Un rapport sur les langues régionales et d'outre-mer
La place des langues des Outre-mer dans la République
Le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, installé par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la communication, le 6 mars dernier, a rendu, le 15 juillet, les conclusions de ses travaux sur les langues régionales.
Le comité, présidé par le conseiller d’Etat, Remi Caron, a étudié la situation de toutes les langues régionales et non territoriales de France, celles parlées dans l’Hexagone et dans les Outre-mer, celles transfrontalières, celles solidement implantées et celles en situation de précarité. Premier constat d’importance, dans les régions créolophones, on enseigne encore le créole comme une langue étrangère.
La France a un probleme avec ses langues régionales et si la Constitution en admet le principe depuis la réforme de 2008, « le président de la République et le Premier ministre ont estimé qu’il n’était pas possible d’introduire dans notre Constitution une disposition permettant de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, sans introduire de contradiction majeure avec la Constitution », rappelaitla ministre de la Culture à l’Assemblée nationale le 23 avril dernier. Elle a cependant « réaffirmé la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre les dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires jugées constitutionnelles en 1999 ».
Outre-mer, le français est la seconde langue maternelle, soit une langue seconde partiellement pratiquée en complément de la langue maternelle. Dans les DOM, le créole, longtemps auto dévalorisé, s’affirme désormais comme une langue à part entière, dans les médias, dans la littérature, et également dans les chansons et les spectacles. Dans les media, un effort particulier a été fait : les chaînes en langue créole sont des chaînes de plein exercice et non des décrochages ; elles diffusent en créole des journaux d’information, des émissions et des débats, de manière plus marquée dans les Antilles ou à La Réunion. L’attention du Comité a toutefois été appelée sur la pérennité de ce type d’émissions en Guyane. Le créole est aussi présent sur la Toile, notamment à travers l’encyclopédie en ligne Wikipédia, qui atteste le dynamisme de communautés de contributeurs. « Toutefois, si le créole demeure très vivant, des signes de régression sont observés tant en Guadeloupe, qu’en Martinique », avertit le rapport.
Mieux prendre en compte la spécificité des Outre-mer
La Constitution offre un levier pour prendre en compte la situation de bilinguisme ou de multilinguisme de plusieurs de ces régions. La déclaration de Cayenne des « États généraux du multilinguisme dans les Outre-mer », de décembre 2011, offre un ensemble de 99 recommandations. Le Comité considère que ces recommandations constituent une « boîte à outils », dont beaucoup de propositions pourront être mises en oeuvre en parfaite conformité avec les principes de la République.
Pour la mise en oeuvre de cette politique, les collectivités territoriales des Outre-mer sont appelées, davantage encore qu’en métropole, à jouer un rôle essentiel pour que le créole trouve sa place à côté du français. « Une intervention juridique de niveau législatif, spécifique aux Outre-mer, serait nécessaire », indique le rapport. Le Comité suggère qu’une mission de l’Inspection générale de l’Éducation nationale soit chargée d’un rapport sur l’enseignement des langues et en langues des Outre-mer. Cette mission aurait, pour chaque territoire des Outre-mer, à établir un diagnostic et à faire des propositions pour promouvoir l’usage des langues des Outre-mer à l’école tout en favorisant la réussite scolaire et la prévention de l’illettrisme.
« Chaque enfant doit pouvoir apprendre à lire et à écrire dans sa langue maternelle », déclarait le Professeur Bentolila, lors du colloque « Enseigner l’Outre-mer, enseigner en Outre-mer », organisé à l’Université de Paris V, le 17 mai 2011, il ajoutait : « Vous n’apprendrez pas à lire à un enfant dans une langue qu’il ne parle pas ». Plutôt qu’un strict bilinguisme paritaire, il conviendrait d’assurer un accueil dans la langue d’origine lors de l’entrée dans la scolarité, et de pratiquer un bilinguisme évolutif où le Français serait progressivement intégré au cours des premières années de la scolarité. L’objectif est de parvenir à un bilinguisme équilibré à la fin de l’enseignement primaire.
FXG, à Paris
Le créole à l’école
L’enseignement des langues régionales a concerné sur l’année scolaire 2011-2012, 272 000 élèves. Il se concentre sur certaines langues : l’alsacien pour 73 000 élèves, puis l’occitan (62 000), le breton (35 000), le corse (34 000), le créole (17 000), le basque (14 000), le catalan (13 000), et le tahitien (13 000). La hausse globale, tous cycles confondus, s’établit à + 24 % par rapport à l’année scolaire 2009-2010, dont une forte progression des enseignements dans les langues régionales ultramarines, qui représentent près des deux tiers de cette croissance.
Le français est encore souvent enseigné aux jeunes ultramarins, comme s’il était leur seule langue, en ne tenant pas suffisamment compte de leur situation linguistique. Si le créole a bien été introduit à la maternelle et dans le primaire, il le reste dans des conditions très limitées et plutôt sous la forme d’une langue étrangère. De surcroît, il n’y a que peu d’enseignements de l’histoire ou de la culture locales. Certains observateurs relient à cette insuffisante prise en compte du créole à l’école, le taux d’illettrisme, deux ou trois fois supérieurs à celui constaté dans l’Hexagone.
Dans le secondaire, le créole, loin d’être considéré comme la langue maternelle de la quasi-totalité de la population, est placé sur le même niveau et en compétition avec des langues étrangères. Dans l’enseignement supérieur et dans la recherche, la continuité des dispositifs de formation des professeurs et de préparation au CAPES apparaît également fragile.
Dans les régions non créolophones, notamment dans les régions habitées par des groupes de locuteurs de langues plus rares, en Guyane, ou en Nouvelle-Calédonie, la situation apparaît encore plus préoccupante, faute d’enseignants formés pour l’accueil des enfants dans leur langue.