Referendum en débat à l'Assemblée nationale
Les députés débattent du 73 et du 74
Un débat légal, pour la forme, d’une heure et demie et sans vote mais qui a soulevé les mêmes passions telles qu’on peut les vivre actuellement en Martinique. Et bien peu de monde dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, hier soir. Treize députés dont huit d’outre-mer, dont onze à s’exprimer derrière les propos liminaires de Marie-Luce Penchard, très calme et très neutre qui voulait dépassionner le débat : « Le 74 n’est ni un abandon de la République, ni une exclusion de l’Europe. » Elle a rappelé les termes et les enjeux des deux questions qui seront posées les 10 et 24 janvier 2010. « Le 10, il s’agit de se prononcer sur l’autonomie institutionnelle, le 24, il s’agira de la rationalisation des structures administratives. » Si sept élus martiniquais ou quatre guyanais (parlementaires ou conseillers général ou régional) s’affilient, ils auront droit à faire une semaine de campagne avant chaque scrutin avec deux heures d’antenne radio et autant de télé. Premier martiniquais à parler, Alfred Almont qui a rappelé que 74 % des élus du congrès avaient opté pour le 74 et 90 % pour ma collectivité unique. « Je fais à nouveau le choix de l’article 73 rénové », a-t-il dit sans surprise. Serge Létchimy a parlé d’un événement pour la République. « L’égalité n’est pas une demande d’assistanat et l’autonomie doit se faire dans l’égalité des droits, là se pose le problème de la conception assimilationniste de la République. « Je souhaite une assemblée instituante qui présenteraient les grands principes de la loi organique. » Il a renouvelé ses instructions de vote, non le 10 et oui, le 24. Cette dernière date devant être une « étape inaugurale aux pouvoirs d’habilitation pour légiférer au-delà de deux ans. Il faut constitutionnaliser l’autonomie comme en Espagne. »
Trahir sa mission
Derrière lui, Alfred Marie-Jeanne a évoqué « un cadre plus adapté, un carcan pour l’initiative ». Il a rappelé les 1030 voix qui avaient manqué en 2003 pour affirmer : « Nous ne sommes pas des hors-la-loi ! Le 10 janvier, la question est sans équivoque car le 74 est l’ajustement permanent, sur mesure et sur demande. » Et sans citer le maire de Fort-de-France, mais à son adresse et avec les mots de Frantz Fanon, le président du conseil régional a conclu : « Remplir sa mission ou la trahir… » Louis-Joseph Manscour a regretté « l’âpreté passionnelle des débats, jusque sur Internet… » Le député maire de Trinité a rendu hommage à Césaire et Mitterrand qui « ont compris qu’il fallait concilier nationalité française et identité martiniquaise » pour mieux rappeler qu’il fallait « donner un second souffle à la gouvernance locale » mais que le processus était mal engagé : « On ne peut se cacher derrière le vote de 65 élus certes légitime. Il fallait un consensus des 900 élus martiniquais. » Puis il a réaffirmé le choix du parti socialiste : « Nous avons fait le choix du 73 révisé avec une évolution institutionnelle maîtrisée et sécurisée et non une évolution statutaire non maîtrisée. » Trois députés pour le 73 rénové et un seul pour le 74.
