Rhapsodie jazz pour Damas chez Idem
Catherine Lepelletier revisite la vie de Léon-Gontran Damas
Catherine Lepelletier, journaliste de la télévision publique d’outre-mer, est désormais docteur en littérature comparée et enseigne à l’UAG ; elle sort chez Idem son premier roman consacré à Léon-Gontran Damas : Rhapsodie jazz pour Damas. Roman… Pas vraiment. Il s’agit plutôt d’un témoignage que l’auteur a mis en page dans une forme de récit. Mamoune, 89 ans, est la nièce à la mode de Bretagne de Léon Damas. L’auteur, déguisée sous les traits d’une infirmière dispensant des soins à domicile, va faire parler Mamoune pour révéler quelques pans de la personnalité et de l’histoire du 3e père de la négritude. Nous voilà dans les années 1930 avec Robert Desnos au bal nègre de la rue Blomet, chez les sœurs Nardal à Clamart avec Césaire et Senghor. Bon, c’est succint et seul Desnos qui a préfacé le recueil de poèmes, Pigments, fait l’objet de quelques pages intéressantes. Mais le plus saignant dans cet ouvrage, le plus riche, et qui rétablit les regards, ce sont les moments consacrés à la bataille électorale de Cayenne vers 1947-1948 et le combat contre Monnerville et « les Gwo tchap guyanais, avides d’assimilation qui n’avaient aucune idée de ce qu’était vraiment la bourgeoisie mais qui n’avaient qu’une envie celle de lui ressembler ». Catherine Lepelletier tord le cou au mythe de Ti Momo en rappelant comment René Maran a agi auprès d’Henri Torrès pour qu’un avocat guyanais soit du procès des 14 Guyanais à Nantes : « Monnerville remercia Torrès à sa façon (…) Monnerville se flattait à lui seul d’assurer la défense des inculpés de Guyane… » Car Damas et Monnerville sont des opposants. Le premier, en étant l’un des pères de la négritude, ne peut être proche d’un défenseur de l’assimilation voire de l’acculturation des peuples des vieilles colonies… C’est un nègre fondamental contre un gwo tchap, un neg maron contre un mulâtre assimilé.
Le récit s’égare souvent dans la vie banale de la vieille Mamoune et Catherine Lepelletier doit aller chercher le renfort d’autres survivantes comme Man Piero à Cayenne ou la dernière épouse de Damas à Rio. Mais peu de mots réussissent à ranimer l’âme du poète amoureux du jazz. Damas n’affleure qu’à peine des limbes des souvenirs de Mamoune. Malgré son titre splendide, Rhapsodie jazz, Catherine Lepelletier ne parvient pas à faire entendre la petite musique poétique de Ti Léon, ce qu’Ernest Pépin appelle sa fulgurance.
FXG (agence de presse GHM)
Rhapsodie jazz pour Damas, éditions Idem