SIAL Guadeloupe
Les entreprises exportatrices handicapées faute de plateforme logistique
Saluées par plusieurs prix de l'innovation au Salon international de l'alimentation, les entreprises guadeloupéennes peinent à exporter faute de plateforme logistique dans l'Hexagone.
Dans le sillage de Guadeloupe Expansion, six entreprises guadeloupéennes sont venues ou revenues au Salon international de l'alimentation (en ce moment à Villepinte en région parisienne) pour arracher des parts de marché en France, en Europe et dans le monde. Ce salon est celui des nouvelles tendances alimentaires et pour les produits guadeloupéens, c'est une vitrine incontournable. Ici, nos entrepreneurs prennent des contacts avec des acheteurs venus de la planète entière ; ils peuvent confronter leurs produits à la concurrence et vérifier la qualité de leur packaging. La société Mabi était déjà présente, il y a deux ans et cette année, elle revient en ayant totalement revu le conditionnement de ses punchs. Désormais, son flacon relève davantage de la parfumerie de luxe que du bocal de grand-mère. "Nous travaillons déjà avec l'Allemagne et l'Australie", confie Marianne Billy, la fille de Ludmilla Lurel, la gérante de Mabi. 30 % de son chiffre d'affaires est fait à l'export. Ca pourrait être davantage, mais les taxes d'entrée sur l'Hexagone (8 euros par litre) et le coût du fret sont un véritable frein pour un développement à grande échelle. Si l'Allemagne est son premier client étranger (depuis le SIAL 2012), Mabi a tapé dans l'oeil des Japonais, des Autrichiens, des Singapouriens et des Coréens, mais impossible de se développer sans trouver d'abord une solution logistique. "Il faudrait une aide au fret, mais surtout que nous ayons un entrepôt dans l'Hexagone à partir duquel nous pourrions distribuer", explique Marianne Billy. Entre les surcoûts fiscaux, ceux liés au transport et la difficulté d'éviter les ruptures de stock, Mabi sait que ses produits ne sont pas très compétitifs. "Dans ces conditions, participer à ces salons n'est pas très porteur..." Elle se bat pour trouver des partenaires avec lesquels elle pourrait mutualiser une plateforme logistique pour le transport, le dédouanement et le stockage car ses volumes sont insuffisants pour qu'elle se lance seule dans pareil investissement.
Les autres entreprises présentes au SIAL ont fait part des mêmes préoccupations. Ainsi Laurie Edouard Dansault qui présente au SIAL son café Capress, salué par un prix de l'innovation. Cette société soeur des cafés Edouard a été créée spécifiquement pour l'export quand il a été jugé impossible d'adapter la marque locale au marché européen. "Il y avait tellement de modifications à faire pour pouvoir exporter que nous avons préféré créer une nouvelle marque, et une nouvelle usine pour répondre aux normes internationales", raconte Laurie Edouard Dansault. Le produit est une réussite avec un emballage directement inspiré de ce qui se fait aux Etats-Unis et dans l'Europe du nord, mais la société est elle aussi confrontée au problème de la logistique. "Nous devons nous organiser pour disposer d'un entreposage en région parisienne ou au Havre et avoir suffisamment de stock pour servir nos clients français, espagnols ou allemands."
L'accord signé lundi dernier par la ministre des Outre-mer et UbiFrance, est une avancée puisqu'il permet d'offrir les prestations d'UbiFrance (tests sur offres à l'étranger, prise en charge pour des salons internationaux, support de communication ou encore recours aux Volontaires internationaux entreprises) aux candidats à l'export, mais cela est encore assez éloigné d'une vraie réponse à cette nécessité qu'ont les entreprises domiennes : exporter dans cet autre territoire fiscal qu'est l'Hexagone avant de pouvoir distribuer dans le monde.
La Région a pris conscience de cette difficulté qui coupe les ailes de nos entreprises en dépit de leur grande capacité à innover. Ainsi, à la vieille idée de créer une centrale commune d'achat dans l'Hexagone pour les importations, s'est greffée celle d'une plateforme logistique commune pour l'exportation. Comme cette problématique concerne l'ensemble des outre-mer français, le vice-président de la Région, Jocelyn Mirre, a indiqué qu'il allait, dans les prochains jours, rencontrer à ce sujet la structure créée par la chambre de commerce de la Réunion, Kooperativ.