Les Guyanaises du 74
Au moins Chantal Berthelot et Christiane Taubira, les deux députées de Guyane, étaient d’accord sur le 74. Mme Taubira a remarqué les « circonstances pas banales » de ce débat mais elle a reproché à Mme Penchard de s’être limitée à un exercice juridique, sans état des lieux. Elle s’est livrée à un procès contre l’Etat et ses carences : impôts, éducation, logement, diplomatie… Mais elle abrège la litanie des reproches. « Il faut passer de l’exception à la règle car la loi républicaine n’a pas vocation à fournir de l’uniformité. La défaite de l’Etat est qu’il a fait de ces territoires une tout de Babel. Le 10 janvier, ce n’est pas la honte ou l’humeur ! On ne peut gagner contre l’histoire avec la géographie… » Pour elle, le 74, « c’est une chance, un espoir, une audace ». Chantal Berthelot a regretté le choix du président de proposer la question du 24 janvier : « Cette question n’est pas issue des résolutions du congrès. Je rappelle que 42 élus ont voté pour le 74 et que cinq se sont abstenus. Pour parer le non développement (et pas le mal développement, insiste-t-elle), pour la Guyane de 2030 engagée dans le développement durable et endogène (il y aura 400 000 habitants), le 74 offre de la souplesse, des marges de manœuvre et une visibilité à long terme. Ne sous-estimons pas les difficultés ayons la conviction de nos atouts humains et naturels. » Car il s’agira de négocier avec le gouvernement une loi organique qui sera écrite par le Parlement et le gouvernement. « Il faudra ferrailler », n’a pas manqué de dire Christiane Taubira. Ce qui a fait dire à son collègue martiniquais, Louis-Joseph Manscour : « Mon père était ferrailleur et je ne pense pas que l’on doive doivent ferrailler ! »
FXG, agence de presse GHM
Ils ont dit
Marie-Luce Penchard
« Le gouvernement tirera les enseignements de ces consultations à partir des résolutions et des délibérations qui ont été prises par le Congrès. Si le oui l’emporte le 10 janvier, ce sera une loi organique, si c’est oui le 24, ce sera une loi ordinaire qui va préciser les modalités de mise en place de cette collectivité unique qui regroupera les compétences du département et de la Région. Le gouvernement n’entend pas prendre parti. Quel que soit le choix, ce sera le bon car ce sera celui de la démocratie. Le statut doit être au service du projet. »
Serge Létchimy
« C’est après le vote que la loi organique, dans une négociation qui peut durer trois à quatre ans, va conclure sur les résolutions du congrès. On a un vrai problème de démocratie. La ministre n’a fait que rappeler la loi. Ce n’est pas à la population de se plier à un numéro, un article, il s’agit de faire en sorte que cette constitution s’adapte. Le PPM fait une campagne claire. Il faut aller vers une gouvernance globale et utiliser à la fois le social, l’économique, le fiscal tout en étant dans l’égalité des droits. On ne joue pas aux dés pour changer de numéro. Il y en a qui sont plus pressés que le temps. Je considère que c’est parce qu’on est pressé qu’il faut prendre le temps. Certains parlent d’âge, mais je pense qu’il faut être lucide. A partir du moment où vous faîtes des observations qui ne vont pas dans le sens des seigneurs, vous devenez une cible privilégiée, à abattre. »
Alfred Marie-Jeanne
« Je ne suis pas déçu par le comportement du gouvernement ni par la prise de position du président de la République. Les élus ont voté au congrès pour un changement institutionnel et statutaire. Le problème qui se pose ce sont les gens qui, hier, étaient pour une évolution, fervents défenseurs paraît-il de l’autonomie et qui se débinent, prennent la poudre d’escampette. Il y en a un que je ne vais pas nommer qui a voté pour le 74 et qui, quelques semaines après, s’est déjugé. Comment dans ces conditions ne pas comprendre l’embarras dans lequel on met l’électeur ? L’article 73 est mortifère, contraignant, ingérable. On demande de passer tout simplement comme le prévoit la Constitution à un article 74 avec des compétences autres pour défendre les intérêts propres de la Martinique. Qui serait contre ? Levez la main. La peur ne doit pas être un argument électoral. La finance a préparé des avions avec des banderoles pour voter contre le 74… »
Alfred Almont
