Grap a congo et bouladgel en représentation à Paris
Dimanche dernier, la Cité de la musique à la Villette (Paris) accueillait les rythmes traditionnels afro-Guadeloupéens, le grap a kongo et le bouladgel.
Il s’agissait de célébrer la vie et la mort selon des rituels festifs qui mêlent musique, chants, jeux, danses, pleurs, prières et blagues.
Les traditions ancestrales du grap a congo et du bouladgel sont arrivées d’Afrique avec les esclaves et les travailleurs engagés. Elles se sont créolisées sous l’influence de la religion catholique. La plus pratiquée de nos jours (mais pour combien de temps encore ?) reste la veillée mortuaire dans la région des Grands Fonds et le grap a congo sur les hauteurs de Capesterre-Belle-Eau. Durant une heure, dimanche sur la scène de la Cité de la musique, dans une lumière blafarde et sans relief, Marie-France Massembo l’héritière d’une culture familiale léguée par sa mère, a fait une démonstration de Grap a congo. La cérémonie a débuté par un cortège où une femme porte un bouquet et une assiette blanche, suivie d’un homme tenant un fusil. Derrière, les autres participants suivent en file indienne. C’est l’appel à la célébration de la mort. Les gestes sont précis et les paroles empruntent le langage congolais, le ki-congo. Une langue venue d’un village au Congo Brazzaville. Le spectacle est un raccourci de ce qui se passe chaque 1er novembre à Cambrefort.
Marie-France est issue d’une famille qui a su transmettre les cérémonies sacrées de son passé et elle les fait revivre aujourd’hui, sur une scène parisienne. « Après le décès de maman, je me suis dit que je devais continuer. Elle a su préserver le grap a congo malgré toutes les critiques. Ça n’a jamais été facile de dire qu’on était Congo en Guadeloupe, même jusqu’à maintenant. » Le foulard blanc attachant la tête est là pour la dimension sacrée et la purification de l’esprit, le rhum pour la libation et la création du lien, le Moukenian, une plante rituelle, pour bénir et libérer. Les chants rythmés par le tambour du groupe Kan’nida de la famille Geoffroy ne sont pas que nostalgiques. Certains racontent les conditions de la déportation.
Alphonse et Marie-France Massenbo
Bouladgel des Grands Fonds
Le Bouladgel, en deuxième partie du concert, ce sont les chants guadeloupéens des veilles funéraires dans la région des Grands Fonds. Ils étaient interprétés dimanche par la famille Geoffroy (à laquelle appartenait Hilaire, décédé récemment et pour qui le public parisien a respecté une minute de silence). Dans ces contrées de la Grande-Terre, parcourues de part en part de champs de cannes et de cultures vivrières, une clameur monte des Fonds par la voix de Zagalo. Il annonce la mort du défunt aux alentours. Les gens accourent alors pour soutenir, aider, boire, manger, chanter, jouer, blaguer, prier et pleurer.
La veillée de la famille Geoffroy est un pan entier de la culture funéraire en Guadeloupe en quasi extinction à cause des nouveaux modes de vie et de la conservation des décédés en maison mortuaire. La famille Geoffroy des Grands Fonds de Sainte-Anne continue de perpétuer cette tradition. « On s’oblige à respecter les rituels de la veillée par respect pour nos ancêtres et pour Sergius Geoffroy. Nous arrivons encore à garder le mort dans la maison et faire une veillée en famille. Mais je sais que c’est en pourparler et qu’on veut nous interdire ça. Un peuple ne vit pas sans sa culture. On invite nos enfants à prendre le relais. Ça permet à la Guadeloupe d’avoir une vraie identité. » Une véritable résistance familiale véhiculée par la famille Geoffroy et le groupe Kan’ nida. La démonstration a été très applaudie.
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
Jeux, blagues et rhum au bouladgel
Les blagueurs se lancent des défis : « En naviguant dans les grandes eaux, j’ai rencontré mon premier. Le second fait partie de mon navire. Mon troisième est un outil indispensable au charpentier. Mon tout est un organisme très important dans la cité… » La réponse est la pharmacie. Mais il y a aussi le pilé kako, le danmié, la danse, le zizipan, les serveuses de café ou la table centrale surveillée du coin de l’œil par un « met a mo la » Chacun vient boire le rhum, à volonté. Patrick fait sa prière avant de boire son verre : « Je vous salue canne pleine de vie, le rhum est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les plantes et le jus de votre fruit, dans mes entrailles, est béni. » Et il arrose son gosié, avec un crs (coup de rhum sec) en balançant les dernières gouttes sur le sol, puis il boit un verre d’eau pour couper la vapeur du rhum. Pou crazé !
thierry 10/12/2011 10:36