FXG, à Paris
Vins et pétillants de banane
La société de Jacques Lepoigneur, un Mauricien installé au Moule depuis vingt ans (c'est un ancien de Gardel), s'est spécialisée dans les vins, pétillants et vinaigres de banane. "Le domaine des Antilles" a misé sur l'innovation en ayant mis au point son secret de fabrication : l'extraction du jus de la banane (ses produits ont reçu le prix coup de coeur de l'innovation du SIAL et un "RIA Globe"). Après des années de recherche et développement, des investissements lourds, il est désormais capable de produire 30 000 bouteilles par mois avec une petite dizaine de salariés. Les marchés qu'il a prospectés à l'export sont la Russie, Chine, le Brésil et les Etats-Unis. Mais pour sa société comme pour Mabi, le grand problème, c'est l'export et ses coûts. Il a même étudié la possibilité de délocaliser dans l'Hexagone son unité de production... Pour l'heure, l'urgent, c'est de trouver un lieu de stockage dans l'Hexagone qui lui permettrait de concrétiser plus facilement des contrats avec l'étranger. "On essaie de mettre en place des partenariats avec des distributeurs." Mais, au-delà, Jacques Lepoigneur semble décidé à créer sa propre plateforme logistique en Europe. Il se donne six mois pour arriver à une véritable prise à l'international. "C'est un produit à envergure internationale, indique Jérôme Barret, un consultant avec lequel travaille M. Lepoigneur. Il est élégant, féminin et très proche du vin." Le public parisien pourra découvrir ses vins et pétillants de banane sur les Champs-Elysées à la fin de l'année sur le marché de Noël. Ces produits seront en outre désormais servis dans la capitale au fameux "restaurant dans le noir" où les clients prennent un repas complet à l'aveugle !
Des glaces aux parfums inconnus
Le stand du glacier Saveur des Antilles n'a pas désempli au SIAL. Il faut dire qu'en matière d'innovation Samuel Vincent, son fondateur, a su ouvrir de nouveaux horizons aux papilles gustatives des visiteurs. Ses sorbets au tagetes (estragon du Mexique ou oeillet d'Inde), à la fleur de pitaya (le fruit du dragon des Chinois), au corrossol, à l'eau de coco, au gingembre, au gros-thym ont fait un tabac. L'entreprise, située à Sofaïa/Sainte-Rose a été créée en 2008, mais elle n'est ouverte que depuis décembre 2013. L'unité de production est capable de produite 300 litres par heure. "Nous travaillons avec des agriculteurs locaux", raconte Samuel. C'est son premier SIAL mais pour l'heure, il cherche à développer le marché local avant l'export. "Ici, on se contente de se faire connaître." Au vu des demandes sur le SIAL, Samuel Vincent et sa collaboratrice Kattia Oppet, réfléchissent pourtant à des solutions pour exporter. "On compte sur UbiFrance et Guadeloupe Expansion car ce serait dommage de passer à côté d'un tel potentiel de développement." La solution la plus simple serait de délocaliser la production dans l'Hexagone sur une plateforme qui recevrait les purées de fruits préparées à Sainte-Rose. A suivre...
Le piment antillais en dosette individuelle
Kelly Piès, gérante de Chaleur des tropiques à Sainte-Rose, a eu une idée géniale, donc toute simple : le piment en dosette individuelle. Elle et son associé ont déposé les brevets et ont créé leur société en avril 2013. C'est la grande jeunesse du produit qui lui a fait passer sous le nez la reconnaissance du prix de l'innovation du SIAL. Kelly s'est inspirée de l'existant avec la moutarde et le ketchup, mais en matière de piment, il n'existait qu'une huile pimentée sans le fameux parfum du bondamanjak ! "C'est la première fois que je présente ce produit dans l'Hexagone. Il est hygiénique, à faible coût, longue durée (deux ans) et simple à exporter." La journaliste guadeloupéenne de M6, Karine Guiock, l'a découvert sur les vols Air France et elle a été "scotchée" !