« Nous ne pouvons pas recommander à notre niveau de passer dès à présent à l’article 74, qui indique que le statut de la collectivité réside dans une loi organique. C’est vrai que dans cet article, les avantages sociaux sont maintenus. Ils ne font pas partie des compétences transférées. Ils sont de droit et pas de fait, mais ils ne reposent que sur une loi organique. Ils cessent d’être constitutionnels pour devenir organiques, c’est une fragilité qui en résulte. Il faut cependant faire un pas ; le statu quo est condamnable. Il n’est pas nécessaire d’aller vite, le tout est de ne pas s’arrêter. En 2003, nous avons déjà fait l’expérience. Le 73 rénové présenté comme révolutionnaire et il m’apparaît encore aujourd’hui comme sécurisant car il permet d’éprouver une autogestion réellement intéressante. »
Louis-Joseph Manscour
« Il n’y a pas lieu ni pour de l’improvisation, ni pour de la démagogie, mais pour la responsabilité. Dans la conjoncture économique dans laquelle nous nous trouvons, l’article 73 rénové nous offre des solutions d’évolution dans un cadre maîtrisé et sécurisé. Il y a des possibilités d’habilitation, un changement institutionnel conséquent. Alors que le 74 n ‘offre pas les contours nécessaires puisqu’il y aura une loi organique qui viendra après et qu’on ignore. Et comme dit Mme Taubira, il faudra ferrailler pour obtenir ce qu’on veut de la métropole. »
Un débat légal, pour la forme, d’une heure et demie et sans vote mais qui a soulevé les mêmes passions telles qu’on peut les vivre actuellement en Martinique. Et bien peu de monde dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, hier soir. Treize députés dont huit d’outre-mer, dont onze à s’exprimer derrière les propos liminaires de Marie-Luce Penchard, très calme et très neutre qui voulait dépassionner le débat : « Le 74 n’est ni un abandon de la République, ni une exclusion de l’Europe. » Elle a rappelé les termes et les enjeux des deux questions qui seront posées les 10 et 24 janvier 2010. « Le 10, il s’agit de se prononcer sur l’autonomie institutionnelle, le 24, il s’agira de la rationalisation des structures administratives. » Si sept élus martiniquais ou quatre guyanais (parlementaires ou conseillers général ou régional) s’affilient, ils auront droit à faire une semaine de campagne avant chaque scrutin avec deux heures d’antenne radio et autant de télé. Premier martiniquais à parler, Alfred Almont qui a rappelé que 74 % des élus du congrès avaient opté pour le 74 et 90 % pour ma collectivité unique. « Je fais à nouveau le choix de l’article 73 rénové », a-t-il dit sans surprise. Serge Létchimy a parlé d’un événement pour la République. « L’égalité n’est pas une demande d’assistanat et l’autonomie doit se faire dans l’égalité des droits, là se pose le problème de la conception assimilationniste de la République. « Je souhaite une assemblée instituante qui présenteraient les grands principes de la loi organique. » Il a renouvelé ses instructions de vote, non le 10 et oui, le 24. Cette dernière date devant être une « étape inaugurale aux pouvoirs d’habilitation pour légiférer au-delà de deux ans. Il faut constitutionnaliser l’autonomie comme en Espagne. »
Trahir sa mission
Derrière lui, Alfred Marie-Jeanne a évoqué « un cadre plus adapté, un carcan pour l’initiative ». Il a rappelé les 1030 voix qui avaient manqué en 2003 pour affirmer : « Nous ne sommes pas des hors-la-loi ! Le 10 janvier, la question est sans équivoque car le 74 est l’ajustement permanent, sur mesure et sur demande. » Et sans citer le maire de Fort-de-France, mais à son adresse et avec les mots de Frantz Fanon, le président du conseil régional a conclu : « Remplir sa mission ou la trahir… » Louis-Joseph Manscour a regretté « l’âpreté passionnelle des débats, jusque sur Internet… » Le député maire de Trinité a rendu hommage à Césaire et Mitterrand qui « ont compris qu’il fallait concilier nationalité française et identité martiniquaise » pour mieux rappeler qu’il fallait « donner un second souffle à la gouvernance locale » mais que le processus était mal engagé : « On ne peut se cacher derrière le vote de 65 élus certes légitime. Il fallait un consensus des 900 élus martiniquais. » Puis il a réaffirmé le choix du parti socialiste : « Nous avons fait le choix du 73 révisé avec une évolution institutionnelle maîtrisée et sécurisée et non une évolution statutaire non maîtrisée. » Trois députés pour le 73 rénové et un seul pour le 74.
