Un collectif d'ultramarins en colère au sujet de France Ô
Lettre ouverte au président de la République (porte-parole José Vatin)
2011, année des outre-mer : Les ultramarins de Métropole en colère
"Aujourd’hui via le satellite et l’ADSL, six chaînes africaines, 14 chaînes chinoises, 4 chaînes indiennes, et bien d’autres sont désormais disponibles en direct dans l’Hexagone. Tous ceux qui, venus de pays étrangers, habitent sur notre sol, qu’ils soient Français ou non, peuvent recevoir chaque jour des images en provenance de leur pays d’origine. En revanche, les 2 millions de Français originaires des territoires français d’outre-mer qui vivent en métropole, en majorité des Antillo-Guyanais, sont de plus en plus privés d’images des régions où ils sont nés parfois, où vivent une partie de leur famille et de leurs proches, où bat toujours très fort leur cœur.
En 1998 Pour répondre à une absence criante d’images de l’outre-mer français sur nos écrans nationaux, Jean-Marie Cavada, ancien président de RFO, avait lancé un projet ambitieux, via RFO-Sat : soit 4 heures de programme des outre-mer destiné à servir de vitrine de l’outre-mer en Métropole. En 2009, à la suite des états généraux de l’outre-mer, vous, monsieur le président de la République, aviez retenu dans ses conclusions la diffusion nationale de cette chaîne, rebaptisée France Ô, via la TNT, pour faire connaître, découvrir et valoriser ces territoires français, mais aussi pour répondre à une attente très forte des ultramarins de Métropole, musiciens, artistes, écrivains, politiques, intellectuels, étudiants, familles, vivant dans l’Hexagone.
Aujourd’hui l’ensemble de la communauté d’outre-mer vivant en métropole est en colère. Elle ne se reconnaît plus dans ce qu’est devenue cette chaîne. Les informations de leur territoire sont reléguées à des heures impossibles. Le contenu s’éloigne chaque jour un peu plus des outre-mer. Elle serait, nous dit-on, devenue la chaîne de la diversité. Un constat cruel, partagé par tous, s’impose : France Ô est devenue la chaîne de toutes les identités, peut-être, sauf de la nôtre. Nous sommes en train d’être éliminés de notre propre chaîne au mépris de l’autorité du chef de l’Etat et de la représentation parlementaire.
Les originaires d’outre-mer se trouvent ainsi doublement punis : non seulement les chaînes nationales ne présentent aucun programme régulier en provenance des outremer français susceptibles de nous intéresser, nous les Ultramarins de la métropole, mais aussi l’ensemble de la population qui ne nous connaît que par les catastrophes ou d’autres informations peu valorisantes, voire négatives, mais de plus, la seule chaîne qui nous était dédiée, nous échappe pour s’ouvrir à des populations qui n’ont pas besoin de France Ô puisqu’elles disposent de leurs propres canaux d’information.
Nous voulons garder ce contact charnel que permet la télévision avec nos régions d’outre-mer, maintenir le lien avec nos familles, nos proches, nos amis, rester en prise avec l’actualité de nos pays. Cet échange est indispensable pour que la confiance se maintienne entre l’Hexagone et ses régions ultramarines, pour que la connaissance réciproque dissipe les préventions et les préjugés. Nous ne voulons pas être plus mal traités que d’autres. Nous voulons garder notre chaîne. Non pas que nous soyons hostiles à ce qu’elle s’ouvre à d’autres peuples ou à d’autres identités. Nous appartenons à des cultures qui ont été, de tout temps, métissées, ouvertes aux autres. Mais cette ouverture ne peut conduire à nous reléguer à la portion congrue et même à l’invisibilité.
Au moment ou nous nous apprêtons à fêter les outre mer dans l’Hexagone, à travers l’année de l’outre mer en France, nous demandons de toute urgence, une réunion avec les instances concernées (Elysée et ministère de l’Outre-mer) pour qu’une réflexion de fonds se mette en place sur l’avenir de France Ô.
Dans les semaines à venir, nous lancerons une pétition auprès des 500 associations qui regroupent les Ultramarins d’Ile de France et nous organiserons une série de colloques avec et pour les Ultramarins de métropole, pour élaborer des propositions qui soient conformes à la promesse du président de la République de faire de cette chaîne la chaîne des outre-mer.
Mais auparavant, monsieur le président, entendez notre appel pour empêcher que cette vielle ancienne des faubourgs de Paris qui veut qu’elle n’ait pas de pratique ne devienne un proverbe chez les ultramarins.
Pour le collectif
José Vatin
Contrepoint
France Ô selon son directeur délégué
Il y a quelques temps, Claude Esclatine s'est exprimé sur la ligne éditoriale et frace Ô et sur l'information en provenance de l'outre-mer. Nous republions un extrait de cette interview pour apporter un contrepoint à la lettre ouverte initiée par l'ancien journaliste de RFO et ancien collaborateur de Lucette Michaux-Chevry à la Région Guadeloupe, José Vatin
Quelle va être la nouvelle ligne éditoriale de France Ô ?
Claude Esclatine : France Ô ne sera pas une chaîne exclusivement de la diversité car je ne sais pas ce que regroupe le mot de la diversité et France Ô ne sera pas non plus une chaîne uniquement de l’Outre-mer. Ne faire une chaîne que de l’Outre-mer, qui ne parle qu’aux communautés ultra-marines en métropole serait une forme de repli sur soi-même. Nous sommes présents dans neuf territoires sur tous les continents, certes d’une manière modeste en termes de superficie mais de manière forte en termes d’identité. Donc on a à parler de ces identités, mais au-delà des identités des zones dans lesquelles nous intervenons, et plus généralement des zones du monde qui se retrouvent en écho sur le territoire national français. France Ô ne sera pas qu’une chaîne de l’outre-mer.
Ca veut dire qu’on ne verra plus, par exemple, les journaux télévisés d’outre-mer sur France Ô ?
Non, c’est excessif de dire cela dans l’autre sens. On aura encore de l’information en provenance de l’outre-mer mais on réfléchit sur la forme que ça présentera. Aujourd’hui, la grille de France Ô reprend quatre fois par jour chacun des neuf JT d’outre-mer, ça me semble excessif. On peut tout à fait traiter de manière plus ouverte des journaux qui sont tout à fait captables et diffusables sur Internet. Ca nous oblige à réfléchir sur la nouvelle forme que l’information en provenance de l’outre-mer peut avoir sur France Ô. Elle existera toujours mais elle peut évoluer dans sa forme.