. J’ai du rentrer tard. » Le lendemain, c’est-à-dire le jour de la tuerie, il déclare s’être rendu au magasin jusqu’à 13 heures, avoir déjeuné avec Marianne et être allé voir un problème de construction sur bâtiment appartenant à sa mère pas loin du magasin. « Je suis parti vers 14 heures pour Antisrabé avec Marianne dans sa 405 rouge. On est arrivé vers 17 heures, on s’est promené et on a dîné au Diamant. Vers 20 heures, Marianne et moi avons reçu des appels nous annonçant une fusillade chez les Remtoula, qu’il y avait des blessés, des morts… Ma sœur m’adit qu’elle avait reçu des menaces me concernant. J’étais paniqué, on est rentré à Tana, chez Marianne, vers minuit. Mon premier réflexe a été de prendre des nouvelles de mon ex-épouse à l’hôpital… » La famille, nombreuse sur les rangs de la partie civile, fait non de la tête. Le lundi matin, il prend connaissance de la presse. « On m’accusait, me déclarait organisateur de la tuerie, faisait état de mes problèmes avec la famille Remtoula… Je suis resté toute la journée chez Marianne. » Le mardi, une brève dans un journal lui apprend que sa tête est mise à prix pour 1 million de francs français (150 000 €). « C’est alors que j’ai appelé le procureur de la République. Selon les instructions du ministre de la Justice, il m’a dit de quitter Tana. J’ai pris contact pour affréter un avion. On m’a demandé d’arrêter ça pour aller à Tamatave d’où je quitterai Madagascar par bateau. Marianne est allé chercher mon passeport et de l’argent ; elle est revenue avec Babar Ali… » Marianne, Babar Ali et Mamodtaki serait alors parti en taxi pour Tamatave à sept heures de route. A l’arrivée, il se rend chez la doyenne des juges d’instruction qui a reçu elle aussi des instructions du ministre de la Justice.« Tamatave, explique l’accusé, est le fief des partisans de Didier Ratsiraka, le président alors au pouvoir. » C’est un véhicule officiel, « d’un député », conduit par le maire de Tamatave qui les emmène au port. Ils doivent partir à bord d’un navire appartenant « à quelqu’un du pouvoir ». Finalement, ils sont transférés sur le voilier de Michel Guy, un Français établi dans la ville. 3on a embarqué avec Babar Ali pour aller aux Comores. Un appel radio nous a dérouté et on navigué plusieurs jours pour arriver à Mombassa au Kenya. On voulait se rendre directement au Pakistan, mais j’étais trop malade en mer… » Du Kenya, ils prennent un vol pour Singapour avant d’atterrir à Karachi. Yohan Babar Ali en profite pour aller chez lui et au bout de quelques jours, Mamodtaki veut partir. Il arrive aux Comores. Il appelle le ministre de la Justice : « Ce n’est pas possible de me faire fuir comme ça. Je veux rentrer et dire tous les conflits avec les Remtoula, tous les documents compromettants concernant le pouvoir en place… Le ministre a proposé à Babar Ali qu’il s’accuse des faits. On est rentré en bateau et Babar Ali s’est constitué prisonnier chez le juge. » Mamodtaki reste ensuite à Madagascar jusqu’en 2003. Entre temps, Babar Ali est déclaré mort en prison et il est parti, bien vivant, s’installer à Garges-les-Gonesses. Mais en 21002, le président Ratiraka perd les élections. « Tous ceux qui étaient pour Ratsiraka ont été expulsés », avance Mamodtaky. Et en septembre 2003, les autorités lui confisquent son passeport et l’expulsent vers le Pakistan via Maurice où il va rester bloqué. L’audience reprend lundi avec l’examen des faits, la lecture des dépositions de Babar Ali et l’interrogatoire de l’accusé.
FXG, à Créteil