The art of dreaming de Jacques Schwarz-Bart
Jacques Scharz-Bart, le souffle dans le sax
« The art of dreaming » du Jacques Schwarz-Bart quartet sort le 21 février dans les bacs avant un concert, le 11 avril, au New Morning (Paris).
Jacques Schwarz-Bart devient le pionnier du nouveau département d’Aztec musique jazz. Une première pour cette maison d’éditions musicales tournée plutôt vers la musique dansante, le zouk, le dance hall et la tradition.
Ce nouvel opus démontre une vraie prise de risque réussie, entre rêve et improvisation. Jacques, avec générosité, a développé une telle intimité avec le gwo ka qu’il peut aujourd’hui l’intérioriser dans le jazz. Sa théorie, « écrire c’est réécrire », une phrase qu’il tient de son père. Longtemps enfant solitaire, comprenant mal le monde des humains, ne trouvant pas sa place, Jacques passait de longues journées à errer dans les sous-bois et à rêver. « Ma mère la savait. Je disparaissais le matin et je revenais le soir plein d’égratignures. » L’adolescent, rempli de complexes et de timidité, passait ses journées à vagabonder dans la mangrove et les lianes, bien loin d’un petit plat de porc aux bananes vertes, sous la pluie et dans le vent. Un petit Jacques en mawonaj qui trouvait un peu de bonheur en écoutant de la musique haïtienne et du gwo ka sur le tourne-disque familial. Après des études longues et fastidieuses, droit et sciences po, il débute en tant qu’assistant parlementaire de François Louisy… A la suite d’un terrible accident de voiture, il change radicalement de cap. Il se souvient encore de l’état de la voiture et de la musique qui passait sur l’autoradio, ce jour là : « J’étais alors directeur des services du Conseil général de la Guadeloupe. La voiture était complètement réduite en un chiffon de métal. Je n’étais pas sensé survivre à cet accident et je me suis retrouvé, je ne sais pas comment, sur le bord de la route à contempler cette épave difforme où tout était cassé, à part moi et le lecteur de cassette qui jouait à fond un disque de Miles Davis, Too Too… Ce moment a été clairement un message. Il me fallait retourner a ce qui m’importait vraiment, c'est-à-dire la musique ».
"Une odeur de bébé"
De là, Il bifurque, intègre la grande école de musique, le Berkeley college of music de Boston. Après le tambour en Guadeloupe et la guitare à Paris, il rencontre le saxophone à Boston. « La rencontre avec le saxophone a été l’élément déterminant dans ma carrière. J’ai eu l’impression de trouver une voie, ma voie. » Puis est venu à le temps des rencontres. Il découvre la musique gnawa du Maroc et ses grands maitres, Karim Ziad et Hamid Del Kazeri : « C’est cette possibilité de vivre l’imaginaire et en même temps la spiritualité à travers la musique qui m’a rapproché de la musique vaudou haïtienne. » C’est le projet « Jazz-Racines-Haïti » qui sera un véritable succès sur les scènes internationales. Avec The art of dreaming, Jacques Schwarz-Bart prend des airs de jeune père : « Il est tout frais. J’ai encore les sensations de sa naissance. Pour moi, c’est le meilleur moment pour sortir un projet, lorsqu’on a encore cette odeur de bébé en bas âge… » Après The art of dreaming, Jacques rêve de biguine avec le pianiste guadeloupéen Alain Jean Marie... « Chacun de mes projets a une trajectoire dans le temps qui se mesure plus en décennies qu’en années ».
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
The art of dreaming, 7e album du saxophoniste guadeloupéen, Jacques Schwartz-Bart, en quartet jazz, avec Baptiste Trotignon (piano), Thomas Bramerie (Basse) et Hans Van Oosterhout (batterie). Sortie le 21 février chez Aztec musique jazz.
3 questions à Jacques Schwarz-Bart
« Gnawa et vaudou me permettent de reconnecter mes expériences d’enfance »
Quels sont les difficultés qu’on peut rencontrer quand on commence la pratique d’un instrument comme le saxo sur le tard ?
Jouer un instrument de musique n’est pas quelque chose de naturel pour le corps. Surtout, quand il s’agit d’un instrument aussi lourd que le saxophone ténor où la position du corps n’est pas équilibrée. Pour le saxophoniste, tout comme le violoniste ou le pianiste, il faut que le cerveau et le corps grandissent en s’accoutumant à tout ce qui n’est pas naturel, en créant de connexions, des synapses, enfin des réflexes qu’on ne rencontre pas dans la vie de tout les jours. Le plus tôt on l’expérimente, le mieux on le développe. C’est pourquoi, tous les grands musiciens commencent relativement jeune. Je suis celui qui a commencé le plus tard dans l’histoire du jazz.
Enfant, qu’alliez-vous chercher dans la forêt de Guadeloupe ?
On dit souvent que c’est dans la forêt qu’on peut aller chercher un don. Je ne peux pas vous dire si j’ai trouvé un don. Mais, en tout cas, j’ai trouvé à la fois une connexion avec ma vie, avec la vie en général, au-delà de l’humanité. Parce que, souvent lorsqu’on parle de la vie, on pense essentiellement à nos congénères. Pour moi, la vie c’est l’eau, les arbres, les animaux et aussi les énergies qu’il y a derrière tout ça. Moi, j’ai vécu dans la forêt des moments où j’ai été confronté à des énergies qui se sont révélées depuis dans ma vie et que je ressens proche de moi à travers la musique Gnawa ou la musique vaudou. Ces deux musiques sont si proches de moi qu’elles me permettent de reconnecter mes expériences d’enfance.
Comment vous définissez-vous ?
Le jour où je me définirai, je serai certainement proche du tombeau. J’essaye surtout d’exister.
Propos recueilli par A. J.