Résolution Césaire à l'Assemblée nationale
L’Assemblée nationale adopte une résolution en hommage à Césaire
Le débat, hier après-midi, autour d’une résolution rendant hommage au député Césaire qui a siégé sur les bancs du Palais-Bourbon pendant 47 ans, a donné l’occasion d’évoquer l’œuvre du poète et du politique.
L’enjeu de la résolution proposée par Serge Letchimy et le groupe socialiste vise la promotion du multiculturalisme et de la différence, et l’égalité républicaine assortie de la reconnaissance du droit à la différence. Une dizaine de députés étaient inscrits pour prendre part au débat pour une quinzaine de parlementaires présents dans l’hémicycle…
Frédéric Reiss (UMP) a indiqué qu’au nom de son parti, il soutenait la proposition de résolution. Même explication de vote de Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI. Il a déclaré soutenir la résolution même s’il la trouvait un peu réductrice. Noël Mamère, au nom du groupe écolo, a d’abord fait le lien entre le centenaire de Césaire et la fin de vie d’un autre grand combattant de la négritude, Nelson Mandela. Et s’il soutient la résolution, il décoche une rafale au passage pour réclamer un musée de l’esclavage, une fondation sur le colonialisme, la restitution des œuvres d’art pillées dans les anciennes colonies aux XIXe et XXe siècles et encore la reconnaissance de la tuerie du 26 mai 1967 en Guadeloupe. « Qu’allons-nous faire avec ceux qui détiennent 98 % de l’économie des Antilles ? qu’allons-nous faire avec les réparations foncières que propose Mme Taubira ? Laisserons-nous la Nouvelle-Calédonie décider de son avenir entre 2014 et 2018 ? »… Le groupe radical annonce son soutien puis interviennent les députés réunionnais Ericka Bareigts et Jean-Claude Fruteau. « Nous aussi avons vécu l’oppression coloniale », signale ce dernier.
Le vote contre de Nilor
Jean-Philippe Nilor annonce alors qu’au nom du groupe GDR, dont il est le seul représentant sur les bancs, il vote contre. Ses propos témoignent de la vive rivalité qui oppose toujours le PPM aux indépendantistes du MIM et au RDS. « J’affirme, lance-t-il, que ceux qui n’ont que le nom de Césaire à la bouche, piétinent sa pensée. »
Le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, qui a pris le temps de répondre au groupe UDI, a botté en touche quand il s’est agi de M. Nilor : « Je retiens vos mots de respect à Aimé Césaire et ne veux pas m’immiscer dans un sujet de politique martiniquaise. » A Noël Mamère qui évoquait et le particularisme et l’universalisme des Nègres, Lurel réplique : « La négritude est un humanisme ! » Mais c’est Serge Letchimy qui a conclu le débat. « Nous ne voulons pas traduire la pensée de Césaire en dogme ! » Et pour justifier cette résolution il rappelle qu’ici même, naguère, « on y rappelait la hiérarchie des civilisations »… « Nous voulons l’égalité et le droit à la différence même si c’est complexe en droit français car c’est l’orientation fondamentale de Césaire. »
FXG, à Paris
La résolution adoptée
L’Assemblée nationale demande :
1. Que, dans le prolongement de la pensée d’Aimé Césaire, le pluralisme culturel, condition universelle de l’émancipation de l’Homme, soit valorisé de toutes les manières possibles afin que les responsabilités individuelles et collectives soient bien mieux assurées ;
2. Que la capacité des Départements et Régions d’Outre-mer d’exercer des responsabilités et de prendre des initiatives soit renforcée, sans remise en cause de leur acquis et de leur égalité au sein de la République, pour leur permettre de mener leurs projets à terme et d’assurer leur rayonnement dans une pleine valorisation de leur identité, de leurs singularités et de leurs différences.
Trois questions à Jean-Philippe Nilor, groupe GDR
« Les héritiers autoproclamés d’Aimé Césaire sont des rentiers »
Pourquoi avez-vous voté contre ?
Cette résolution n’est pas claire. Un hommage ne se vote pas, ça se rend ou ça ne se rend pas. Aimé Césaire a largement mérité cet hommage qui est une excellente idée. Mais sous couvert de l’émotion et de l’hommage qui doit lui être rendu, on est en train de faire passer en douce les orientations politiques pour l’avenir de la Martinique. Les termes de l’article unique retenu sont les termes exacts que le president du conseil régional et député, Serge Letchimy, appelé la troisième voie. Il n’y a pas de troisième voie qui ne soit une voie de garage, une voie de contournement de la démocratie.
« Tous les députés d’Outre-mer ont été invités par la présidence de l’Assemblee sauf deux députés de Martinique, Alfred Marie-Jeanne et moi-même. »
Nous sommes dans le cadre de l’article 73, il faut respecter le choix des Martiniquais et ne pas passer par Paris pour essayer de contourner un choix qui a été fait très clairement. Mais si on est convaincu qu’il faut aller plus loin, il faut reprendre son cheval de bataille, son bâton de pèlerin et aller au contact du peuple pour expliquer qu’il faut aller plus loin, faire de la pédagogie. Mais pas dans le dos des Martiniquais…
Pourtant tout pas vers le 74 devrait vous satisfaire…
Ce qui est en jeu, c’est le respect de la démocratie. Aimé Césaire était un profond démocrate et il n’aurait pas aimé la manière dont les choses se sont passées. Tous les députés d’Outre-mer ont été invités à un dîner en l’honneur d’Aimé Césaire par la présidence de l’Assemblee sauf deux députés de Martinique alors qu’Aimé Césaire a été député de la Martinique pendant 47 ans ! Sauf deux députés de Martinique : Alfred Marie-Jeanne et moi-même. Si ça, c’est respecter la pensée, l’humanisme et l’esprit de tolérance et d’ouverture d’Aimé Césaire, je crois que ceux qui, aujourd’hui, s’autoproclament héritiers d’Aimé Césaire sont en fait des rentiers qui l’utilisent comme un fonds de commerce électoral, ni plus ni moins.
Vous avez eu ces paroles en séance : « Ce qui n’ont que le nom d’Aimé Césaire à la bouche piétinent sa pensée. »
Ils piétinent sa pensée au quotidien ! il est grand temps de laisser Césaire reposer en paix, de se fonder sur ses écrits, son travail pour poursuivre l’œuvre. Mais il faut arrêter d’utiliser Aimé Césaire à la veille de chaque élection pour essayer de défendre ses intérêts personnels. La Martinique en a assez.
Propos recueillis par FXG, à Paris
La réplique de Serge Letchimy
« Il y a des personnes en mal de pensée et de reconnaissance. Il y a des personnes qui ont toujours combattu Césaire et ce ne sont pas les amis de Césaire qui parlent ainsi. Il faut simplement prendre de la hauteur dans tous ces débats-là, rester sur une ligne et ne pas tomber dans des excès de violence et surtout dans des excès en termes de compréhension de l’idéal césairien. Il faut continuer à travailler pour atteindre les objectifs qu’il a fixés. »