Les Guyanaises du 74
Au moins Chantal Berthelot et Christiane Taubira, les deux députées de Guyane, étaient d’accord sur le 74. Mme Taubira a remarqué les « circonstances pas banales » de ce débat mais elle a reproché à Mme Penchard de s’être limitée à un exercice juridique, sans état des lieux. Elle s’est livrée à un procès contre l’Etat et ses carences : impôts, éducation, logement, diplomatie… Mais elle abrège la litanie des reproches. « Il faut passer de l’exception à la règle car la loi républicaine n’a pas vocation à fournir de l’uniformité. La défaite de l’Etat est qu’il a fait de ces territoires une tout de Babel. Le 10 janvier, ce n’est pas la honte ou l’humeur ! On ne peut gagner contre l’histoire avec la géographie… » Pour elle, le 74, « c’est une chance, un espoir, une audace ». Chantal Berthelot a regretté le choix du président de proposer la question du 24 janvier : « Cette question n’est pas issue des résolutions du congrès. Je rappelle que 42 élus ont voté pour le 74 et que cinq se sont abstenus. Pour parer le non développement (et pas le mal développement, insiste-t-elle), pour la Guyane de 2030 engagée dans le développement durable et endogène (il y aura 400 000 habitants), le 74 offre de la souplesse, des marges de manœuvre et une visibilité à long terme. Ne sous-estimons pas les difficultés ayons la conviction de nos atouts humains et naturels. » Car il s’agira de négocier avec le gouvernement une loi organique qui sera écrite par le Parlement et le gouvernement. « Il faudra ferrailler », n’a pas manqué de dire Christiane Taubira. Ce qui a fait dire à son collègue martiniquais, Louis-Joseph Manscour : « Mon père était ferrailleur et je ne pense pas que l’on doive doivent ferrailler ! »
FXG, agence de presse GHM
Ils ont dit
Marie-Luce Penchard
« Le gouvernement tirera les enseignements de ces consultations à partir des résolutions et des délibérations qui ont été prises par le Congrès. Si le oui l’emporte le 10 janvier, ce sera une loi organique, si c’est oui le 24, ce sera une loi ordinaire qui va préciser les modalités de mise en place de cette collectivité unique qui regroupera les compétences du département et de la Région. Le gouvernement n’entend pas prendre parti. Quel que soit le choix, ce sera le bon car ce sera celui de la démocratie. Le statut doit être au service du projet. »
Serge Létchimy
« C’est après le vote que la loi organique, dans une négociation qui peut durer trois à quatre ans, va conclure sur les résolutions du congrès. On a un vrai problème de démocratie. La ministre n’a fait que rappeler la loi. Ce n’est pas à la population de se plier à un numéro, un article, il s’agit de faire en sorte que cette constitution s’adapte. Le PPM fait une campagne claire. Il faut aller vers une gouvernance globale et utiliser à la fois le social, l’économique, le fiscal tout en étant dans l’égalité des droits. On ne joue pas aux dés pour changer de numéro. Il y en a qui sont plus pressés que le temps. Je considère que c’est parce qu’on est pressé qu’il faut prendre le temps. Certains parlent d’âge, mais je pense qu’il faut être lucide. A partir du moment où vous faîtes des observations qui ne vont pas dans le sens des seigneurs, vous devenez une cible privilégiée, à abattre. »
Alfred Marie-Jeanne
« Je ne suis pas déçu par le comportement du gouvernement ni par la prise de position du président de la République. Les élus ont voté au congrès pour un changement institutionnel et statutaire. Le problème qui se pose ce sont les gens qui, hier, étaient pour une évolution, fervents défenseurs paraît-il de l’autonomie et qui se débinent, prennent la poudre d’escampette. Il y en a un que je ne vais pas nommer qui a voté pour le 74 et qui, quelques semaines après, s’est déjugé. Comment dans ces conditions ne pas comprendre l’embarras dans lequel on met l’électeur ? L’article 73 est mortifère, contraignant, ingérable. On demande de passer tout simplement comme le prévoit la Constitution à un article 74 avec des compétences autres pour défendre les intérêts propres de la Martinique. Qui serait contre ? Levez la main. La peur ne doit pas être un argument électoral. La finance a préparé des avions avec des banderoles pour voter contre le 74… »
Alfred Almont
« Nous ne pouvons pas recommander à notre niveau de passer dès à présent à l’article 74, qui indique que le statut de la collectivité réside dans une loi organique. C’est vrai que dans cet article, les avantages sociaux sont maintenus. Ils ne font pas partie des compétences transférées. Ils sont de droit et pas de fait, mais ils ne reposent que sur une loi organique. Ils cessent d’être constitutionnels pour devenir organiques, c’est une fragilité qui en résulte. Il faut cependant faire un pas ; le statu quo est condamnable. Il n’est pas nécessaire d’aller vite, le tout est de ne pas s’arrêter. En 2003, nous avons déjà fait l’expérience. Le 73 rénové présenté comme révolutionnaire et il m’apparaît encore aujourd’hui comme sécurisant car il permet d’éprouver une autogestion réellement intéressante. »
Louis-Joseph Manscour
« Il n’y a pas lieu ni pour de l’improvisation, ni pour de la démagogie, mais pour la responsabilité. Dans la conjoncture économique dans laquelle nous nous trouvons, l’article 73 rénové nous offre des solutions d’évolution dans un cadre maîtrisé et sécurisé. Il y a des possibilités d’habilitation, un changement institutionnel conséquent. Alors que le 74 n ‘offre pas les contours nécessaires puisqu’il y aura une loi organique qui viendra après et qu’on ignore. Et comme dit Mme Taubira, il faudra ferrailler pour obtenir ce qu’on veut de la métropole. »