Mumia Abou Jamal et Martin Luther King sur les planches à Bobigny
Martin Luther King et Mumia Abou-Jamal au parloir
L’auteur dramaturge Alain Foix aime les rencontres, rares ou incongrues, mais toujours porteuses de sens. On se souvient du huis-clos qui mettait face à face Angela Davis et Gerty Archimède, dans « Pas de prison pour le vent », de la rencontre plus classique des chevaliers Saint-George et d’Eon ou celle audacieuse de Shylock et Othello, le Juif et le Nègre, dans « Le ciel est vide »… Ce coup-ci, Alain Foix s’attèle à la mémoire douloureuse noire américaine en mettant face à face Martin Luther King, assassiné en 1968, et Mumia Abou-Jamal, dans le couloir de la mort depuis 1981, dans « La dernière scène ». Cette nouvelle création qu’Alain Foix met en scène lui-même sera à l’affiche du théâtre de l’Albatros pendant le festival d’Avignon.
Sur scène deux comédiens, mais trois personnages. Mariann Mathéus est Coretta, l’épouse du pasteur. Assane Timbo est à la fois Mumia Abou-Jamal et Martin Luther King. « Joyeux Martin Luther King day ! », lance Mumia Abou-Jamal tandis que Coretta regrette son mari parti avec son rêve et laissant les orphelins les armes à la main. « Maintenant, ils s’entassent par centaine dans les couloirs de la mort. » Luther King fait face à son héritier, à moins que ce ne soit celui de Malcolm X, un « né sous X »… Car Mumia a été black panther qui sait que « un noir n’a aucun droit qu’aucun blanc ne soit tenu de respecter… » Mais Luther King est non-violent, bon et chrétien. Devant un piano, il dit à son épouse : « Les aveugles ne voient pas les couleurs, c’est peut-être pour ça qu’ils jouent si bien… » On passe de la cellule de Mumia à la chambre 306 du Loren Motel à Memphis, le jour de l’assassinat de MLK : « la mort derrière la vitre… » Et c’est 1980, l’arrestation d’un taxi driver noir. Lui aussi passe la vitre, du taxi. Il raconte l’irracontable, le mensonge policier… « Ils me condamnent à mort parce que j’ai tué Faulkner, un flic, pas l’écrivain, c’est pire… » Et depuis trente ans, Mumia bouffe de la télé. « Zappez ! », hurle le prisonnier… MLK a eu un rêve mais Mumia sait que la terre promise n’est pas là haut. Elle est là « derrière la vitre ». La dernière scène s’achève sur un la. « Une note bleue », tempère Coretta.
Alain Foix aborde ici un thème qu’il a plusieurs fois rencontré, celui de l’altérité, notamment dans Noir (édition Galaade), mais aussi avec Toussaint Louverture (Gallimard) et même Vénus et Adam (Galaade). Parfois didactique voire pédagogique, son texte (qui sort en juillet chez Galaade) a l’avantage de mettre en lumière la face sombre de l’Amérique. Il a puisé dans l’œuvre de Martin Luther King (dont il sort une biographie en octobre chez Folio), mais aussi dans celle de Mumia Abou-Jamal qui a écrit huit livres en prison.
La pièce était à l’affiche du théâtre de l’Albatros du 8 au 28 juillet puis le 19 octobre au Canal 93 de Bobigny, où une rue Mumia-Abou-Jamal a été inaugurée.
FXG (agence de presse GHM)