Touche pas ma banane
Touche pas ma banane
La France entière s’émeut à juste titre des injures proférées contre la garde des Sceaux, ministre de la Justice, la Guyanaise Christiane Taubira. Ces injures s’accompagnent d’images qui renvoient à l’imaginaire colonial et sa sémiologie raciste des années trente, comme chez Hergé dans Tintin au Congo ou encore Johnny Weissmuller dans Tarzan. Reste que la banane est venue dans cette affaire en renfort de ceux qui ont voulu stigmatiser Mme Taubira. A tel point que Louis-Georges Tin, le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a demandé : « Combien de bananes faudra-t-il pour qu’une action politique vienne enfin barrer la route aux racistes ? »
Depuis une dizaine d’années, des professionnels des Antilles, mêlant békés, nègres, mulâtres et zindyens, font un travail remarquable pour que l’une des grandes cultures d’exportation, la banane de Guadeloupe et Martinique soit reconnue comme une grande marque du savoir faire français. Ils ont travaillé le produit et l’image et ont même créé un timbre postal à l’effigie de la Cavendish. Depuis quelques mois, l’Union des groupements des producteurs de bananes (UGPBan) distribue une petite banane jaune sous forme de pin’s. Jusqu’alors, certains la confondaient parfois avec celle du Velvet underground et d’Andy Warhol. Mais depuis quelque temps, la confusion prend des allures plus ennuyeuses pour celui qui la porte au revers de sa boutonnière. « C’est une provocation ! Vous soutenez ceux qui attaquent Mme Taubira… » Non, cette banane n’appartient ni au journal Minute, ni à la morveuse qui l’a brandie à Poitiers lors de la visite de Christiane Taubira, elle appartient aux 15 000 personnes des Antilles françaises qui en vivent. Ne plus la porter, c’est accepter de leur abandonner le symbole. Voilà pourquoi il est plus nécessaire que jamais de l’arborer pour bien signifier : « Touche pas ma banane ! »
FXG