Raphaël Elizé sur France 3
Le métis de la République, le 10 mars sur France 3
En 1996, Max Elizé raconte à Olivier Roncin, producteur de télévision, l’histoire de son oncle, Raphaël Elizé. En 2007, après le tournage du film « Cahier d’un retour au pays natal », Aimé Césaire interpelle le même Roncin : « Maintenant, tu dois faire un film sur un nègre qui n’est pas revenu »… Le 10 mars prochain, aux alentours de minuit, « La case de l’oncle doc », sur France 3, diffuse « Le métis de la République ». En 52 minutes, le réalisateur Philippe Baron raconte les 54 ans de la vie du premier maire afro-antillais de l’Hexagone, l’arrière petit-fils d’une esclave affranchie, prénommée Elise. « Un destin exemplaire et romanesque qui résonne encore aujourd’hui », estime le producteur. Mais aussi un destin tragique. Raphaël Elizé est d’abord le fils d’un fonctionnaire de Saint-Pierre qui parvient à quitter la capitale martiniquaise juste avant l’éruption de la Pelée. Il a 11 ans et l’événement provoque la mutation du père à Paris. Au lycée Buffon d’abord, puis à l’école vétérinaire de Lyon, le jeune Elizé fait partie de ces premiers Afro-antillais que les métropolitains connaissent encore si peu. Il a 22 ans quand la grande guerre le transporte sur le front de la Marne où il soigne les chevaux sous les tirs nourris de l’artillerie allemande. Il reçoit la croix de guerre. Le 11 novembre 1918 sonnent les cloches de l’armistice… Raphaël Elizé regarde la carte de France des vétérinaires. A Sablé-sur-Sarthe, petite ville aux confins du Maine et de l’Anjou, il n’y en a pas. Il s’y installe avec son épouse, Caroline Hayot, mulâtresse comme lui. Le Martiniquais croit aux valeurs de la République, à sa logique d’intégration universaliste tandis que la France exalte son rôle civilisateur dans ses colonies. C’est en faisant son boulot de vétérinaire qu’il se fait accepter par les paysans sarthois, en sauvant leurs vaches. En 1924, il entre au Parti socialiste. Après un premier échec à la mairie de Sablé en 1925, il se fait élire maire en 1929. C’est un visionnaire et un humaniste. Il construit une école, une maison du peuple, une piscine… Il se fait réélire en 1935, l’année même où il retourne en Martinique pour les fêtes du tricentenaire. L’occasion pour lui de retrouver l’un de ses frères, élu de Saint-Pierre. Mélomane, lettré, parfait germaniste et photographe, Raphaël Elizé est devenu un bourgeois de la Sarthe. En septembre 1939, il participe à la Drôle de guerre comme capitaine. Quand il revient, le 9 août 1940, la fedkommandantur trouve « insupportable de reconnaître comme maire un noir et de discuter avec lui ». Il est destitué. Il profite alors de son travail de vétérinaire, notamment pour la Kommandantur, et de ses dons en allemand pour glaner des renseignements qu’il transmet au sein du réseau Buckmaster. En 1943, il est dénoncé et arrêté, avant d’être déporté à Buchenwald. Il y trouve la mort le 9 février 1945 lors d’un bombardement allié. Deux mois auparavant, il écrivait : « Bon Dieu, qu'ils nous tuent tous, et que la terre soit débarrassée de ces sauvages. »
Après avoir vu ce documentaire, Kader Arif, ministre délégué à la mémoire combattante, déclarait : « J’ai découvert une memoire oubliée… » Son collègue de l’Agriculture, le Sarthois Stéphane Le Foll : « Il aurait du avoir une grande histoire, au lieu de quoi la mort l’a fait disparaître de nos mémoires. »
Le film laisse un sentiment de malaise, de gâchis.
FXG, à Paris